De l'aveu même du ministère de l'Intérieur, ce qui s'est passé, ces jours-ci, dans la ville de Douz porte une connotation terroriste. Pourvu que les régions voisines n'en soient pas contaminées... On n'a besoin ni du flair d'un berger allemand bien dressé ni du réflexe d'un fin limier pour sentir l'odeur du terrorisme dans les incidents graves qui avaient émaillé, ces jours-ci, la ville de Douz (gouvernorat de Kébili). Cette onde de choc (c'en est hélas une) est d'ailleurs facilement audible, rien qu'en se référant aux preuves suivantes : — Primo: partie pour quelques heures, la manifestation de protestation aura duré trois jours, avec ce risque sérieux de la voir traîner encore en longueur. — Secundo: les manifestants ont vite dépassé le cadre du «défoulement habituel» (cris, banderoles...) pour attaquer et saccager édifices publics et postes de police et de la Garde nationale. — Tertio : au cours de leur offensive, les manifestants sont allés jusqu'à faire usage de fusils de chasse et de cocktails Molotov! Tout cela sans compter un autre élément non moins important, à savoir l'étonnante capacité de résistance des émeutiers qui revenaient mordicus à la charge chaque fois que l'intervention musclée des agents de l'ordre au moyen des bombes lacrymogènes les faisait disperser. Un remake ? A bien y voir, et en attendant la conclusion de l'enquête diligentée par le ministère de l'Intérieur, il est bon de relever que ce département a d'ores et déjà accrédité la thèse terroriste, et cela dans un communiqué officiel publié hier. Cet «aveu», bien qu'il s'en cache, corrobore indirectement une autre thèse, celle de l'existence de similitudes entre ces incidents de Douz et ceux qui avaient, ces derniers mois, embrasé des villes du Sud du pays (Médenine, Tataouine, Ben Guerdane et El Hamma de Gabès). Peut-on donc parler de remake ? Très vraisemblablement oui, même si les manifestants arrêtés çà et là ne sont pas passés aux aveux, soit parce que les séances d'interrogatoire qu'ils ont subies furent improductives, soit parce que les présumés accusés portaient de faux papiers d'identité, une tactique diabolique chère aux terroristes qui usent de ce stratagème pour dérouter aussi bien les enquêteurs que les agents de contrôle aux postes frontaliers. L'empreinte de Daech ? Tous ces facteurs conjugués laissent croire que Daech est passé par là. Pourquoi Daech précisément ? D'abord, parce que cette organisation fait désormais cavalier seul, après avoir supplanté et détrôné Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) qui régnait, jusque-là, sur la scène terroriste dans tous les pays de l'Afrique du Nord. Ensuite, parce que le réseau de l'EI n'a pas caché son intention d'occuper le... Sud tunisien, en prélude à la conquête, à long terme, de tous les pays du Maghreb. C'est un peu pourquoi il faut espérer que la parenthèse de Douz ne fera pas tache d'huile dans les autres régions du Sud. Et ce n'est pas un hasard si, outre le recours au couvre-feu (un mal nécessaire ?), les autorités ont envoyé, au cours des dernières 48 heures, des renforts en soldats et policiers dans le gouvernorat de Kébili, en attendant l'acheminement de renforts supplémentaires dans toutes les villes du Sud du pays.