En dépit des dispositions de la loi relative à l'élimination de la violence physique, morale, sexuelle à l'égard des femmes, les avancées sur le terrain demeurent largement en dessous des attentes. L'affaire de la bachelière qui a été victime de harcèlement sexuel devant le lycée n'a pas seulement défrayé la chronique et enflammé les réseaux sociaux. C'est toute une campagne qui a été lancée pour briser le tabou de ce mal endémique. Hashtag «EnaZeda» (moi aussi), tel est le slogan de cette campagne lancée sur Facebook et Twitter par des Tunisiennes pour dénoncer le harcèlement sexuel. La tâche de ce groupe consiste à recueillir les témoignages des victimes ayant subi un harcèlement sexuel et, éventuellement, les publier pour alerter l'opinion publique mais surtout les différentes parties prenantes au gouvernement en vue de protéger les femmes contre la pulsion cannibalesque des agresseurs et lutter contre l'impunité. L'ONG Aswat Nissa (voix des femmes) a exprimé sa solidarité avec la jeune fille âgée de 19 ans qui a été victime d'un harcèlement sexuel devant le lycée et a appelé dans son communiqué les autorités judiciaires à accélérer les procédures de poursuites dans cette grave affaire avant que l'accusé ne puisse disposer de l'immunité parlementaire. Les membres de cette association se sont par ailleurs déplacés à la maison de la victime pour lui exprimer, ainsi qu'à sa famille, leur total soutien. Toutes les composantes de la société civile doivent s'élever contre ce mal endémique pour les femmes et l'exploitation des agresseurs de leur pouvoir pour fuir les poursuites, en raison notamment des préjudices causés par le harcèlement subi, rappelle l'ONG. Hashtag « EnaZeda» est la version tunisienne de la campagne internationale «Me Too» qui fut lancée en 2017 à la suite d'une publication par The New York Times d'un article détaillant des accusations pour faits de harcèlement sexuel à l'encontre de Weinstein, producteur et distributeur de films hollywoodien. A cette époque, la campagne « Me Too » a trouvé un écho en Tunisie et a été largement relayée sur les réseaux sociaux. La douleur morale des femmes et des filles Le sexologue et membre de l'Association internationale de la santé sexuelle, Dr Hisham Sharif, explique que le harcèlement est une violation des droits de la fille et de la femme et peut être causé par plusieurs facteurs qui peuvent remonter à l'enfance, comme la persécution en bas âge. La victime, une fois l'âge adulte atteint, pourrait jouer le rôle de l'agresseur. C'est un enchaînement d'agissements hostiles et répétitifs qui visent à séduire la victime. L'acte de harcèlement dont a été victime la lycéenne est courant en Tunisie, nous révèle le Dr Hisham. Plusieurs de ses patientes lui ont raconté leurs mésaventures mais aussi la douleur morale ressentie après ces agissements. «L'agresseur s'adonne au voyeurisme au début puis développe un imaginaire érotique. Il finit au stade de la masturbation ». C'est le cas de cette personne accusée de harcèlement sexuel devant le lycée, nous fait-il savoir. Il ajoute qu'en général, le harceleur prend son temps et choisit sa victime. Le Dr Hisham Sharif rappelle qu'il a lancé un appel aux candidats à la présidentielle anticipée à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la santé sexuelle le 4 septembre dernier en faveur de l'inclusion dans leurs programmes électoraux des thèmes aussi importants comme la nécessité d'enseigner l'éducation à la santé sexuelle en bas âge à l'école et de mettre en place un programme national pour la protection des enfants contre la violence sexuelle et un plan pour la santé sexuelle en général. Il faut impérativement passer par les campagnes de sensibilisation, renforcer les textes de loi et élaborer une étude scientifique autour du comportement sexuel des Tunisiens et en tirer les conclusions en vue de mettre en œuvre un plan d'action qui fixera les grands axes de la lutte et de la prévention contre ce fléau, préconise-t-il. En dépit des dispositions de la loi 2017-58 du 11 août 2017 relative à l'élimination de la violence physique, morale, sexuelle à l'égard des femmes, les avancées sur le terrain demeurent largement en dessous des attentes. Selon des statistiques publiées en 2018, le taux des femmes victimes d'un harcèlement sexuel a atteint 43,8 % en Tunisie. 90 % des femmes ont subi ces violences dans les moyens de transport, 78,1 % dans les endroits publics et 75,4 % en milieu professionnel.