Clash au palais du Bardo entre Abdelfattah Mourou et Mongi Rahoui lors de la discussion de la loi de finances complémentaire. Le député nahdhaoui menace d'abandonner son poste de premier vice-président de l'ARP, alors que du côté du Front populaire, on exige que tous les députés soient traités sur un pied d'égalité Les Tunisiens qui suivaient sur leur petit écran les séances plénières de la défunte Assemblée nationale constituante (ANC) se rappellent sûrement les sorties fracassantes de Brahim Gassas et sa tentative de vouloir agresser Mehdi Ben Gharbia, les pleurs d'Aymen Zouaghi et le clash entre Skander Bouallagui et le Dr Mustapha Ben Jaâfar, au point que le président de l'ANC s'est trouvé obligé d'expulser le député de Tayyar Al Mahabba de la coupole du palais du Bardo. A l'époque, chez les constituants parlant au nom du Dr Hachemi Hamdi prévalait un sentiment général dont ils n'ont pas réussi à se libérer, trois ans durant : «Nous souffrons de la ‘‘hogra'' de la part de nos collègues au palais du Bardo et aussi de la part de l'ensemble des acteurs du paysage politique national qui n'ont jamais digéré que notre parti puisse remporter autant de sièges à l'ANC à l'occasion des élections du 23 octobre 2011», clamaient, à l'époque, Skander Bouallagui, Saïd Kharchoufi, Mohamed Hamdi (frère du Dr Hachemi) et les autres membres de l'ANC représentant Tayyar Al Mahabba, avant que plusieurs parmi eux ne claquent la porte et rejoignent d'autres partis comme Nida Tounès et l'Union patriotique libre. Les trouble-fêtes, toujours actifs Après les élections législatives du 26 octobre 2014 et la recomposition du paysage politique national avec Nida Tounès et Ennahdha comme les deux principaux partis du pays, beaucoup se sont demandé qui parmi les nouveaux députés (élus cette fois pour un mandat de cinq ans) allaient se distinguer sous la coupole du palais du Bardo et jouer le rôle des députés contestataires qui ne sont jamais contents, qui voient des complots partout et qui dénoncent même les collègues appartenant à leurs propres partis quand ils développent un discours différent du leur. Et les habitués des séances plénières de commencer à découvrir les nouveaux «éternels mécontents». Samia Abbou et Mabrouk Hrizi (Courant démocratique), Fayçal Tebbini (Voix des agriculteurs), Ons Hattab (la nidaiste qui a sorti le terme «les députés du terrorisme»), pour ne citer que ceux-là derrière lesquels les médias courent pour arracher une déclaration-choc ou une phrase qui dérange ou qui occupent désormais le haut du pavé au Parlement et dont on attend les interventions ou les écarts de conduite pour que les réseaux sociaux s'enflamment. Mardi 4 août 2015, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances complémentaire, le palais du Bardo a été le théâtre d'un clash entre le premier vice-président de l'Assemblée Abdelfattah Mourou (Ennahdha) et Mongi Rahoui, député du Front populaire et président de la commission parlementaire des finances. L'incident a éclaté quand Mourou, qui dirigeait les débats, a refusé d'accorder la parole à une députée qui voulait évoquer un point d'ordre. Le vice-président du Parlement considère que le règlement intérieur oblige la députée à informer auparavant le bureau de la chambre de sa requête et à attendre la fin de la séance plénière pour pouvoir intervenir (article 118 du règlement intérieur). Seulement, le vice-président de la commission des droits et des libertés a pris la parole et a réussi à exprimer son opinion, sans que Mourou ne l'arrête ou ne demande de lui couper le micro. Et c'est bien à ce moment que Mongi Rahoui est sorti de ses gonds pour accuser ouvertement Mourou de «favoritisme» et de lui asséner texto : «Ce n'est pas la première fois que vous agissez ainsi. Vous avez toujours choisi de favoriser vos amis, de nous couper la parole et de nous obliger à nous taire. C'est une conduite indigne de votre statut de vice-président de l'Assemblée. Mais, nous n'en sommes pas surpris parce que vous vous comportez toujours ainsi». Qu'il s'excuse auprès des députés «Pour moi, les accusations lancées à l'encontre de ma personne constituent une insulte à l'encontre de l'Assemblée avec tous ses députés. Il est malheureux qu'un député agresse verbalement l'un de ses collègues avec une telle virulence et l'insulte en utilisant des termes malsains. Aujourd'hui, M. Mohamed Ennaceur, président du Parlement, m'a exprimé (en mon absence) les excuses des députés pour l'affront que j'ai subi. Je tiens à dire que je ne demande pas à ce que le député en question me demande pardon. C'est à ses collègues qu'il a offensés, à travers ma personne, qu'il doit s'adresser pour leur présenter ses excuses», confie Abdelfattah Mourou à La Presse. Il ajoute : «Que ceux qui ne veulent plus de moi au poste de premier vice-président de l'ARP le disent clairement et je suis prêt à leur céder le poste». Du côté du Front populaire, on est convaincu que «si la séance plénière du mardi 4 août a échoué, c'est bien parce qu'Abdelfattah Mourou ne s'est pas comporté comme le lui impose le règlement intérieur de l'ARP», fait remarquer à La Presse Nizar Amami, député du Front. Il précise encore : «Mongi Rahoui n'a pas à s'excuser ni auprès de Mourou ni auprès des autres députés. Il n'a commis aucune incartade. Il n'a fait qu'exercer son droit de critiquer la manière avec laquelle Abdelfattah Mourou dirige les débats. D'ailleurs, moi-même, j'ai pris la parole aujourd'hui pour exiger que les députés soient traités sur un pied d'égalité, loin de tout favoritisme».