Par M'hamed JAIBI Une véritable fièvre de la «destourianité» s'est emparée d'une bonne partie de la nouvelle classe politique, qui vient s'ajouter aux vrais destouriens, ceux ayant fait leurs armes sous Bourguiba ou sous Ben Ali. Cette fièvre à la recherche d'une authenticité perdue, que la victoire électorale du modèle bourguibien, civil, moderniste et résolument tunisien a miraculeusement réhabilitée, frappe des franges très diversifiées de la classe politique : syndicalistes politisés, gauche modérée, droite radicale, islamistes assagis, hommes de médias, nationalistes arabes désabusés, baâthistes reconvertis, sociaux-démocrates idéologiques, écologistes, féministes..., de sorte que l'identification d'une grille de lecture du phénomène n'est pas aisée. Il est cependant utile de rappeler que le pays a connu, le 14 janvier 2011, une rupture d'avec l'ancien fonctionnement autoritaire du système politique, et que nous abordons une nouvelle République qui s'attache, de par sa Constitution, à la démocratie pluraliste et à la liberté d'expression, de presse, d'organisation, et aux droits de l'Homme. Un rappel qui explique en partie l'engouement d'anciens opposants résolus pour cette «destourianité» jusque-là controversée, et qui implique que les hauts gradés de l'ancien régime songent à revoir leurs méthodes et réflexes acquis, et évitent pour un temps les premiers rangs. Les «nouveaux destouriens» se mélangent donc sereinement à la plupart des anciens et veulent construire l'avenir avec eux, comme l'a bien montré l'expérience de Nida Tounès, sur la base des «quatre confluents», mais se pose désormais l'élément discernement entre «vrais» et «faux» destouriens, entre qui veut unifier tous ceux qui se réclament d'une «destourianité» démocratisée débarrassée de l'autoritarisme, et ceux qui pourraient couver, sous la couverture de la destourianité, l'idée d'une restauration du système autoritaire et de tous ses vices qui ont conduit à l'explosion révolutionnaire. Un monde sépare ces deux projets. Et ceux qui pensent militer à «réunifier les rangs destouriens» se doivent de choisir leur camp entre le grain de la réforme démocratique et l'ivraie autoritaire porteuse, à terme, d'arbitraire, de clientélisme et de malversations.