Les Américains réclament un dédommagement de plus de 36 milliards. Le gouvernement envisage de leur céder en contrepartie un terrain, propriété de l'Etat, situé dans les environs de l'ambassade. L'opposition crie au scandale Beaucoup de Tunisiens et de Tunisiennes se souviennent encore de la fameuse journée du vendredi 14 septembre 2012, baptisée, dans le jargon jihadiste, la journée de «Ghazouet Assifara» (la conquête de l'ambassade), quand des milliers de salafistes venus de tous les quartiers du Grand Tunis et même de certaines villes de l'intérieur ont attaqué le siège de l'ambassade américaine, ont incendié aussi le siège de l'Ecole américaine et ont failli assassiner l'ambassadeur américain (Wallace qui a achevé sa mission fin 2014) n'eût été l‘intervention, de dernière minute, des forces de la sécurité présidentielle suite à l'appel lancé par Hillary Clinton, secrétaire d'Etat américaine à l'époque, au président intérimaire de la République, Moncef Marzouki. Ils ont, également, en mémoire la fameuse déclaration de Ali Laârayedh, à l'époque ministre de l'Intérieur du premier gouvernement de la Troïka I dirigé par Hamadi Jebali : «Nous les attendions devant, ils sont arrivés par derrière». Ils se rappellent, enfin, les légères condamnations prononcées par la justice tunisienne à l'encontre des assaillants de l'ambassade et des incendiaires de l'Ecole américaine. Certaines peines, faut-il le rappeler, n'ont pas dépassé deux mois de prison et en prime avec sursis, ce qui a provoqué la colère des autorités américaines. On paie les erreurs et lourdement Plus de trois ans après la journée du 14 septembre 2012, la Tunisie se trouve dans l'obligation de payer lourdement et sur le plan financier et sur le plan politique (on parle d'un véritable déni de souveraineté nationale au cas où un terrain serait cédé aux Américains en dédommagement des pertes qu'ils ont subies), les erreurs commises par le gouvernement de la Troïka I, son manque d'expérience et la légèreté avec laquelle il a traité l'affaire. Aujourd'hui a sonné l'heure du dédommagement des Américains en contrepartie des pertes matérielles que leur ambassade et leur école ont subies. Les pertes de l'ambassade sont évaluées à 26.512.000 dinars, alors que celles de l'Ecole américaine s'élèvent à 11.307.000 dinars, ce qui revient à dire que l'Etat tunisien est tenu de restituer au gouvernement américain une somme globale de 36.819.000 dinars, en compensation du préjudice matériel (en attendant la compensation du préjudice moral dont les Américains ne parlent pas pour le moment). Et la polémique de s'installer dans la mesure où le gouvernement envisage de céder aux Américains un terrain propriété de l'Etat, situé dans les environs de l'ambassade en contrepartie des 36 millions de dinars qu'ils réclament et il vient de soumettre au Parlement un projet de loi l'autorisant à réaliser la transaction en question. Sauf qu'au sein de l'Assemblée des représentants du peuple, les députés de l'opposition crient au scandale, dénonçant le contenu du projet de loi «constituant une véritable atteinte à la souveraineté nationale dans le sens où l'Etat n'a pas le droit de céder à un pays étranger une partie du sol national». Du côté de la majorité, on estime que «l'Etat est obligé de dédommager les Américains et que plusieurs missions diplomatiques installées en Tunisie possèdent des biens immeubles et que le fait de céder un terrain aux Américains n'est pas incompatible avec la souveraineté de la Tunisie et avec son indépendance». Khaled Chaouket, ministre chargé des Relations avec l'ARP, a précisé, mercredi dernier (il était à l'époque membre du bureau de l'ARP chargé de la communication) que «l'Etat tunisien est dans l'obligation d'assurer la protection des missions diplomatiques exerçant en Tunisie et qu'il doit assumer ses responsabilités». En d'autres termes, la Tunisie ne dispose d'aucune échapatoire politique ou juridique et elle est contrainte de dédommager les Américains. Les Américains pouvaient ester à La Haye Pour le professeur Abdelmajid Abdelli, enseignant de droit public à l'université El Manar, les choses sont claires: «C'est la Convention de Vienne en date de 1961 sur les missions diplomatiques qui constitue la référence pour le règlement de tels litiges. Il est stipulé qu'en cas de dommages subis par les locaux, le personnel, les archives ou la logistique d'une mission diplomatique, les deux Etats concernés peuvent se mettre d'accord sur un moyen afin d'indemniser la partie lésée. En cas de non-accord, la partie lésée peut recourir à la Cour internationale de justice basée à La Haye (Hollande). Dans le cas de la Tunisie, il est possible de régler le différend pacifiquement, en premier lieu par la compensation. Dans ce cas, les deux parties se mettent d'accord sur la nature de la compensation, qu'elle soit pécuniaire ou en nature, ce qui revient à dire que la Tunisie peut céder le terrain en question aux Américains. Mais, dans tous les cas, la Tunisie n'a pas à accepter les conditions imposées par les Américains et la valeur du terrain doit être fixée par un expert qui évalue également les dommages subis par l'ambassade et l'Ecole américaines». Pour conclure, il insiste : «Il est indispensable que les députés de la nation disent leur mot, à travers une loi en bonne et due forme, pour que les Américains soient indemnisés, mais dans le cadre du droit diplomatique international. L'indemnisation ne peut en aucune manière intervenir sans l'aval du parlement. Contrairement à ce que certains répandent, le gouvernement ne peut pas agir en ignorant l'approbation de l'ARP. Dans d'autres pays, il est possible de le faire dans le cadre de ce qu'on appelle les accords en formes simplifiées où on n'a pas besoin de l'aval du parlement. Dans notre pays, cette procédure n'existe pas».