Pourvu que les nouvelles mesures de sécurité ne s'avèrent pas aussi improductives que celles qui les ont précédées Décidément, rien n'a changé chez nous en matière de lutte contre le terrorisme, au point qu'on peut parler, sans jeu de mots, de vieux jeu qui aura malheureusement fait son époque et qui ne pèse plus lourd. En effet, depuis que l'hydre terroriste a été imposée à la Tunisie au lendemain de la révolution, le même décor lugubre est toujours planté immédiatement après chaque attentat : la panique est partout, au sein de la population, dans les médias, sur la voie publique, chez les partis politiques et dans tous les ministères. Le tout suivi de marches populaires de solidarité, de discours itératifs et peu convaincants et de ballets médiatiques au concert cacophonique dont raffolent les plateaux TV. L'autre accessoire de ce décor maussade et devenu anodin, c'est l'Etat qui a pris l'habitude de s'en charger à la même occasion : visite de politiciens au chevet des blessés, une présence spectaculaire aux funérailles des victimes, puis une avalanche de promesses de rectifier le tir, de venger les martyrs, de faire mieux à l'avenir et, par voie de conséquence, d'en finir, une fois pour toutes, avec le cancer terroriste. Deux ou trois jours après cette ébullition passagère qui aura secoué le pays, les plus optimistes, ceux-là mêmes qui rêvaient de monts et merveilles, n'avaient hélas qu'à déchanter. C'est que tout le drame, si tragique fût-il, aura été oublié en un temps record. Comme si de rien n'était ! C'est seulement au prochain attentat qu'on se réveillera de sa torpeur. Aujourd'hui, soit après trois bonnes années de combat avec les jihadistes, l'heure est sans doute aux regrets. Le regret de ne pas avoir tiré les principales leçons des attentats perpétrés entre 2012 et 2015. Le regret d'avoir perdu dans cette guerre antiterroriste un temps si fou qu'on s'amusait aveuglément à réserver aux luttes fratricides embrasant la scène politique. Le regret enfin de ne pas avoir accordé, depuis 2012, la priorité des priorités à la lutte contre l'obscurantisme religieux. Au final, le manque à gagner est énorme : les attentats se succèdent, le bilan des tués et blessés ne cesse de monter crescendo, la circulation illicite des armes persiste, de nouvelles cellules dormantes continuent de pousser, des dépôts d'armes et de munitions font de la résistance et, comme un malheur n'arrive pas toujours seul, les hordes takfiristes sévissant dans nos murs en ont largement profité pour mieux se structurer et devenir donc plus dangereuses. L'invasion daechiste, les terribles attentats du Bardo et de Sousse et l'extraordinaire énigme et la fameuse bataille de jebel Chaâmbi qui perdure depuis trois ans, sont autant de vérités supplémentaires qui complètent, en l'assombrissant, ce tableau noir. Oui, mais... A force de s'y habituer, il fallait bien s'attendre à la nouvelle kyrielle de mesures sécuritaires préventives annoncées samedi par le chef du gouvernement. Des mesures musclées et cette fois-ci d'une ampleur réellement sans précédent. Et on n'a qu'à les saluer, qu'à s'en réjouir, parce qu'elles n'ont rien laissé au hasard, avec ceci de prometteur : nos gendarmes, policiers et soldats vont, pour de bon, voir rouge, en usant davantage du batôn que de la carotte, motivés en cela par les nouveaux renforts en hommes, en armes et en logistique qui seront mis à leur disposition, outre le fait, non moins avantageux, qu'ils vont bénéficier d'attributions plus larges en matière de traque des terroristes. Tout cela est évidemment beau et peut assurément apporter le plus escompté. Sauf que, dans cette guerre féroce, la théorie ne suffit jamais à elle seule pour triompher de son ennemi. Autrement dit, monter un plan d'action en bonne et due forme, au riche contenu et aux visées bien ciblées, équivaudrait à prêcher dans le désert et à perdre son temps et son argent, si ledit plan ne venait pas à être exécuté convenablement, victorieusement et donc sans faute.