Après une course qui a duré de longs mois, le peuple tunisien a fini par trancher. Malgré des accusations et des suspicions quant à l'inexistence de fraudes et de manipulations, tout le monde se félicite du « bon déroulement de l'épreuve électorale, de l'affluence massive des citoyens et de l'ambiance de haute facture civilisationelle des Tunisiens ». Les observateurs européens, et comme du temps de Ben Ali, ont mentionné « la transparence » de ces élections. Le peuple tunisien a fait ses choix, et suite au 23 octobre, ce peuple ne cesse de surprendre, positivement, le monde entier. Sauf que cette fois là, ce peuple se trouve surpris par lui-même. Avoir Ennahdha en pôle position, cela ne surprendrait personne, mais à ce que beaucoup de Tunisiens, et là vraiment beaucoup, donnent leur voix à la Pétition de Hachmi Hamdi, lui qui défendait Ben Ali sur les chaînes panarabes, et qui faisait de sa propre chaîne de télévision, dont il le seul as, une plateforme de propagandes et de promesses exagérées, ceci donne à réfléchir. On comprend parfaitement que les habitants de Sidi Bouzid votent massivement pour l'enfant de leur région, eux qui ont eu assez des mensonges des anciens gouvernements tunisiens. Mais à ce que les Tunisiens résidents à Marseille votent en faveur de la « Aridha », cela donne à réfléchir. Ont-ils besoin des 200 dinars promis par Hachmi Hamdi, ou ambitionnent-ils de rentrer annuellement, et au moins pour une fois par an, gratis sur les lignes de Tunisair, puisque le monsieur a promis le transport gratuit aux plus de 65 ans. Mais ce qui semble être sûr, c'est que tous ces Tunisiens ayant voté pour la Pétition, ambitionnent que ce monsieur nous importe le système anglo-saxon. Ne jouit-il pas dans cet ordre d'idée de l'aval du chef spirituel du parti qui emporté à la presque majorité le résultat de ces élections ? Il semble, à la lumière de ces résultats, que les Tunisiens n'en ont pas eu assez des mensonges, et que le discours coloré mixant religion et promesses de vie meilleure l'a emporté haut la main. Sauf qu'il s'agit là d'une tâche historique, à savoir l'élaboration d'une constitution qui devra vivre des dizaines d'années. Les Tunisiens, et en allant voter aussi massivement, étaient-ils conscients de ces défis ? Il semble que cette affluence a été plutôt conduite par l'émotionnel que par le rationnel. Selon beaucoup de témoignages, beaucoup de personnes âgées, voulaient contribuer à la construction de la Tunisie nouvelle, mais ne savaient pas trop pour qui voter. On leur indiquait alors quelle case cocher une fois on est seul devant sa carte électorale, et dans certains autres cas on ajoutait à ces indications des promesses. Par contre, on ne peut pas dire que le vote des Tunisiens a été purement émotionnel. Car, d'un autre côté, d'autres partis ont largement perdu. On ne parlera pas ici de la défaite du Parti Démocratique Progressiste, qui a réussi à se gâcher une belle fête par des fautes de parcours graves. Les Tunisiens ont sanctionné ce parti là, mais ont surtout sanctionné et carrément écarté l'UPL, l'Union Patriotique Libre. Un parti qui a pensé pouvoir « acheter » les Tunisiens et leur vote, au vu et au su de tout le monde, et en défiant toutes les lois et les réglementations en vigueur. Peut-on alors parler d'un vote inconscient de la part d'une importante frange du peuple ? Il est certes assez tôt pour répondre à cette question. Les Tunisiens continuent certes à payer les années d'appauvrissement matériel et intellectuel de l'ère Ben Ali, mais ils ne sont pas dupes. Les mois à venir, la capacité de la coalition pouvant acclamer la majorité des voix, répondront à ces interrogations. On se demande si les leaders de ces partis accepteront de proposer la constitution qu'ils mettront en place devant un suffrage universel, un référendum par le biais duquel le peuple dira son dernier mot. Entretemps, la situation économique du pays est celle à laquelle il faut se retourner maintenant. On ne comptera certainement pas sur les 200 dinars promis par Hachmi Hamdi pour les chômeurs, car déjà les 200 dinars au profit des diplômés de l'enseignement supérieur sans emploi du programme « Amal » ont fait grimper la masse monétaire dans le pays et contribué à la hausse du taux d'inflation. On n'aura cependant pas à nous soucier des frais de la Présidence de la République, puisque notre prochain président préfère se loger parmi le peuple ! Loin du Palais de Carthage, selon ce qu'il a dit !