« Le plus grand effet de la Révolution c'est d'avoir montré que l'idée démocratique et la philosophie des droits de l'Homme ne sont pas une invention occidentale », a indiqué M. Yadh Ben Achour, professeur de Droit public en Tunisie, mais aussi spécialiste de la philosophie de l'Islam. Dans une interview accordée à Amnesty International France, M. Ben Achour a précisé qu'après la Révolution, la Tunisie ne peut pas rester éternellement dans le conflit, mais cela ne va pas se résoudre en quelques mois : « La Révolution n'a pas résolu nos contradictions. Elle nous a ouvert les voies de la liberté et de la discussion. Mais aussi celles du conflit. C'est ce que nous sommes en train de vivre. C'est beaucoup plus sain qu'une société résolve ses problèmes dans la contradiction, plutôt que par la violence et la coercition, en mettant les ennemis de l'Etat en prison, en les exécutant ou les torturant. Si nous parvenons à résoudre ces contradictions par le dialogue, la démocratie dans une sorte de crise perpétuelle, nous trouverons la synthèse. En revanche, si nous tombons dans la violence, c'est la guerre civile, et cette hypothèse n'est pas exclue ». Au sujet de la création d'un mouvement islamo-démocrate, M. Ben Achour a précisé qu'il s'agit d'une réalité : « Sur le plan conceptuel c'est possible et je connais, au sein du mouvement Ennahdha, des cadres qui sont de vrais démocrates dans l'âme. Je ne parle pas de démocrates stratèges qui n'adoptent les formes démocratiques que pour améliorer leur position politique. Le fond resurgira toujours. Mais il y a dans la direction d'Ennahdha des gens ouverts qui font de la démocratie une référence égale à leur foi, qui croient qu'une société islamique peut être conçue comme une société démocratique dans laquelle les deux pôles religion et démocratie peuvent marcher ensemble. Ces islamistes-là sont déjà des croyants du for intérieur ». « Pour pouvoir penser la démocratie et les droits de l'Homme, il faut avoir le ventre plein, ne pas connaître la souffrance physique, la misère, parce que la misère matérielle entraîne la misère spirituelle. Ce qui est tragique, c'est que plus de cinquante ans après les Indépendances, nous n'avons pas résolu le problème du sous-développement économique et social ».