Rached Ghannouchi, qui est seul ou presque contre la présidence de la République, commence à réfléchir à un passage en force pour se placer de nouveau au-devant de la scène politique. Qui est mieux placé que son assesseur pour détailler ses intentions ? La récente publication Facebook de Maher Medhioub, assez inquiétante qu'elle soit, peut en effet donner une idée sur le plan que veut mettre en place Ennahdha — mais aussi ses alliés — durant la prochaine période. En Tunisie, la situation politique ne cesse de se détériorer et les risques sont devenus énormes, notamment après les agissements de certains protagonistes politiques. Si le Président de la République s'apprête à finaliser son coup de passage en force opéré un certain 25 juillet, ce 17 décembre en annonçant les grands traits de son projet politique, Ennahdha et ses alliés, qui conduisent une mouvance anti-25 juillet, veulent aussi jeter les dés. Néanmoins, au vu de la dernière donne politique, le clivage et la bipolarisation politiques commencent à prendre forme en Tunisie, alors que le pays, dans une situation de faiblesse économique, ne supporte plus de telles tensions. Quel plan de sortie de la crise ? Si Ennahdha et notamment son leader historique Rached Ghannouchi encaissent coup sur coup, il est temps de passer à l'action, surtout après l'incident survenu dans son fief. L'Assemblée des représentants du peuple (ARP), gelée par Kaïs Saïed depuis quatre mois, commence à tomber dans les oubliettes dans l'imaginaire des Tunisiens. Pour certains, on peut se passer carrément d'une telle institution, alors que pour d'autres, et pour les partenaires de la Tunisie, il est fondamental de retourner à la vie parlementaire dans les plus brefs délais. En tout cas, selon les dernières informations, Rached Ghannouchi, qui est seul ou presque contre la présidence de la République, commence à réfléchir à un passage en force pour se placer de nouveau au-devant de la scène politique. Qui est mieux placé que son assesseur pour détailler ses intentions ? La récente publication Facebook de Maher Medhioub, assez inquiétante qu'elle soit, peut en effet donner une idée sur le plan que veut mettre en place Ennahdha — mais aussi ses alliés — durant la prochaine période. Maher Medhioub, assesseur de Rached Ghannouchi et responsable de communication à l'ARP gelée, annonce une très forte probabilité de tenir une plénière à distance très prochainement. « Elle devrait également être diffusée en direct en Tunisie et dans le monde entier. Nous allons inviter des médias nationaux et internationaux », lit-on dans sa publication ayant provoqué une polémique. Selon ses explications, la convocation d'une séance plénière de l'Assemblée des représentants du peuple gelée aura lieu à distance, « au moment opportun », notamment après « l'achèvement des procédures du règlement intérieur et la préparation des conditions techniques en rapport avec la communication à distance, la diffusion en direct à l'échelle nationale et internationale, ainsi que l'organisation de la couverture médiatique ». Vers la confrontation ? Cela en dit long sur les grands traits de la prochaine phase politique en Tunisie. D'une part, droit dans ses bottes, le Président de la République Kaïs Saïed va jusqu'au bout dans sa manœuvre politique et, d'autre part, une opposition qui veut exploiter tous les atouts, même la mise en place d'une autorité parallèle pour se replacer sur l'échiquier politique. Car, en effet, le risque de tomber dans la division, le clivage et la guerre de légitimité devient bien réel en Tunisie. Autant dire, que la guerre de déclarations s'est bien installée avant le 17 décembre, qui s'annonce une date cruciale dans le processus du 25 juillet. Selon certaines indiscrétions, le 17 décembre, le Chef de l'Etat fera des annonces majeures relatives notamment à la poursuite de son passage en force, au référendum constitutionnel qu'il compte organiser, aux initiatives présidentielles attendues et notamment au sort de certains partis liés à des soupçons de financement étranger de leurs campagnes électorales, dont notamment Ennahdha. D'ailleurs, Ennahdha craint toute exclusion de la scène politique qui passe par l'annulation de ses listes électorales de 2019 et par ricochet la perte de la majorité de ses sièges à l'ARP. Epinglé par le rapport de la Cour des comptes sur les élections de 2019 qui instruit les résultats du contrôle du financement des campagnes électorales présidentielle et législatives, Ennahdha dénonce « une tentative de faire tomber ses listes aux législatives de 2019 en faisant pression sur la justice ». Ce rapport de plus de 300 pages signale tous les dysfonctionnements constatés par les contrôleurs, plus particulièrement concernant « l'argent étranger ». Et les exemples sont nombreux comme ceux d'Ennahdha, Qalb Tounès et Aich Tounsi, qui ont engagé des sociétés étrangères de lobbying pour mobiliser un appui étranger. Depuis la publication dudit rapport, Ennahdha exprime sa totale disposition à coopérer en toute transparence afin de clarifier tous les points de litige liés aux résultats de ce rapport. La Constitution comme champ de bataille En tout cas, dans le but d'anticiper les annonces présidentielles, Ennahdha s'est fixé comme objectif de défendre la Constitution, décrite comme illégitime par le Président de la République. En effet, le mouvement islamiste a exprimé son rejet des « tentatives d'abolition de la Constitution de 2014 », et de la tendance à dessiner unilatéralement le système politique et juridique de la Tunisie. Il a mis en garde contre les conséquences de « compromettre les fondements constitutionnels du pouvoir par des décrets et d'amener le gouvernement à une crise de légitimité aux conséquences fâcheuses sur la stabilité du pays ». Le "temple bleu" a alerté sur les dangers du discours clivant, prônant l'exclusion, l'hostilité et l'incitation à viser les opposants politiques et dit tenir « l'autorité en place » pour pleinement responsable de ce qui pourrait résulter des discours de la commémoration de la révolution le 17 décembre. Il est utile de rappeler aussi que la mouvance anti-25 juillet s'apprête à organiser des mouvements de protestation du 17 décembre jusqu'au 14 janvier pour dénoncer ce qu'elle appelle « un coup d'Etat opéré par le Président de la République ».