«L'investissement émotionnel et physique multiplie le risque de blessure». Il a marqué contre les plus grands, fait vaciller les blocs les plus imperméables et fait trembler les défenses de grandes nations à l'instar de celles d'Arabie Saoudite, du Maroc, d'Algérie...Lui, c'est l'attaquant international stadiste Abdelkader Rakbaoui. Une force de la nature et doté d'un démarrage fulgurant. En dépit de ses attributs, sa carrière, si prometteuse fût-elle, a été stoppée net sur l'autel de l'engagement physique. En clair, Rakbaoui a dû mettre fin à sa carrière, à son apogée, en raison de plusieurs fractures au genou. Pour lui, c'est comme si c'était hier : «La pratique du football de haut niveau nécessite un investissement considérable. Je me devais de focaliser de manière exclusive mon attention sur mon corps pour améliorer mes performances. La technique s'apprend, le corps se cultive et s'entretient si on veut atteindre un palier intéressant. Puis, un beau jour tout s'arrête, laissant place, au départ, à un certain déni de la réalité. Pour mon cas, j'ai tiré ma révérence en raison de blessures récurrentes. Ce n'était pas la conséquence d'une mauvaise connaissance de mes limites où pour mon goût de l'extrême. Mais en raison de contacts rugueux ou les béquilles et les tacles appuyés sont légion. Les défenseurs ne font pas de place au sentiment et j'en étais le souffre-douleur, le prototype par excellence. J'ai été maintes fois touché aux articulations, aux tendons, aux ligaments et au niveau des muscles. J'ai rarement été mis à l'arrêt en raison de crampes, de tendinites, de claquage ou de courbatures. Par contre, les contusions, les entorses, les luxations, les déchirures et les fractures ont pratiquement accompagné tout mon cursus footballistique. Mes anges gardiens, en ces temps-là, le savaient pertinemment. Pour bloquer votre humble serviteur, il fallait simplement le museler. Cependant, rarement les médecins de mon club ou de la sélection n'ont relevé chez moi des fractures dites de «fatigue», conséquence, comme ils disent, de micro-traumatismes répétés. C'est dire combien les tensions musculaires accrues conjuguées aux exigences et aux contraintes de l'environnement du football multiplient le risque de blessure». «S'il passe, tu trépasses !» «Les consignes sont parfois difficiles à admettre, ajoute Abdelkader Rakbaoui. Tel ce staff technique qui donne des consignes claires à ses arrières: le ballon peut passer, pas l'attaquant ! S'il passe, tu trépasses! Ceinture-le en vue de prendre l'ascendant sur lui ! Il est au bord de la rupture mentale, provoque-le et tu l'achèveras ! Garde-le bien en main, ne le lâche pas d'une semelle et anticipe ses courses en le freinant de manière intelligente (ficelle du métier et roublardise). Voilà, en clair, il est admis que ce jeu fait partie d'une sphère impitoyable. Le respect des préceptes n'est pas la première des préoccupations (exemples : l'explication Materrazi-Zidane, le duel Andoni Goikoetxea-Maradona, le choc Harald Schumacher -Patrick Battiston, le tacle de Nigel De Jong sur Hatem Ben Arfa, et enfin «l'attentat» de Jay McEveley sur Djibril Cissé). Vous savez, j'ai été une sorte de «punching-ball» pour une flopée de valeureux défenseurs. Outre les genoux, mes poignets en ont aussi pâti. Demandez-le à Yassine Dziri, Chellouf, Baratli...Certes, ma charpente musculaire particulière a fait que j'ai résisté aux ennuis de santé (tout comme un certain Chokri El Ouaer, d'ailleurs), Mais, au final, solliciter son corps à l'extrême sur fond de contacts récurrents a fait que mes muscles et mes articulations ont fini par en pâtir et lâcher. Cela dit, je dois beaucoup à des spécialistes de la médecine sportive qui ont tout fait pour retarder l'échéance. Physio, kiné, ostéopathe et chirurgiens de renom. Ils sont les véritables «bienfaiteurs» du sport-roi et les garants de la bonne santé des joueurs ultra-sollicités. Pour mon cas, je dois beaucoup au Dr Moncef Ben Abid et au Professeur Litaiem. Pour revenir au sujet qui nous concerne, il faut avoir les pieds sur terre et ne pas se prendre pour une personne insubmersible. Jouer sur ses qualités sans se départir d'une certaine relativité. Quand on se coltine un défenseur; sorte d'armoire à glace aux attributs plus que supérieurs à la moyenne, mieux vaut être prévenant et savoir où on met les pieds. Car quand tout s'arrête, gérer cette brutale retraite à un âge qui n'est pas celui du renoncement mental n'est pas une chose évidente», conclut doctement notre interlocuteur. Pour éviter que le spleen s'installe sur fond de regrets. Il faut s'imprégner du fait que le crépuscule d'une «étoile» peut être une sorte de renaissance et non un adieu; sorte de refus de quitter la peau du héros pour entrer dans le monde ordinaire. Au final, le sage et brave Abdelkader Rakbaoui prend le contre-pied d'une thèse répandue qui affirme en substance : «Le champion est un homme dont le destin est de mourir deux fois»...