L'entrée des Tunisiens en Libye est reportée de deux jours, le temps d'installer aux frontières, du côté libyen, le système d'information réservé aux étrangers Les autorités libyennes ont refusé hier l'ouverture du poste frontière de Ras Jédir du côté libyen, alors qu'un communiqué du ministère de l'Intérieur tunisien, rendu public hier matin, avait annoncé la réouverture des postes frontières, Ras Jedir et Dhehiba Wazen à la circulation de 7h00 à 19h00. Les autorités libyennes ont expliqué leur refus de réouverture du poste frontière par le fait qu'elles n'ont reçu aucune correspondance officielle écrite de la part des autorités tunisiennes les informant officiellement de leur décision de réouverture des postes frontières du côté tunisien. Rappelons que les deux postes frontières ont été, également, fermés sur décision unilatérale tunisienne, après la triple attaque terroriste à Ben Guerdane contre des institutions militaires et sécuritaires, le 7 mars. Les autorités libyennes ont donc empêché des commerçants tunisiens de traverser le poste frontière du côté libyen, alors qu'ils avaient accompli les formalités de sortie auprès des autorités tunisiennes et ont dû, de ce fait, rebrousser chemin en direction du territoire tunisien. Cela vient au moment où dix-huit camions libyens sont entrés en Tunisie, lundi soir, par le poste frontalier de Ras Jedir. Une source douanière a expliqué que ce mouvement obéit à une mesure prise à titre exceptionnel, dans le but de permettre à une entreprise tunisienne d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses clients en Libye. Est-ce le bon moment ? Après les importants et successifs succès réalisés par les forces armées et sécuritaires dans le cadre de la contre-offensive à la triple attaque du 7 mars, aidées en cela par les habitants de Ben Guerdane, des voix commencent à se faire entendre pour demander la réouverture des frontières avec la Libye pour permettre la reprise du commerce transfrontalier, principale activité économique de la région. Mais est-ce le bon moment, alors que les travaux d'installation des caméras de surveillance aux frontières tuniso-libyennes ne sont pas encore achevés ? La question s'impose en raison de la persistance des menaces sur la sécurité et la stabilité du pays. Le nombre important de dépôts et de caches d'armes découverts à Ben Guerdane et dans d'autres villes et régions tunisiennes, ainsi que la présence d'armes de catégorie lourde en quantité et à différents endroits, en sont des preuves irréfutables. Et le fait d'avoir gagné la bataille de Ben Guerdane ne signifie nullement que la guerre contre le terrorisme est terminée. M. Fayçal Cherif, chercheur et analyste militaire, interrogé par La Presse, ne cache pas son inquiétude mais admet que c'est un mal nécessaire. Les villes du sud, dont Ben Guerdane, étouffent économiquement à cause de la fermeture des frontières sud. « L'ouverture des frontières est nécessaire pour notre économie, qui est carrément en arrêt cardiaque après que le tourisme a pris un sacré coup. Nous devons voir la réalité en face, celle notamment des agriculteurs de Sidi Bouzid et des autres régions qui vivent de leurs échanges commerciaux avec la Libye ». A-t-on pris toutes les précautions ? Toutefois, prévient le chercheur analyste, « a-t-on pris toutes les précautions nécessaires au niveau des renseignements et du contrôle aux frontières ? Il faut disposer du maximum de renseignements sur les Tunisiens et les Libyens qui entrent dans le territoire tunisien. Nous devons avoir des yeux à l'étranger. C'est indispensable. Des terroristes peuvent passer avec des faux papiers et ressembler à Monsieur Tout-le-Monde. D'autres étaient en possession de plusieurs passeports à la fois. Nous devons les reconnaître avant qu'ils ne rentrent dans le pays. Le traitement sécuritaire du terrorisme est important mais le nombre de soldats postés aux frontières ne suffit pas si on est incapable de détecter les éléments dangereux. Le risque zéro n'existe pas, une sécurité totale non plus. Ce qui s'est passé hier en Belgique le prouve ». Un autre volet aussi important que les renseignements doit être développé, selon le chercheur, pour renforcer les moyens de défense de la Tunisie contre le terrorisme : les études stratégiques. « Vous savez, aux Etats-Unis, le Pentagone travaille sur la base des informations fournies par les experts en stratégie, où sommes-nous de tout cela ? Le ministère des Affaires étrangères n'a pas de centre de recherche, il navigue à vue ; le centre de recherche de l'armée, dont on vient d'annoncer la naissance, ne sera pas prêt avant plusieurs années et il faut qu'on cesse de distribuer des postes-clés, des postes stratégiques, en guise de gratification pour services rendus ou par clientélisme ».