Toutes les découvertes ont un potentiel limité à l'exception des puits d'El Borma et Ashtar qui assurent 42% de la production nationale en pétrole brut depuis le début de leur exploitation en 1966 «Il y a de l'exagération dans la campagne « Winou el petrol ? », orchestrée, je l'espère, pour les bonnes causes». Voilà ce qu'a déclaré le ministre de l'Energie, Zakaria Hamad, au début d'une longue intervention à l'Assemblée des représentants du peuple hier suite à sa convocation par la commission de l'énergie et celle de la réforme administrative. C'est pourtant cette campagne qui l'oblige, lui et le directeur général de l'Etap, à venir s'expliquer devant les députés et plus généralement devant l'opinion publique. Le ministre de l'Industrie, de l'Energie et des Mines a déclaré à cette occasion que « le gouvernement n'a rien à cacher concernant le dossier énergétique », et qu'il se tenait à disposition de n'importe quelle commission spéciale intéressée par le suivi et le contrôle de l'exploitation des ressources naturelles. Dans une démarche dite de transparence, Zakaria Hamad a présenté aux parlementaires des chiffres qui attestent que, contrairement à ce que disent certains, « la Tunisie n'est pas un pays riche en gaz et en pétrole ». Le ministre l'affirme et le répète à plusieurs reprises lors de son audition : « Le rendement des gisements gaziers et pétrolifères est très faible par rapport à celui d'autres pays ». Voilà le pétrole ... Même si, selon toute vraisemblance, plusieurs régions de la Tunisie font l'objet de forages d'exploration d'hydrocarbures, peu d'entre eux sont réellement exploitables. Dans les meilleurs des cas, c'est-à-dire dans le Sud tunisien, le taux de succès des explorations se situe entre 20 et 25%. Plus on remonte vers le nord, plus les gisements exploitables se raréfient. Ainsi, ce taux est au maximum de 15% au Centre-Est et dans le golfe de Gabès, 7% au Centre-Ouest, 12% au Cap Bon, tandis qu'au Nord-Ouest, aucun gisement n'a été découvert. Jusqu'en 2015, plus de 700 puits d'exploration ont été forés mais seulement 38 sont aptes à être exploités et à produire. « Toutes les découvertes ont un potentiel limité à l'exception des puits d'El Borma et Ashtar qui assurent 42% de la production nationale en pétrole brut depuis le début de leur exploitation en 1966 ». D'un autre côté, et contrairement aux idées reçues, le nombre de permis délivrés après la révolution n'a pas explosé. Ils ont en fait fortement régressé de 52 à 38 permis entre 2010 et 2014 et, par conséquent, l'investissement est passé de 373 millions de dollars en 2010 à 194 millions de dollars en 2014. Jusqu'en mai 2015, la production nationale a atteint seulement 53.400 barils de pétrole par jour. A l'apogée de leur rendement, les puits de pétrole ont produit 116.000 barils par jour, c'était en 1980. Zakaria Hamad balaie, lors de son audition, une deuxième idée reçue, celle des contrats beaucoup plus favorables aux multinationales qu'à l'Etat tunisien. « Ce n'est pas vrai, répond le ministre, 90% de la production nationale est issue de permis d'exploitation dans lesquels l'Etat tunisien ou l'Entreprise tunisienne d'activités pétrolières sont actionnaires avec pas moins de 50% ». Selon le rapport, 20% de la production est destinée à la Société tunisienne des industries de raffinage, le reste est destiné à l'export. ... et voilà le gaz Le rapport long de 68 pages présenté hier par le ministre de l'industrie dans l'ancienne salle de réunion détaille également la production tunisienne en gaz naturel. « Jusqu'en mai 2015, la Tunisie a produit une moyenne annuelle de 6,6 millions de m3. Cette moyenne a atteint son apogée en 2010, avec 9 millions de m3. « 64% de la production nationale est issue de l'exploitation des gisements d'Hasdrubal (33%) et de Miskar (31%), a indiqué le ministre. Toute la production de gaz naturel est consommée localement, ce qui représente 45% des besoins ». Miskar, un des plus grands champs pétrolifères, voit pourtant sa production diminuer, et ce, en raison des troubles sociaux. Selon les chiffres présentés par Zakaria Hamad, les réserves énergétiques de la Tunisie s'élèvent à 131 millions de tonnes équivalent pétrole entre gaz et pétrole. Des réserves qui peuvent assurer une production d'environ 20 ans. « A terme, nous n'avons pas le choix, nous devons ouvrir le débat sur le gaz de schiste, si nous souhaitons couvrir nos besoins », a déclaré le ministre de l'Energie. Accusé par le député Fayçal Tebbini d'être à la fois directeur général de l'Etap et d'une autre entreprise travaillant dans le secteur énergétique, Mohamed Akrout a tenu à clarifier : «Je suis PDG de deux entreprises, en tant que personne mandatée par l'Etap. Je n'ai reçu aucune rémunération pour ces deux fonctions et je suis prêt à rendre des comptes. Le député Fayçal Tebbini, qui était allé trop vite en besogne, a demandé la démission de Mohamed Akrout en brandissant deux extraits de registre de commerce prouvant que le Pdg de l'Etap était également directeur général d'une deuxième entreprise. Les arguments présentés par le gouvernement n'ont cependant pas convaincu les leaders du mouvement « Winou el petrol ? ». Samia Abbou (le Courant démocratique) a accusé le ministre de l'Energie de complicité dans l'affaire du renouvellement des concessions d'exploration pétrolière sous le gouvernement Mehdi Jomâa. Selon elle, la Tunisie aurait pu refuser. « Ce sont les lobbies qui dirigent ce secteur ».