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‘'2084, la fin du monde''... Des questions, un peu de Winston Smith et beaucoup de Socrate
Lu pour vous
Publié dans La Presse de Tunisie le 08 - 02 - 2016

Boualem Sansal nous propose en apparence un pendant au ‘'1984'' de Georges Orwell mais les revirements de son roman, qui naissent quand le personnage principal commence à se poser des questions, nous renvoient au Socrate condamné pour ‘'ne pas reconnaître les mêmes dieux que l'Etat, introduire des divinités nouvelles et corrompre la jeunesse.''
Tout s'ébranle lentement mais sûrement quand Ati, le personnage principal de l'ouvrage, commence à se poser des questions. ‘'Il s'agissait pour lui de briser la chaîne qui amarre la foi à la folie et la vérité à la peur, pour se sauver de l'anéantissement'' car si l'humain était écrasé sous le poids du totalitarisme politique dans le ‘'1984'' de George Orwell (ouvrage auquel Boualem Sansal a voulu ‘'2084'' comme pendant), il est ici asservi à un totalitarisme pseudo-religieux où il est totalement question de pouvoir et non de salut spirituel.
L'action se passe donc d'abord dans les pensées d'Ati avant de devenir physique avec de longs voyages aux quatre coins du pays-continent. Des questions qui déferlent un jour dans sa tête sans crier gare et qui le taraudent, aussi bien par leurs ambitions de saisir le sens de ce monde corrompu, que par l'angoisse lancinante d'être découvert. Car l'autocratie religieuse qui gouverne le pays ne tolère aucun esprit libre susceptible d'enflammer les autres et de menacer le statu quo.
Des mots pour subjuguer, pour développer une troupe gagnée à un même argument
Pourtant, le processus de questionnement grandit dans l'esprit d'Ati et devient réflexion, méditation, fragment de philosophie, quand il eut soudain l'intuition que le Système ne voulait pas, en vérité, que les gens croient. Le but intime est là, quand on croit à une idée, on peut croire à une autre, son opposé par exemple. Et, dans son infinie connaissance de l'artifice, le Système a tôt compris que c'était l'hypocrisie qui fait le parfait croyant !
Les ‘'découvertes'' d'Ati se suivent comme les rapides d'un torrent impétueux. Il décèle au centre de la trame que la langue agit comme moteur sensoriel ; des mots pour subjuguer, pour tenir sous le sens unique, pour développer une troupe gagnée à un même argument. Il découvre que les ghettos, anti-thèses de Qodsabad et des autres villes de l'Abistan, ont certes l'apparence de la désolation, mais quand il s'y est introduit avec son ami Kao après moult péripéties, il a vu la liberté au milieu du dénuement, là où ‘'même les femmes'' circulent sans se cacher derrière des niqabs.
Le Système si parfaitement ficelé est truffé de failles et certaines sont même préservées au sein du Pouvoir. Taz, le frère d'un très haut dignitaire et donc intouchable, vit ainsi selon les ‘'termes anciens'', c'est-à-dire la civilisation d'avant la double catastrophe (une guerre nucléaire et un chamboulement climatique), et parle à Ati et Kao de livres et leur montre du mobilier, des ustensiles !
‘'Ne pas reconnaître les mêmes dieux que l'Etat''
Une rencontre qui n'est pas du tout fortuite car le Système est rusé. Le but est de faire d'Ati ‘'le cobaye d'une extraordinaire expérience de laboratoire'' où il s'intéresse en apparence à ‘'l'esprit de jugement et de révolte'' qui anime Ati, mais où il en use, en vérité, pour ourdir un complot dont le but est de détruire le clan au pouvoir et d'en amener un nouveau.
C'est là qu'Ati découvre que le Système est divisé en clans et que, peut-être paradoxalement, les hautes sphères ne manquent pas de libres-penseurs qui méprisent l'ordre établi mais dont l'intérêt est la continuité, qui entretiennent l'idée d'un ennemi mortel auquel il faut faire face mais se fournissent chez ce même ennemi en toutes sortes de technologies, dont des avions, des véhicules de toutes sortes, des centrales électriques présentes dans les seuls périmètres des nantis... C'est vers cet inconnu que les pensées d'Ati le portent en définitive.
Un ouvrage prenant, même si l'action est aux antipodes de sa conception actuelle (elle se passe en grande partie dans les esprits). Et s'il est clair que Boualem Sansal s'inspire largement du ‘'1984'' de George Orwell, c'est la nature du personnage principal qui laisse interrogateur. De fait, Ati semble aux antipodes de Winston Smith, le personnage principal de ‘'1984'' qui est devenu la métaphore de la victime innocente de la machination politique. Winston, employé du Ministère de la Vérité, dont le travail est de réécrire les documents historiques de telle manière qu'ils correspondent à la ligne du Parti qui change de jour en jour, finit comme un criminel par la pensée, mais surtout un ‘'malade'' que le Système se propose de guérir, et cette guérison passe par une complète rééducation. Car le crime de Winston est d'avoir une mémoire !
Ati ne peut donc être totalement Winston Smith alors qu'il nous rappelle avec insistance une figure emblématique universelle du questionnement ; Socrate lui-même.
Hoplite (fantassin grec) durant 3 campagnes militaires dans la guerre du Péloponnèse, son courage n'est pas uniquement militaire mais surtout politique. Prytane (sorte de consultant des institutions) dans la démocratie athénienne, enseignait ou, plus exactement, questionnait... en dérangeant tout le monde ! Résultat, 5 ans après la fin de la guerre du Péloponnèse, un procès pour impiété lui est intenté avec de bizarres chefs d'accusation : «ne pas reconnaître les mêmes dieux que l'Etat, [...] introduire des divinités nouvelles et [...] corrompre la jeunesse.''
Ati ne connut pas la même fin que Socrate mais s'est posé les mêmes questions.
L'ouvrage
‘'2084, la fin du monde'', 274p., mouture française
par Boualem Sansal
Editions Gallimard, 2015
Disponible à la Librairie al Kitab


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