Par Mohamed KOUKA Le terme médiation possède plusieurs sens, dont celui d'arbitrage mais aussi de conciliation, voire d'intermédiaire, entre plusieurs choses. La médiation culturelle incombe au ministère de la culture dont la mission est d'assurer — en principe — au plus grand nombre l'accès aussi bien physique que social et intellectuel à la culture. Cette mission consiste à fournir aux citoyens le maximum de moyens d'inventer leurs propres fins. Il s'agit en somme de réveiller au cœur de nos cités la fonction civilisatrice : celle qui postule, dans le plus simple habitant de quelque village que ce soit, un citoyen à part entière — une exigence de sens capable de contribuer personnellement à la gestion de la collectivité et à la création de ses valeurs. Eh bien, cette mission tarde à se manifester. Depuis le début des années quatre-vingt, les ministres de la Culture se succèdent mais la politique — ou plutôt l'absence de politique — telle qu'en elle-même l'ignorance et le manque de courage la figent reste de mise. Dans ma vie professionnelle, j'ai dû croiser une bonne douzaine de ministres de la Culture, je suis absolument incapable de distinguer le style particulier à chacun. Ils sont des copies conformes, interchangeables ! Ils se sont tous distingués par une absence totale de discours significatif sur l'action culturelle en tant qu'entreprise de suscitation, de médiation, de lucidité, de liberté et de catalyse sociale. L'action culturelle suppose évidemment des activités culturelles de tous ordres, dont chacune donne lieu à une multiplicité d'actes culturels particuliers .Pour réussir à remplir sa mission, elle doit articuler ses actes et ses activités selon une politique globale aux contours bien clairs, bien définis. Chose qui a fait défaut aux susdits ministres. Force est de constater que l'actuelle ministre de la Culture n'émerge pas du lot. Elle se situe dans le droit fil de ses prédécesseurs aussi bien proches que lointains. Le même manque de vision globale, manque de propositions concrètes. Absence de style... Question simple : qu'est-ce-qui peut distinguer ce ministère de la Culture de ses prédécesseurs d'avant et d'après le 14 janvier 2011?... Rien ! Le ministère de la Culture actuel doit, prioritairement, faire une véritable révolution interne ; revoir ses rouages, ses structures, le mode de fonctionnement de ses services qui se sont bureaucratisés jusqu'à la caricature. Prenez la Direction du théâtre — exemple qui n'est pas pris au hasard. Sa besogne réside dans la gestion des crédits alloués à la création. Une commission périodique préside aux choix et aux décisions. Le hic, c'est que cette commission est composée de gens du métier stricto sensu ouverte, cependant, aux fraîchement diplômés de l'Isad; idem pour les attributions, ces derniers peuvent prétendre aux mêmes droits que leurs aînés. En France, il y a le même service, mais l'attribution de l'allocation ne se fait pas à l'humeur des temps ; je rappelle simplement qu'un des plus grands metteurs en scène de l'histoire, Patrice Chéreau mort récemment — n'avait pu obtenir sa première subvention que suite à son succès au concours des jeunes compagnies professionnelles de l'époque(1964). Autres contrées, autres mœurs... Le problème avec notre commission, c'est qu'elle est fermée à la société civile, il serait souhaitable de l'aérer en y incluant d'autres formes de discours, enfin, des intellectuels venus d'autres horizons, pourquoi pas un philosophe, un sociologue, un linguiste, etc. « S'agissant de l'aide de l'Etat à la création culturelle, il faut lutter à la fois pour l'accroissement de cette aide aux entreprises culturelles non commerciales et pour l'accroissement du contrôle sur l'usage de cette aide. Pour l'accroissement de l'aide contre la tendance de plus en plus répandue aujourd'hui à mesurer la valeur des produits culturels à l'étendue de leur public, donc à condamner purement et simplement, comme à la télévision, les œuvres sans public. Pour l'accroissement du contrôle exercé sur l'usage de cette aide, parce que si le succès commercial ne garantit pas la valeur scientifique ou artistique, l'absence de succès commercial non plus et qu'on ne doit pas exclure a priori que par exemple parmi les livres difficiles à publier sans subvention, il puisse y en avoir qui ne méritent pas d'être publiés...C'est à la condition de renforcer à la fois l'aide de l'Etat et les contrôles sur les usages de cette aide et sur les détournements de fonds publics que l'on pourra échapper pratiquement à l'alternative de l'étatisme et du libéralisme dans laquelle les idéologues du libéralisme veulent nous enfermer. ». Un modèle de réflexion et d'action pour tenter de déjouer ce que Dostoïevski nomme « l'extase administrative », constate, justement, Alain Ollivier.