La municipalité de Tunis a essayé de récupérer l'endroit, qui a servi à des représentations de spectacles programmés dans le cadre du festival de la Médina, mais elle a dû vite déchanter, les habitants de cet espace ayant chassé tout autre occupant. Ne voulant pas créer une crise sociale, la municipalité a choisi de se retirer en toute discrétion. Pauvre monument que ce Palais Kheireddine, haut lieu d'exposition, amputé de son jardin. Jardin squatté par des familles pauvres qui n'ont pas d'autres lieux où crécher. Après la révolution, des familles ont saisi l'occasion de vacance du pouvoir pour occuper le jardin à l'abandon. La municipalité de Tunis a essayé de récupérer l'endroit, qui a servi à des représentations de spectacles programmés dans le cadre du festival de la Médina, mais elle a dû vite déchanter, les habitants de cet espace ayant chassé tout autre occupant. Ne voulant pas créer une crise sociale, la municipalité a choisi de se retirer en toute discrétion. Jusqu'à quand cette situation va-t-elle durer ? Les pouvoirs n'ont-ils pas promis de reloger ces familles et de permettre à la municipalité de Tunis de reprendre ses biens, dont le jardin qui fait partie intégrante du palais d'exposition ainsi que les annexes pour les restaurer, d'autant plus qu'il existe un projet prêt à l'exécution ? Zoubeir Mouhli, architecte et président de l'Association de sauvegarde de la Médina de Tunis, nous livre, dans cet entretien, les projets réalisés et ceux à venir et se dit prêt à l'exécution des travaux si le problème d'évacuation des lieux, à savoir les annexes du Palais Kheireddine, est solutionné. Le Palais Kheireddine, actuellement musée de la ville de Tunis, a été restauré en 1999, il y a donc de cela 17 ans. Son jardin et ses annexes : les écoles israélite et musulmane, sont squattés depuis la révolution par des familles. Jusqu'à quand cette situation va-t-elle durer ? Tout d'abord, je voudrais revenir sur l'historique du Palais. Dans les années 90, la municipalité de Tunis a voulu faire un musée de la ville, mais n'avait pas l'argent nécessaire pour réaliser le projet en entier. Il a été décidé de commencer par la réalisation de ce qui est nécessaire à un musée, autrement dit, la partie concernant les espaces d'accueil des expositions temporaires, des rencontres, des réceptions, etc., d'autant plus que la ville n'avait plus de galerie d'exposition, notamment après la fermeture du casino du Belvédère, transformé en mess des officiers, et de la galerie Yahia au Palmarium. Il n'y avait donc plus de grand espace pour les expositions de peinture, de sculpture, d'installation... Il était donc nécessaire de commencer par le musée. Cette partie restaurée est actuellement la galerie d'exposition dite Palais Kheireddine, dans l'espoir d'ajouter, dans une deuxième phase, l'école israélite de la rue du Tribunal après que la municipalité l'eut achetée à la communauté juive à Paris. A l'époque, on avait commencé à réfléchir au reste du programme scientifique. Il était question d'en faire une résidence d'artistes, autrement dit un aménagement pour que les artistes viennent s'installer durant une période pour la réalisation de leurs projets artistiques. On a imaginé des aménagements d'ateliers, d'appartements privatifs pour les artistes, etc. Mais, en raison d'un problème de financement, le projet a été abandonné. Après la révolution, l'endroit a été squatté. Le jardin fait partie intégrante du Palais, pourquoi a-t-il échappé, lui aussi, à la municipalité ? Au sujet du jardin, lorsqu'on a réaménagé le Palais Kheireddine, il n'y avait plus suffisamment d'argent pour la réhabilitation du jardin. On l'avait juste nettoyé pour accueillir des réceptions en plein air et abriter le festival de la Médina lorsque le mois de Ramadan coïncidait avec la période d'été. L'espace avait servi à cela, des installations éphémères ont été montées pour recevoir les spectacles. Après, les gens l'ont squatté. Tous ne sont pas des SDF. Certains possèdent un logement dans la médina. Pensez-vous que la municipalité peut récupérer ses biens ? Le problème est de reloger ceux qui n'ont pas de logements. Si le ministère des Affaires sociales les reloge, la municipalité récupérera l'espace et on repensera au projet. De toute évidence, il y a un blocage. Actuellement, sur quels projets travaille l'ASM ? Nous travaillons sur la récupération d'un ancien hospice, une sorte de presbytère attenant à l'église Sainte-Croix de la rue de la Mosquée Ezzitouna. Jusqu'à récemment, il abritait l'arrondissement municipal qui est logé provisoirement rue Bir Lahjar dans de nouveaux locaux, mais bientôt, il réintégrera l'école primaire— qui sera restaurée — située devant l'ancienne église. Nous avons commencé les travaux de restauration du presbytère avec un financement italien. Il sera réaménagé en un Centre méditerranéen des arts appliqués. Il sera prêt dans quelques mois. Il y a un autre projet sur lequel nous travaillons pour le compte de l'Association Beyti. Il s'agit de la moitié de l'école désaffectée Sidi Ali Azzouz qui sera transformée en un centre de femmes sans abri. L'ASM a fait les études et les travaux. Le projet est presque terminé. Il logera une trentaine de personnes de manière temporaire, le temps d'une réinsertion dans la société. Envisagez-vous de sauvegarder d'autres monuments dans la médina ? Parmi les projets de restauration, la Medersat Bir Lahjar et Souk Chaouachia. Ces deux projets sont au programme d'exécution; bientôt, ils passeront à l'appel d'offres. Les travaux commenceront peut-être cette année. La municipalité de Tunis financera ces deux projets. Les privés sont-ils impliqués dans la revalorisation de certains monuments ? Certainement. Certains promoteurs privés réinvestissent dans la médina. Ils ont restauré plusieurs demeures qu'ils ont transformées en maisons d'hôtes. Leur apport est important parce que le patrimoine n'est pas seulement l'apanage des pouvoirs publics. Il faut que de plus en plus de privés réalisent des projets. Quel regard portez-vous, aujourd'hui, sur la médina de Tunis ? La médina de Tunis est immensément riche. Chaque fois qu'on croit que c'est désespérant, qu'on a tout perdu, on retrouve qu'elle recèle des trésors. Je suis optimiste. Cependant, ce qui est important, c'est que ce n'est pas mon regard qui a changé mais celui des gens. Autrefois, on associait la médina à une sorte de bidonville. Depuis quelques années, je reçois tous les jours des privés à la recherche d'un bien à acheter; il y a un grand intérêt pour la médina, ce n'est plus le lieu de tous les archaïsmes comme certains ont tendance à le dire. Il y a actuellement une vingtaine de projets de maisons d'hôtes. Les gens qui cherchent à s'installer dans la médina aujourd'hui, ce ne sont plus les moins nantis. La médina est l'endroit le plus central, le plus proche et le moins cher. Les gens s'installent pour la qualité de vie, la culture, l'histoire, le vécu, l'ambiance. On a toutes les catégories sociales : des universitaires, des étudiants, la classe moyenne, des artistes et cinéastes : Mohamed Zran, Nacer Khemir, bientôt Nouri Bouzid, Lotfi Abdelli, autrefois Mohamed Driss, Mohamed Ali Ben Jemaâ possède un Makhzen. On ne cherche pas à ce que la médina se gentrifie, on n'est pas dans ce schéma. Il y a une mixité sociale qui préserve une vie équilibrée dans la médina. Propos recueillis par Neila GHARBI