Tout est question d'attitudes : attitudes des présidents, des entraîneurs, des joueurs, du public. Sans arbitres, pas de football. Et sans contrainte, pas assez d'arbitres. Le maître-mot reste le respect. Les gros plans effectués, ces derniers temps, sur les arbitres tunisiens ne plaident pas en leur faveur. Des erreurs avérées, des matches faussés, manque de discernement dans l'affirmation de leur autorité. Non pas seulement par leurs innombrables mauvaises décisions, mais aussi par leur comportement. L'image qui retient l'attention quand on regarde aujourd'hui un match, c'est celle des arbitres déstabilisés et qui, même pour des fautes «mineures», nous pouvons les voir siffler violemment, brandir fièrement leurs cartons. Pas dans le ton, pas bien dans leur peau et ils se sentent obligés d'exercer une autorité souvent trop marquée et pas nécessaire. Des coups de sifflet en veux-tu en voilà, des gesticulations aussi théâtrales qu'inutiles (le «je ne-veux-plus-voir-ça» en croisant les bras), des regards limites hautains. Ce comportement ne semble pas être normal, dans le sens où un vrai bon arbitre ne gueule pas et n'agite pas ses bras dans tous les sens pour se faire respecter. Pareille attitude n'améliore certainement pas l'image de l'arbitrage. D'un autre côté, elle peut expliquer la méfiance qu'ont les joueurs envers «le maître du temps et du jeu». Certains arbitres ne semblent pas ouverts à la discussion, quelquefois même avec le capitaine, qui est pourtant, et selon le règlement le seul à pouvoir dialoguer. Prenons l'exemple du CA; nous osons affirmer que sans les erreurs d'arbitrage, il aurait pu compter aujourd'hui à son actif sept points supplémentaires. Les arbitres et leurs assistants ont naturellement le droit de commettre des erreurs, mais ils ont aussi le devoir de se comporter dignement sur le terrain. Il n'est pas question ici d'instruire le procès généralisé de l'arbitrage tunisien, mais c'est le devoir de pointer ce que nous considérons comme des erreurs, des manquements ou des dérives. Il ne s'agit pas, cependant, de suivre le courant des hostilités dans lesquels se baignent les commentaires et les accusations lancées, à tort ou à raison, par les différents intervenants. Simplement, la tension entre clubs et arbitres monte. Elle a atteint son apogée cette saison au vu des contestations et des protestations qui fusent de toute part et du nombre de plus en plus croissant des arbitres récusés. Plus encore, certains présidents de clubs sont devenus les catalyseurs d'une véritable paranoïa, le moteur d'une potentielle fébrilité et au final, l'incarnation d'une fixation incontrôlée sur ce qui se passe sur le terrain, sur le comportement et le rendement des hommes en jaune, ou en noir. Beaucoup de joueurs dépassent aussi leurs limites. Des insultes, des regards, des gestes...Dans ce monde qui rend l'échec inacceptable, seule la victoire est belle. La défaite est tellement stigmatisée que le risque d'être perçu comme un perdant est devenu insupportable. Oui, les arbitres commettent des erreurs. Oui, ils manquent parfois de discernement dans l'affirmation de leur autorité. Mais à trop se fourvoyer dans des polémiques au ras du gazon, joueurs, entraîneur et dirigeants renvoient une image déplorable. En installant un climat de défiance vis-à-vis des directeurs de jeu, ils contribuent à fragiliser tout l'édifice. Des polémiques chaque week-end ou presque, des critiques virulentes, l'arbitrage tunisien vit des heures sombres. Cibles évidentes dans un sport où le droit à l'erreur n'est plus du tout toléré aujourd'hui, les hommes en noir cristallisent la colère, les insultes, voire parfois la haine. En plus de la pression des équipes, des supporters et des médias, les arbitres sont aussi notés afin de pouvoir continuer à officier en élite. Une pression et des responsabilités constantes et sans fin. Si la critique systématique de l'arbitrage n'est pas une exclusivité tunisienne, les erreurs de l'arbitrage non plus. L'arbitrage vidéo règle un problème, mais il en crée d'autres . Les arbitres ont besoin d'être moins traqués, et qu'ils ne soient plus,surtout, au centre de l'attention. Réduire le sort des matches à celui des arbitres a eu justement pour effet de transformer les confrontations entre équipes en un absurde quitte ou double, tout en faisant oublier l'essentiel. Il serait bon qu'on parle plus des équipes et du jeu et moins de l'arbitrage. D'ailleurs, il n'a jamais été prouvé de façon scientifique que les erreurs de l'arbitrage finissent un jour par s'arranger. Tenir une comptabilité sur ce sujet relève d'un exercice de haute voltige. Des erreurs avérées, des matches faussés. Mais les erreurs des joueurs coûtent infiniment plus de points à leurs équipes que les erreurs des arbitres. Aucune étude sérieuse n'a jamais été lancée sur ces attaquants qui ratent des buts tout faits, ces gardiens qui se déchirent sur des ballons faciles ou ces défenseurs qui commettent des stupidités dans la surface. On se contente, justement, d'une certaine ineptie qui consiste à faire supporter à un arbitre l'entière responsabilité d'un résultat. Cela nous amène à la nécessité de rappeler, notamment pour ceux qui font semblant de l'oublier, que les arbitres évoluent dans un monde de professionnel sans en avoir le statut. On se demande ce qui pourrait les aider, mais il ne vient à l'esprit de personne de s'interroger sur les exigences du football d'aujourd'hui. Dans un monde hyperprofessionnalisé, c'est la seule corporation qui ne l'est pas. Les choses se sont encore compliquées avec le recours systématique aux caméras et la multiplication des analyses à la portée. Résultat: on stigmatise sans cesse les fautes de l'arbitrage et on oublie que les interprétations de tout bord ne font que nourrir les polémiques. A l'erreur que peut commettre l'arbitre, parce qu'il n'a pas bien vu l'action (et que l'on peut qualifier d'erreur passive) s'ajoutent donc les interprétations les plus actives. Sur l'action en question, l'arbitre a mal vu, mais à la vérité, tout le monde a mal vu. La vidéo reste un sujet épineux et controversé et les critiques formulées après match aux arbitres demeurent disproportionnées, surtout quant ils sont appelés en quelques microsecondes à dire si le but est valable ou non. Au fait, tout est question d'attitude: attitude des présidents, des entraîneurs, des joueurs, du public. Sans arbitres, pas de football. Et sans contrainte, pas assez d'arbitres. Le maître-mot reste le respect. Il est indispensable de tirer les enseignements de l'injustice sportive soulignée par le fait de considérer les arbitres comme des boucs émissaires. Mais en même temps, on doit admettre que le sport numéro un et ses compétitions à enjeux grandissimes ne peuvent plus être laissés au pouvoir d'un seul homme et d'un seul sifflet. Il faut trouver les solutions adaptées pour renforcer la crédibilité et l'honneur du football tunisien. «On n'a pas le même maillot, mais on a la même passion». Un célèbre slogan qu'il serait de bon de ressortir dans une période où les arbitres sont au cœur de bien des polémiques. Nous sommes convaincus que les dispositions et les aptitudes de certains arbitres peuvent suffire à balayer le vent de contestation insufflé par quelques clubs et qui sont allés jusqu'à demander l'éviction du président de la fédération à qui on incombe les erreurs d'arbitrage. Et s'il faudrait s'inspirer des autres sports pour apaiser la tension et assainir l'ambiance? Qu'aurions-nous à apprendre justement de leur mode d'arbitrage ? Nous pourrions peut-être prendre l'exemple du meilleur ennemi du foot, le rugby. Ici, les arbitres sont sans doute ceux qui se font le plus respecter dans le monde du sport collectif. Ce respect, ils le méritent, car eux-mêmes respectent les joueurs, en étant à la fois fermes dans les décisions importantes, mais aussi conciliants. Ils parlent beaucoup aux joueurs, de quoi alimenter un rapport sain.