On garde encore en mémoire la crise écologique qu'avait connue, en avril 2012, l'île de Djerba, où les mouvements de protestation firent, alors, boule de neige, suite à la fermeture arbitraire de sa décharge contrôlée. Et depuis, la région s'est trouvée livrée à elle-même, sous l'effet cauchemardesque des rejets de toutes sortes. Trois ans plus tard, ce statu quo, semble-t-il, commence à voir le bout du tunnel. Outre l'unité de compression et d'emballage créé, en mai dernier, l'île aura, d'ici l'été prochain, son propre projet de valorisation des déchets, en vertu d'une concession envisagée entre la municipalité et l'Agence nationale de gestion des déchets (Anged). C'est, du moins, ce qu'a annoncé, hier, le ministre de l'Environnement et du Développement durable, Néjib Dérouiche, lors d'une conférence de presse tenue, à la présidence du gouvernement à La Kasbah. Déchets : valorisation à double profit Pour lui, ces déchets, tous types confondus, ne seront plus ce qu'ils sont aujourd'hui, à savoir une source de nuisance et de pollution. Désormais, on en parle comme une manne de richesse considérable du fait d'un travail de valorisation à fort potentiel économique. En réalité, il s'agit de tout un système de gestion intégrée des déchets, en procédant à leur traitement pour créer de la valeur écologique. Ce programme, qualifié d'ambitieux à long terme, s'inscrit, selon le ministre, dans la durée 2016-2020. Et progressivement, souligne-t-il, il sera généralisé à plusieurs régions du pays. La priorité sera, ainsi, accordée aux endroits, où la situation environnementale est catastrophique. En commençant par Djerba, les autres suivront. L'Etat s'engage à tout mettre en œuvre pour multiplier des projets similaires, partant de la collecte jusqu'à la valorisation des rejets, en passant par le transport, le transfert, puis le traitement. Or, évoque-t-il, cela requiert de l'expertise et un savoir-faire certifié. Mais aussi beaucoup d'argent à investir. C'est pourquoi, insiste M. Dérouiche, l'on doit miser, dès maintenant, sur l'apport du partenariat public-privé dont le projet de loi vient d'être adopté à l'ARP. Sous le signe «Les déchets, de la problématique aux richesses», la nouvelle politique écologique de l'Etat se tourne vers le développement de l'économie verte. Ses orientations futures seront focalisées sur l'implication du secteur privé dans le financement desdits projets, en lui cédant le droit d'exploitation. La récente adoption de la loi PPP par l'ARP ne manquera pas de faciliter cet aspect du projet. Ces nouveaux procédés de gestion devraient, aussi, inclure la concession d'enlèvement, de collecte, de transport, de transfert et de traitement des déchets. En fait, leur valorisation est d'ordre organique et énergétique. Il y a là, comme l'a répété à maintes reprises le ministre, un double profit: production d'énergie (électricité, biogaz...) et réduction des ordures à moins de 5%. Pour ce faire, il serait intéressant d'adopter le principe du «3R», à savoir réduction, recyclage et réutilisation. Une chose est sûre, une telle technique de gestion des déchets est de nature à générer une valeur ajoutée en termes de protection du milieu et de création d'emplois verts. Djerba, en avant-goût ! En guise d'initiative, l'île de Djerba sera la première à en profiter. Les autres régions vont, certainement, s'en inspirer. Sur cette lancée, M. Dérouiche a révélé qu'un projet de valorisation des déchets verra, très prochainement, le jour à Djerba Houmet Essouk. Une sorte d'unité pilote de gestion intégrée susceptible de valoriser d'énormes quantités d'ordures, soit quelque 50 tonnes par an. Volet collecte, l'unité se dotera d'équipements modernes à cet effet. Sur le plan traitement, le projet produira des matières organiques (compost agricole...), mais aussi de l'énergie, tout en contribuant à la réduction des rejets et de ce qu'on appelle le «lixiviat», ainsi que des résidus ménagers et hôteliers. D'un coût de 25 MD, le projet, dont le contrat sera signé entre juin et juillet 2016, devrait entrer en exploitation dans une année et demie, au plus tard au début de 2018. La réalisation de ce projet verra également l'implication des hôteliers de la région en matière de tri de ces déchets. D'un autre côté, la mise en œuvre de ce programme national de valorisation, faut-il le noter, devrait être accompagnée, parallèlement, par d'autres chantiers d'appoint. D'après le ministre, il sera question d'améliorer les composantes des marchés d'exploitation. Soit le renouvellement du matériel vétuste, la réhabilitation des décharges et la mise à leur disposition des moyens de traitement de la boue résiduaire, la garantie des conditions logistiques et de santé et la protection de l'esthétique du milieu. Pour conclure, le ministre a lancé que toutes ces réalisations en vue nécessitent que d'importantes réformes législatives soient aussi engagées par son département.