Des conférences, des ateliers, des rapports, des feuilles d'orientation et des experts pour discuter la couverture des événements liés au terrorisme. Tout le monde en parle ! Le mot d'ordre est «pas de neutralité face au terrorisme» Par Dr Sahbi BEN NABLIA Pas de neutralité face au terrorisme est une expression et un engagement cités et répétés à l'envi par les journalistes tunisiens et leur syndicat. Est-il vrai qu'il n'y a pas de neutralité face au terrorisme? J'y perds mon latin avec cette expression : pas de neutralité avec le terrorisme, est-ce à dire que nous combattons le terrorisme? Veut-il dire que nous instaurons un journalisme libre et indépendant? Nous savons tous que la neutralité est le fondement même d'un média libre et indépendant. Sur le plan de l'éthique journalistique, la neutralité est de mise même si le mot est relatif et sa définition est subjective. De quel terrorisme parlons-nous? Avons-nous défini le sens du mot terrorisme? Pas de neutralité face au terrorisme Carte blanche aux gens qui combattent le terrorisme? Nous endossons toute action qui dépasse le combat du terrorisme et qui viole les droits de l'Homme. Nous risquons de falsifier les informations, de donner raison à tous les dépassements. Ne m'en parlez pas de ce fameux Premier ministre qui a dit «quand il s'agit de la sécurité nationale, ne me parlez pas des droits de l'Homme». Il ne l'a jamais dit dans ce sens exactement! Une simple question humanitaire et vous pouvez me lyncher publiquement, comme c'était le cas du juge! Ce terroriste arrêté, après avoir brandi une arme et tué des innocents, serait condamné à 20 ans de prison. Quand il sera libéré, sera-t-il un citoyen tunisien ou citoyen du terrorisme? Les causes du terrorisme, selon les experts, sont l'injustice sociale, le déficit du système d'éducation, le déficit identitaire des Tunisiens, le Tunisien est-il un être humain à part entière et nous respectons sa dignité et son intégrité physique et morale? Pour combattre le terrorisme, il faut combattre tout un système qui favorise ce terrorisme. Nous ne sommes pas neutres face aux horreurs du terrorisme, nous ne sommes pas neutres face à la barbarie. Nous les combattons par le mot, par l'image, par le dialogue, par la communication, par le journalisme et par les médias. Nous le combattons jusqu'à la dernière goutte de notre sang, mais nous ne mélangeons pas la neutralité. Pas de neutralité face au terrorisme Un citoyen meurt durant les affrontements entre les forces de l'ordre et les terroristes, une vie a été mise entre guillemets et non le nom d'un présumé terroriste dans un article de presse. Si c'était un journaliste qui a reçu la balle en plein ventre ou en plein dos? Nous avons entendu et c'est la meilleure réaction : qu'il repose en paix! Savez-vous que le journaliste est devenu citoyen par excellence? Avez-vous entendu parler du journalisme citoyen? Dans la couverture médiatique de cet événement, aucune mention à la sécurité des citoyens n'a été faite, demandée ou réclamée. Le terrorisme veut dire que les plateaux de télévision jubilent lors d'affrontements en présence du public....soit dit en passant, il s'agit du journalisme citoyen! Un exploit... des vidéos filmées par des citoyens et diffusées en direct! Les porte-parole sont intervenus sur les plateaux de télévision, aucune mention de cette sécurité! Des journalistes ont été blâmés par un rapport publié par l'Observatoire du Snjt, car ils n'ont pas mentionné le qualificatif de terroriste devant le nom d'un terroriste. Je vous demande la présomption d'innocence : était-elle de mise dans le journalisme tunisien? Le journaliste a-t-il le droit de qualifier un Tunisien de terroriste avant qu'un juge le fasse? Devrons-nous attendre la condamnation ou encore nous devons agir avec le mot d'ordre : pas de neutralité avec le terrorisme ! Pas de neutralité face au terrorisme Le porte-parole du ministère de la Défense présente sur un plateau télévisé la version officielle et précise avec tous les détails de l'opération de Ben Guerdane. Tout juste après, un correspondant de la chaîne est en direct sur les lieux et présente une version qui diffère de celle de l'officier et insiste que les affrontements ont bien duré trois heures! Le porte-parole revient à la charge, rectifie et insiste que les affrontements n'ont duré qu'une heure et quart. L'expert-journaliste, présent sur le plateau, lui répond : «Votre version officielle est sèche, il n'y a rien d'héroïque, les gens aiment la bravoure. Laissez-le rêver, laissez-le dire que c'est trois heures. Foutez-lui la paix!». La version officielle est marginalisée et mise à l'écart au nom de l'imaginaire populaire des Tunisiens. Personne ne réagit, ni l'officier ni l'animateur de l'émission. Encore une fois, pas de neutralité face au terrorisme. C'est comme ça que nous couvrons les actes terroristes! Pour en finir, Mekki Hlal, dans sa première édition du journal télévisé sur la chaîne Ettasiaa, a titré sa nouvelle comme suit : «Mort de 4 terroristes,...». Le journaliste qui lui a préparé le reportage a dit : «L'élimination de 4 terroristes....». Un conseil d'un expert : à la prochaine réunion sur la couverture médiatique des événements liés au terrorisme, invitez un linguiste!