Complot contre l'Etat : D'autres ennuis en vue pour Ghannouchi & Co    19 accords financiers en 2024 : Le ministre de l'Economie défend les choix du Parlement    Décès de Fathi Ennaïfar : l'ingénieur polytechnicien, le poète, et le soufi    Mustapha Djemali et Abderrazak Krimi, un an de prison : Amnesty tire la sonnette d'alarme    Comment une vidéo hors contexte fait croire à des sanctions de l'UE contre Kaïs Saïed    Tunisie : Déversement du barrage de Mellegue face à l'arrivée massive d'eau depuis l'Algérie    Tunisie : 8% du PIB perdu chaque année à cause du désengagement au travail    Tunisiens de l'étranger : Retour facilité et conduite de vos véhicules simplifiée cet été    Diaspora tunisienne : Transferts de 120 dollars par mois, bien en dessous des 200 dollars de la moyenne mondiale    Port-Soudan sous les drones : L'aéroport et des sites stratégiques frappés pour le troisième jour consécutif    68 % des Tunisiens écoutent la musique à un volume excessif, selon une étude nationale    Enseignement supérieur : deux nouvelles institutions en préparation à Médenine    Orange Tunisie inaugure un nouveau Data Center à Sousse pour répondre aux enjeux numériques de demain (Vidéo)    Allemagne : Merz devait mener le combat contre Trump, il chute au Parlement, très mauvais pour le pays et l'UE    Drame à Menzel Bouzelfa : Un élève met le feu à son lycée    Josef Renggli salue l'engagement de Roche et renforce les liens de la Suisse avec la Tunisie    QNB soutient les hôpitaux « Aziza Othmana » et « Béchir Hamza »    Plus de 4,5 milliards de dinars de recettes issues des TRE et du tourisme    Festival « Thysdrus » : El Jem célèbre les romains ce week-end    Migration : la Tunisie réaffirme son refus d'être un pays de transit    Grand Tunis : grève générale des chauffeurs de taxi individuel le 19 mai    26 personnes, dont 3 femmes, arrêtées après des saisies de cocaïne et de cannabis    Masters 1000 de Rome : Ons Jabeur espère rééditer son exploit de 2022    Natation : la Tunisie accueille le 8e Open Masters avec 18 pays représentés    L'ambassadeur français sort, l'Algérie ferme la porte, Macron regarde ailleurs : l'Egypte, les chercheurs américains éjectés par Trump…    Complot contre la sûreté de l'Etat 2 : début du procès de figures politiques tunisiennes    Le Prince Harry privé de protection policière lors de ses séjours au Royaume-Uni    Par Habib Ben Salha : La Bsissa prend la route de l'UNESCO    ES Sahel : soutien à Ben Amor après une violente agression à Sousse    Météo : Averses isolées au nord et au centre et températures maximales entre 21 et 38 degrés    Youssef Mimouni condamné à deux ans de prison    Retailleau durcit les conditions d'accès à la nationalité française    Crise des médias : 82 % des Tunisiens pointent du doigt les chroniqueurs    Sami Mokadem : la 39e édition de la Foire du livre était un échec !    Le taux d'inflation baisse légèrement et s'établit à 5,6%    Recevant la cheffe du Gouvernement : Le Chef de l'Etat insiste sur un projet de loi de finances à vocation sociale    Volley-Coupe de Tunisie: L'Espérance ST rejoint l'Etoile du Sahel en finale    En pleine crise de paranoïa, les fans de Saïed l'exhortent à bouder les sommets en Irak    L'EST remporte le classico : Ces petits détails....    Homo Deus au pays d'Homo Sapiens    Affluence record à la Foire du livre 2025, mais le pouvoir d'achat freine les ventes [vidéo]    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    Syrie : Après L'Exclusion De Soulef Fawakherji, Mazen Al Natour Ecarté Du Syndicat    Un séisme de magnitude 4,9 secoue le nord du Chili    Trump annonce des droits de douane de 100 % sur les films étrangers pour "sauver" Hollywood    Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un film qui brave les interdits
Cinéma
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 12 - 2015

Le cinéma arabe lance inlassablement des messages forts sur sa société. A peine j'ouvre les yeux, de Leyla Bouzid, fait partie de cette lignée. D'une grande beauté et d'une très belle facture, ce film est un remède contre la peur et l'amalgame après les attentats à Paris.
Un beau challenge est ce premier long-métrage de Leyla Bouzid qui conjugue amours d'adolescents et rock'n'roll arabe, sous le regard inquiet de parents qui craignent, mieux que quiconque, les représailles de leur société qu'ils savent liberticide. A peine j'ouvre les yeux est surtout une critique corrosive de la violence faite aux femmes en Tunisie, juste avant la révolution du Jasmin. Un très gros plan sur le temps d'avant. Avant l'ouverture et la cohabitation avec Ennahda. Et les franges jihadistes.
D'entrée de jeu, la réalisatrice filme une scène d'amour, assez pudique mais éloquente quant au désir qui anime, plein écran, les visages de deux jeunes dont on devine les corps en émoi. Son sourire traduit l'émotion intense de la jeune fille charmée par les caresses de son ami. Baiser furtif : la scène se passe sur une place un peu à l'écart, le soir, dans Tunis. Et la musique démarre à un rythme effréné, qui va nous entraîner tout au long du film dans leur folle inconscience, symbole de la dynamique de toute une jeunesse des classes moyennes qui se cogne aux murs. Sur un traveling impressionnant qui dévisage, en passant, des gosses aux regards rudes, assis sur un pont qui n'en finit pas, matant peut-être, de loin, le rouge aux lèvres de l'héroïne.
Les joues fraîches et rondes d'un bébé qui vient de naître
Farah, 18 ans, est une jeune fille brillante qui vient de réussir son bac avec mention. Mais son rêve de liberté la met en danger, malgré elle, dans les cafés où elle va boire des bières en compagnie de son groupe de rock, qui la sacre chanteuse lead, ou quand elle rentre seule la nuit sans que son petit ami, le bassiste, se préoccupe des dangers qu'elle encourt... Elle a les joues fraîches et rondes d'un bébé qui vient de naître. Une gamine qui tire la langue à la caméra, qui rit tout le temps et qui minaude avec sa mère, Hayet, pour mieux s'opposer à elle et filer à l'anglaise. De sa chambre où elle tourne comme un lion en cage, la nuit, elle s'échappe par la fenêtre, se jette dans un taxi et monte sur scène devant un public électrique qui saute sur place.
« Quand je vois ce monde, portes fermées, je m'enivre et je ferme les yeux. Je vois les gens privés de travail, de bouffe, méprisés, dépités, dans la m...jusqu'au cou. (...) Des gens qui s'exilent, traversent (...). Des gens en galère, (...) coincés dans la sueur, leur sang volé, leurs rêves... ». « T'es belle », lui lance son ami entre deux chansons. « De l'amour, rien ne m'échappe, reprend-elle. De la torpeur, ta tête explose. Où que tu ailles, tu es au pied du mur. (...) Et si jamais tu te réjouis, toutes les huiles te tombent dessus... » La salle est galvanisée.
« Ta fille fréquente des jeunes connus de la police»
Un « ami » policier avertit Hayet : « Ta fille fréquente des jeunes connus de la police... » Elle croit connaître sa fille, qu'elle élève seule. Son mari les rejoint quand il peut : sans la carte du parti, il a dû se résoudre à accepter un emploi de contremaître dans une mine située à des kilomètres de là... « J'ai peur pour toi, dit-elle un jour à Farah. Je n'en peux plus. S'il te plaît arrête ! ». C'est dans ce contexte que le drame se noue... Avec des scènes où la qualité de la lumière comme celle de la musique soutiennent l'intensité dramatique. On retiendra en mémoire, notamment, la scène de la station de bus, où par une illusion du montage, le chef opérateur (Sébastien Goepfert) nous propose un plan techniquement incroyable à 360° qui accentue l'effet d'angoisse.
Le public a applaudi la toute jeune équipe, qui autour de la réalisatrice Leyla Bouzid, est venue présenter le film, dernier, lors de l'avant-première au Trianon à Romainville, en banlieue parisienne. Baya Medhafar (Farah) raconte comment elle s'est battue pour avoir le rôle auquel elle adhère à 100 %. Elle explique que le 7 novembre (un hasard du calendrier) est, pour elle, « une date horrible dans l'histoire de la Tunisie, puisqu'elle marque le début du règne de Ben Ali ». Peut-on parler de chanson engagée en Tunisie ? « Oui et non,répond-elle. Le rock est devenu une musique arabe, tout comme les scènes rap, qui ont joué un rôle très important dans la Tunisie de 2010, et éphémère en même temps ». Et d'ajouter que «les scènes rock sont très présentes en Egypte, au Liban et en Tunisie encore aujourd'hui. » Malgré tout ce qu'elles ont subi.
L'oud est un « instrument rock »
Au début, raconte Leyla Bouzid, « Je voulais écrire un scénario dont l'héroïne serait une jeune bloggeuse. Mais ce n'était pas très cinématographique ». Puis la musique est devenue une évidence car elle permet d'imprimer un mouvement rapide. Et la chanson est très puissante. Elle se propage très vite et le pouvoir n'en a que peu le contrôle. Présent lui aussi dans la salle, Khayam Allami, un Irakien qui vit à Londres et qui est le compositeur de la musique du film, parle d' « influence reggae 2010 », un rythme qui structure le film, et auquel il a cherché à être « le plus fidèle possible ». Pour lui, l'oud, son instrument, est un « instrument rock ». Et la bande son soutien, voire fait partie du scénario : « La musique des chansons, sa couleur, devait avoir un effet dramaturgique sur le film ».
« Deux choses étaient au cœur du projet de ce film, résume la réalisatrice. D'une part, la relation mère-fille que l'on voit évoluer tout au long du film : la mère, très protectrice, réalise peu à peu que l'apprentissage qu'elle propose à sa propre fille est à l'opposé de ses aspirations, et elle se rend compte alors de tout ce qu'elle a abandonné. (...) Et, d'autre part, le désir de reparler du contrôle politique permanent de l'ère Ben Ali, de cet Etat policier qui crée une atmosphère de paranoïa face à l'émergence d'une jeunesse étouffée soit par la famille soit par le système. » La jeunesse, son énergie, sa créativité... un élan de liberté étouffé.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.