En l'absence du président de la République et du chef du gouvernement, non invités à la cérémonie officielle de célébration du 70e anniversaire de l'Union générale tunisienne du travail, la fête a eu lieu hier au Palais des Congrès, à Tunis, en présence d'invités de marque étrangers La place Mohamed-Ali dans la capitale vibre, ces jours-ci, au rythme des festivités marquant la célébration du 70e anniversaire de l'Ugtt (Union générale tunisienne du travail) dont le congrès constitutif eut lieu le 20 janvier 1946, à l'ère coloniale, sous la houlette de son fondateur, le martyr militant Farhat Hached. Hier, le palais des congrès à Tunis s'est paré de ses plus beaux atours, ses murs et façades émaillés d'écrans géants et d'affiches à l'effigie des figures pionnières du mouvement syndicaliste en Tunisie d'avant et d'après l'Indépendance. La grande salle des meetings était au complet : des sympathisants de la centrale syndicale, ses structures de base locales et régionales, ainsi que des personnalités politiques nationales et des organisations de la société civile y étaient présents ainsi que des invités étrangers, venus du Maroc, de France et du Portugal. L'événement a drainé la foule arborant des mini-drapeaux s'agitant sous la bannière de la grande organisation ouvrière. Les participants, nombreux, ont scandé des slogans : « Ô Hached, le martyr, on ne dérive jamais de ta voie.. », « Vive l'Ugtt, force majeure dans le pays », « Fidèles à l'âme et au sang des martyrs ». Tel un refrain, ces fameuses phrases, qui reviennent chaque fois en pareille circonstance, portent en elles une charge tant émotionnelle que symbolique envers cette référence syndicaliste et son leader immortel Farhat Hached. Ce militant d'envergure au parcours à la fois passionné et passionnant fut assassiné, le 5 décembre 1952, par l'occupant français. Soit six ans après la naissance de son union. Soixante-dix ans passés, le meeting d'hier se veut un hommage posthume à sa mémoire, mais aussi un signe de reconnaissance pour le rôle historique et d'avant-garde qu'avait, déjà, joué l'Ugtt et continue de jouer au fil des ans. La centrale syndicale n'a jamais bénéficié d'une image aussi rayonnante, à une large échelle, depuis le prix Nobel de la paix 2015 récemment décerné au Quartette du Dialogue national, ce qui lui a valu, particulièrement, estime et considération internationales. L'Ugtt, une histoire à part entière A l'ouverture, la parole a été, d'emblée, donnée aux hôtes de l'Ugtt qui n'ont guère tari d'éloges sur son legs historique, ses luttes pour la libération et sa marche continue vers la démocratie. Le secrétaire général de l'Union marocaine du travail (UMT) était le premier à l'avoir flattée, faisant valoir l'épopée héroïque qu'elle avait engagée, un passé jalonné de moments phares, de difficultés et de crises ayant forgé sa personnalité. L'hôte marocain s'est, aussi, dit heureux d'être accompagné d'une délégation pour répondre à l'invitation de son homologue Houcine Abbassi à qui a été remis le blason de l'UMT, et ce, en signe de soutien fraternel et inconditionnel destiné à toute la classe ouvrière tunisienne. Et d'ajouter que les deux centrales syndicales partagent la même histoire faite de combats, préservant des relations de coopération commune pour l'intérêt supérieur et des travailleurs et de la région tout entière. Il a évoqué l'amitié qui liait les deux leaders tunisiens et marocains, à savoir Farhat Hached et Mahjoub Ben Seddik. Profitant de l'occasion, l'hôte marocain s'est, aussi, adressé aux dirigeants des pays maghrébins, les exhortant à dépasser leurs conflits au profit de l'édification de l'Union du Maghreb Arabe (UMA), une institution jusqu'alors restée sans statut ni espace commun. Parfois entrecoupée d'ovations et d'applaudissements, le flot des mots ne change pas de ton. De son côté, le secrétaire général de la confédération française démocratique du travail a rebondi dans le même sens. 70 ans d'existence et d'expérience, vante-t-il, l'Ugtt est devenue un exemple pour les syndicalistes, un acteur majeur dans la construction de l'Etat. Et d'ajouter que son parcours est un véritable combat. Elle n'a jamais reculé devant ses responsabilités, afin que s'instaure un dialogue social, a-t-il encore estimé. « Son anniversaire aujourd'hui est plein de souvenirs du passé et de promesses pour l'avenir.. », conclut-il. Le combat continue Son homologue portugais, lui aussi, n'y va pas par quatre chemins pour énumérer les acquis de l'Ugtt comptabilisés sur ses luttes de libération nationale contre le colonisateur français, puis son rôle de leadership dans la défense des causes sociales et la protection des droits des ouvriers. L'attribution du prix Nobel de la paix 2015 est, en fait, le résultat de toutes ces actions et réalisations », souligne le patron de l'union syndicale portugaise. Le dernier mot est revenu à Houcine Abbassi. Celui-ci vient de finaliser l'accord sur les majorations salariales au titre de 2015 pour le secteur privé, suite à un marathon de négociations bilatérales avec son rival historique, l'Utica. Dans son très long discours, M. Abbassi a commencé par se vanter : l'Union est la force de propositions la plus grande dans le pays. Mais, il s'est rapidement rétracté pour la qualifier d'un soutien au service de la Tunisie depuis 70 ans. Et d'ajouter qu'il n'y a pas une force grande ou petite, car le pays a besoin de tous pour résister et persévérer sur la bonne voie, d'autant qu'il est forcément appelé à relever les défis de l'étape. « 1946-2016, un parcours de combattant si long, mais nous sommes encore au rendez-vous, fidèles à nos martyrs qui se sont sacrifiés au nom de l'indépendance et de la liberté.. », se félicite-t-il. Plus d'une demi-heure, le patron de l'Ugtt n'a pas manqué de retracer les épisodes historiques de l'organisation, les difficultés du parcours, ses cabales et ses réussites, ainsi que le rôle de locomotive mené par ses fondateurs. De Mohamed Ali El Hammi, Farhat Hached, Ahmed Tlili, Habib Achour, pour ne citer que ces hommes valeureux, la bataille n'était pas, certes, facile à gagner. Mais, sous les coups des crises subis au passage, l'Ugtt a su tenir bon, contre vents et marées. Ses militants avaient trop souffert, sous l'emprise des exils et des prisons. Jusqu'à la révolution du 14 janvier 2011, la centrale syndicale, révèle-t-il, a toujours été le refuge des opprimés et des plus démunis de la société. Elle reste fidèle à ses principes et ses objectifs, défendant les causes sociales, les libertés, la démocratie, les équilibres régionaux, avec la réflexion sur un modèle de développement alternatif en toute synergie avec les nouvelles exigences du pays. Et M. Abassi de se montrer davantage déterminé, plus que jamais, à relancer le dialogue social pour réussir les réformes radicales attendues en matière d'éducation, de santé, de fiscalité, de sécurité sociale. Ces dossiers, auxquels s'ajoute la restructuration de l'Ugtt elle-même, sont inscrits à l'ordre du jour du prochain congrès de la centrale syndicale prévu fin 2016.