Rencontre autour de la formation professionnelle et de ses perspectives d'avenir à l'initiative de trois chambres mixtes et en présence du ministre de tutelle La Tunisie souffre d'un décalage quantitatif profond entre l'offre et la demande d'emploi, imputé essentiellement au processus de formation, mais aussi à une certaine représentation sociale qui consacre la séparation entre formation et emploi. La majorité des diplômés ignorent le fonctionnement du marché du travail. Ils découvrent, après l'obtention de leurs diplômes et une période de chômage, que leurs profils de formation et leurs ambitions professionnelles ne sont pas adaptés aux conditions de recrutement des employeurs et aux besoins du marché de l'emploi. C'est dans ce contexte que s'inscrit la rencontre-débat organisée récemment par les trois chambres mixtes tuniso-française, tuniso-italienne et tuniso-allemande de commerce et d'industrie sur le thème «L'adaptation de la formation professionnelle aux besoins des entreprises». Présent à cette rencontre, M. Zied Laâdhari, ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, qui a donné d'amples éclairages sur la stratégie du gouvernement 2016-2020, en cours d'élaboration, et sur les solutions envisagées pour résoudre la problématique de l'adéquation formation-emploi. La Tunisie a engagé des réformes audacieuses en matière de formation professionnelle et d'enseignement supérieur. Mais les acquis de ces réformes sont restés fragiles et leur impact sur l'emploi demeure modeste. Aujourd'hui, les trois secteurs de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle et de l'emploi s'emploient à créer une synergie pour promouvoir l'employabilité des jeunes qui doit impérativement se décider très tôt et s'affiner de manière progressive. La question ne peut plus se poser en aval d'un diplôme, mais très tôt, en amont de celui-ci. Garantir que les systèmes de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur facilitent l'insertion rapide des jeunes, répondent aux besoins évolutifs des entreprises, améliorent les compétences des demandeurs d'emploi et favorisent la promotion professionnelle. En termes de chiffres, «le chômage endémique qui frappe les jeunes, notamment les diplômés du supérieur dont 32% n'arrivent pas à trouver d'emploi, s'explique essentiellement par l'inadéquation qui existe entre les systèmes d'enseignement et de formation et les besoins du marché de l'emploi», affirme M. Foued Lakhoua, président de la Chambre tuniso-francaise de commerce et d'industrie (Ctfci). Selon lui, «avec la crise économique, le ralentissement de la croissance et le recul de l'investissement privé, notamment au cours des dernières années, ce problème a gagné en complexité et intensité, et certains n'hésitent pas à parler de paradoxe du système de formation et d'enseignement dans notre pays. Un paradoxe, dans la mesure où il nous est donné de constater que de nombreux diplômés ne pourront pas aspirer à un emploi dans leur spécialité et, en même temps, que des entrepreneurs ne trouvent pas de main-d'œuvre adaptée et qualifiée pour le développement de leurs activités. Un paradoxe qui fait que plus le postulant est titulaire de diplômes, moins il aura de chances de trouver un emploi. L'université tunisienne est en train de produire des chômeurs potentiels, en cherchant à multiplier le nombre des diplômés sans se soucier de la qualité et en restant complètement déconnectée des besoins de l'économie». Le président de la Ctfci devait préciser que malgré les efforts consentis par l'Etat pour développer l'éducation et la formation, «on n'est pas parvenus à trouver les bonnes formules qui permettent de favoriser des complémentarités dynamiques avec les besoins de l'appareil productif. D'où la nécessité de le réformer, dans le sens d'une meilleure adéquation entre éducation, formation et emploi». Il est impératif donc de rapprocher l'offre et la demande sur le marché de l'emploi en adaptant au mieux les programmes de formation et leurs contenus vers l'acquisition d'un savoir-faire en plus du savoir, d'associer le secteur privé à la gestion et à l'organisation des centres de formation, de réaliser des études sur les métiers de demain avec une actualisation permanente... De son côté, M. Laâdhari, ministre de la Formation professionnelle et de l'Emploi, a présenté un exposé exhaustif sur la réforme du dispositif de la formation professionnelle qui constate, aujourd'hui, l'absence d'une vision commune du système national de développement des ressources humaines et qui définit clairement et avec précision le rôle de cette formation et sa place au sein du système. Le ministre a indiqué que le département de la formation professionnelle et de l'emploi veille cette année à la conception d'une vision globale et cohérente de ce dispositif, tout en garantissant la qualité du dispositif national de la formation professionnelle en concordance avec les besoins de l'économie et du marché de l'emploi. Il s'agit également d'instaurer une bonne gouvernance du dispositif répondant aux aspirations des individus, des entreprises, de la société et de la région en harmonie avec le contrat social, l'économie et la décentralisation et d'assurer l'accompagnement des projets de réforme.