Par Amor NEKHILI L'article 97 de la Charte des Nations unies stipule que «le secrétaire général est nommé par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité. Mais ne mentionne pas la maîtrise du français comme une condition nécessaire. Néanmoins, on constate que les sept précédents titulaires du poste — à commencer par l'Egyptien Boutros Boutros-Ghali, diplômé de la Sorbonne et de Sciences Po, ou Kofi Annan, fils du Ghana anglophone — parlaient tous le français. Mais aussi Kurt Waldheim qui se débrouillait pas trop mal dans la langue de Rousseau: il avait été de 1948 à 1951 premier secrétaire à l'ambassade d'Autriche à Paris. Quant à Ban Ki-moon, depuis sa désignation en janvier 2007, il a promis de faire des efforts pour parfaire son français... Mais à l'écouter discourir aujourd'hui dans cette langue, on ne peut pas dire qui'il a réussi. Toutefois, il convient de rappeler ici une résolution dans laquelle l'Assemblée générale de l'ONU rappelle que l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, le français et le russe sont à la fois les langues officielles et les langues de travail de l'Assemblée générale, de ses commissions et de ses sous-commissions, ainsi que du Conseil de sécurité, que l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, le français et le russe sont les langues officielles et l'anglais, l'espagnol et le français sont les langues de travail du Conseil économique et social, et que l'anglais et le français sont les langues de travail du secrétariat général. Elle souligne également que l'égalité des six langues officielles de l'Organisation des Nations unies est d'une importance primordiale. Mais la tradition veut que le secrétaire général s'exprime en anglais et en français. L'actuel secrétaire général de l'ONU estime que le français devrait rester la deuxième langue officielle de travail des Nations unies. Mais alors, pourquoi pas l'arabe ou le chinois, qui sont devenus plus populaires dans le monde? La réponse est simple: c'est une décision qui a été prise par les Etats Membres. Certes, chaque langue a la même authenticité dans le travail de l'Organisation. Néanmoins, pour certains aspects pratiques, les Etats membres de l'ONU ont convenu d'utiliser l'anglais et le français pour certaines procédures officieuses ou semi-officielles. Au-delà de la domination évidente de la langue de Shakespeare dans les rouages du secrétariat général, comme dans les départements politique et socioéconomique, Nicolas Vareilles (représentant de l'Assemblée des fonctionnaires francophones dans les organisations internationales) note dans un rapport sur la «Situation et analyse du recrutement à l'ONU», que dans 75% des cas, l'anglais est l'unique langue obligatoire et elle est au moins une langue obligatoire dans 84%. A contrario, dans seulement 1,5% des cas, le français est l'unique langue obligatoire et dans 7% des cas au moins une langue obligatoire. Ces chiffres sont d'ailleurs parfaitement reflétés par la formule la plus utilisée dans les connaissances linguistiques de la fiche descriptive de poste : «L'anglais et le français sont les deux langues de travail du secrétariat de l'Organisation des Nations unies. Pour le poste faisant l'objet du présent avis, la maîtrise de l'anglais à l'oral et à l'écrit est indispensable. La connaissance du français est souhaitable. La connaissance d'une troisième langue officielle de l'Organisation est un atout». Par ailleurs, aux dires de Dominique Hoppe (Haut fonctionnaire international, président de l'Assemblée des francophones fonctionnaires des organisations internationales (Affoi), l'enjeu dépasse la stricte défense du français. Ainsi, précise-t-il : «Avec l'anglais, c'est la pensée unique qui s'impose, dit-il. Comme les fonctionnaires ne parlent qu'anglais, tous les logiciels, les modèles économiques, sociologiques ou de gestion de projets sont anglo-américains. Puisqu'ils parlent mieux anglais, ce sont les anglophones qui finissent par occuper les postes les plus influents». Avec les années, Dominique Hoppe a vu la situation du français se dégrader rapidement dans les organismes internationaux. «Aujourd'hui, tout se déroule en anglais, dit-il. Même lorsque des francophones se réunissent, il leur arrive de se parler en anglais !». La langue française à l'ONU est-elle à bout de souffle ? Bon nombre de diplomates francophones le pensent. Chacun sait qu'il faut d'urgence s'attacher à renforcer son usage au sein de l'organisation... Faute de quoi, le français cessera d'être une langue monde.