Par Abdel aziz Hali D'ici la fin de l'année 2015, l'organisation anticorruption « Transparency International » va publier sa 21e édition de l'Indice de perceptions de la corruption (IPC) mondiale, qui mesure le niveau de corruption dans les administrations publiques et au niveau de la sphère politique. Cet indice composite, une sorte de synthèse de plusieurs sondages réalisée par divers experts et organismes indépendants, est un véritable tableau noir qui donne, généralement, une idée globale de l'état de santé de la gouvernance dans les 177 pays évalués. Or en jetant un coup d'œil sur l'actualité internationale de ces derniers jours, tout porte à croire que l'IPC de 2015 va prendre en considération les mouvements sociaux qui ont animé les journaux télévisés et les quotidiens dans le monde. Au Liban, par exemple, la crise des ordures ménagères a poussé le collectif citoyen « Vous puez » à qualifier la classe politique du Pays du Cèdre de «corrompue ». Des manifestations monstres agitent, depuis plus de deux semaines Beyrouth en appelant explicitement à la tenue, illico presto, d'élections législatives anticipées. Le mouvement « Vous puez », selon plusieurs analystes libanais, reflète bel et bien le ras-le-bol de la population face à la corruption endémique au niveau de l'establishment décisionnel. Entre délabrement des services publics, un quart de siècle, après la fin de la guerre civile et la paralysie des institutions politiques, les Libanais sont arrivés au bout de leurs peines. Parallèlement, en Malaisie, sous l'impulsion du collectif «Bersih» («propre» en malais), composé d'ONG, de réformateurs ou encore de défenseurs des droits de l'homme, les 29 et 30 août, une gigantesque marée jaune de plus de 200 milles personnes a envahi les rues de Kuala Lumpur pour protester contre les malversations de leur Premier ministre. En effet, l'actuel homme fort de la Malaisie a été accusé par une enquête du Wall Street Journal, parue en juillet dernier, d'avoir détourné 640 millions d'euros de la société publique 1MDB, créée à son arrivée au pouvoir en 2009. Durant les 34 heures de cette marche pacifique (interdite par le régime), les manifestants, y compris l'ancien Premier ministre Mahathir Mohamad, ont réclamé haut et fort la démission de Razak. À l'autre bout du monde et plus précisément en plein centre de Chisinau, la capitale moldave, dimanche dernier, la plateforme civile DA («Dignité et Justice », un mouvement d'opposition créé par des journalistes, politologues et militants de la société civile moldave qui prônent les valeurs de l'intégration européenne pour la Moldavie - Ndlr) a organisé une manifestation réunissant des dizaines de milliers de personnes pour exiger la démission du président Nicolae Timofti, accusé de servir les intérêts des oligarques et ne pas lutter efficacement contre la corruption. Enfin, last but not least, le ministre égyptien de l'Agriculture, Salah Helal, a été arrêté, avant-hier, au Caire, juste une demi-heure après après avoir remis sa démission au chef du gouvernement sous ordre du président Abdel Fattah Al-Sissi. Selon l'agence de presse gouvernementale Mena, cette arrestation s'inscrit dans le cadre d'une enquête sur une affaire de corruption au sein de son administration. De Beyrouth au Caire en passant par Kuala Lumpur et Chisinau, la théorie de l' « effet papillon », qui se résume dans la question « un simple battement d'ailes d'un papillon peut-il déclencher une tornade à l'autre bout du monde ? », s'est avérée d'une justesse absolue. Outre ces exemples récents, ces dernières années, des pays comme la Turquie, la Chine et la Thaïlande ont été mis à mal par de multiples scandales et affaires de corruption gouvernementales. En 2013, la démission en chaîne de trois membres du gouvernement turc (le ministre de l'Economie, le ministre de l'Intérieur et le ministre de l'Environnement) et l'inculpation de 24 personnes proches de l'AKP (Parti de la justice et du développement au pouvoir depuis 2002), dont les fils des ministres de l'Economie et de l'intérieur, ainsi que des hommes d'affaires et le PDG de la banque publique Halkbank, ont fini par ternir l'image du régime. En revanche au pays des Orchidées, au cours des dernières années, les accusations de corruption contre l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra et de sa sœur Yingluck, qui a dirigé le pays de 2011 à 2014, ont fini par engluer toute une nation dans une éternelle crise politique. Devant un tel chaos causé par la corruption, on se demande à quand un programme de l'ONU pour lutter efficacement contre ce déclencheur de troubles? Car qui dit corruption à l'échelle d'un pays, dit non-développement et misère sociale. Alors, bonjour les conflits!