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Moez Soussi, Professeur en sciences économiques à l'IHEC à La Presse : « Concevoir des mesures d'urgence dans un cadre global de réformes structurelles de l'économie »
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 04 - 2022

Le plan d'action d'urgence élaboré par le ministère de l'Economie et de la Planification afin de concevoir un programme d'appui à la relance économique a été le fruit de consultations et de discussions auxquelles ont participé des structures administratives et des acteurs privés. La méthode et l'approche ont permis, en si peu de temps, de dégager les mesures les plus pertinentes et qui ne sont pas nécessairement liées à des engagements budgétaires supplémentaires. De plus amples détails dévoilés par Moez Soussi, professeur en sciences économiques. Interview.
Quelle lecture faites-vous des mesures d'urgences économiques annoncées récemment par le ministère de l'Economie et de la Planification ?
À juste titre, le 1er avril 2022, Mr Samir Saied, ministre de l'Economie et de la Planification, a annoncé un plan d'action d'urgence pour la mise en œuvre d'un programme d'appui à la relance économique. D'abord, il faut souligner que ce plan d'action a été le fruit de consultations et de discussions auxquelles ont participé des structures administratives et des acteurs privés. La méthode et l'approche ont permis, en si peu de temps, de dégager les mesures les plus pertinentes et qui ne sont pas nécessairement liées à des engagements budgétaires supplémentaires. Il faut rappeler que les plans de réformes économiques devraient distinguer entre les mesures de court terme visant à maîtriser les déséquilibres, les mesures de moyen terme agissant sur la capacité de l'offre et les mesures à long terme traitant les réformes institutionnelles. Il est donc impératif de concevoir ces mesures d'urgence, à portée de court terme, dans un cadre global de réformes structurelles de l'économie tunisienne.
Par ailleurs, nous recommandons une complémentarité entre la batterie de mesures annoncées, s'articulant autour de 4 axes, avec les orientations du plan triennal 2023-2025 qui est en cours d'élaboration et la vision stratégique de la Tunisie 2035.
Pour revenir au contenu des mesures d'urgence, nous pouvons lire à travers le 1er axe que le gouvernement actuel accorde une importance particulière aux difficultés de trésorerie que confrontent les entreprises (publiques et privées) à cause des retards du recouvrement. Rien que pour les marchés publics, ce montant a été évalué par l'ex-ministre des Finances à 7 milliards de dinars. Une partie de ces arriérés seront couverts en privilégiant le secteur du BTP. Parallèlement, des lignes de crédit seront dédiées aux entreprises sous forme de financement mezzanine pour faciliter un accès au financement sans appel à des garanties une fois qu'un processus de restructuration est amorcé par les entreprises en question. Un report d'échéance de remboursement de la dette de 12 mois est accordé aux unités touristiques viables. Dans ce plan d'urgence, l'innovation, la digitalisation et l'environnement n'ont pas été épargnés et cela laisse quelques marges à bâtir des sentiers de croissance à plus long terme.
Le 2e axe est autour de la relance de l'investissement. A mon sens, c'est la clef de voûte pour l'acquisition de capacités de résilience nécessaires à la sortie de la crise. En effet, parmi les pires causes de vulnérabilité de l'économie tunisienne durant les dernières années, il y a le relâchement de l'effort d'investissement dans ses deux composantes publique et privée. Les causes sont nombreuses et touchent aux facteurs internes et externes. Les mesures d'urgence ont insisté particulièrement sur l'amélioration du climat des affaires par le raccourcissement des délais et la simplification des procédures. La numérisation est un outil de choix et transversal dans ce cadre. La lecture des mesures d'urgence pour ce 2e axe laisse entendre que le gouvernement vise à revoir sa politique sectorielle en ciblant l'agriculture, l'industrie et la technologie numérique. Il y a encore une volonté de bien évaluer le patrimoine foncier de l'Etat et de le mettre à la disposition des projets publics et privés. Ces mesures, certes pertinentes, restent tributaires d'une opérationnalisation rapide et efficace moyennant la promulgation de nouveaux textes d'application et la reformulation des procédures caduques et accablantes.
Etant donné la lourdeur de la machine administrative et de ses rouages, le troisième axe est venu autour de la facilitation de la réglementation des affaires en fluidifiant le processus de prise de décision et la protection du donneur d'ordre public en cas d'erreur ou omission. La guillotine administrative, les publications des textes d'application pour l'ESS, pour crowdfunding et pour l'auto-entrepreneur, la résolution des problèmes fonciers et l'instauration du principe de transparence quant à l'utilisation du domaine de l'Etat sont des mesures tellement attendues et qui permettraient de donner un élan important à l'investissement moyennant l'amélioration du climat des affaires.
Le 4e axe, consacré à la simplification des procédures pour la promotion des exportations, est venu pour prendre en considération le besoin urgent pour l'économie tunisienne de faire face au déficit courant qui a atteint des valeurs record ces dernières années. Aujourd'hui, avec l'accroissement des coûts de transport et le durcissement des normes, l'opération d'exportation se complique davantage. Les mesures prévues ne se sont pas limitées à la prise en charge de certains coûts liés aux assurances, mais ont encore ciblé la notoriété du produit tunisien, la forte réactivité des structures d'appui et l'instauration de l'efficacité des différents acteurs intervenant à l'opération d'exportation.
Comment évaluez-vous la situation économique et financière en ce début 2022 ?
Aujourd'hui, personne ne peut ignorer la dégradation de la situation économique et sociale non seulement depuis le début de 2022, mais aussi durant les 10 dernières années. Des facteurs aggravants, tels que les attaques terroristes, les assassinats de figures politiques, la pandémie Covid-19 et tout récemment la guerre en Ukraine, ont mis à l'épreuve les capacités de résilience de l'économie tunisienne pour constater qu'elles se sont nettement affaiblies et annoncent à voir des jours encore plus difficiles. Alors que le PIB s'est contracté de 9,2% en 2020, l'année 2021 n'a enregistré qu'une piètre croissance de 3.3%. La situation des finances publiques est très préoccupante. A lui seul, le montant des échéances de remboursement de la dette (principal et intérêt) avoisine 15.000 MD en 2022, 18.700 MD en 2023 et 23.000 MD en 2024. Les crédits commerciaux à court terme des offices de l'Etat et des entreprises publiques, cumulés depuis 2018, dépassent les 8700 MD.
De surcroît, les résultats n'ont pas tardé à être ressentis par toute la population; en effet, la pénurie des produits de base et l'envolée des prix de certains produits alimentaires sont des manifestations directes d'une crise profonde et aiguë. Les indicateurs ne font que confirmer cette situation : un taux d'inflation de 7.2% durant le mois de mars par glissement annuel ; un taux de chômage dépassant 18% ; une pauvreté et une vulnérabilité aggravées ; un déficit courant de -8% en 2021 et un déficit budgétaire -6.7% prévu pour l'année 2022.
Quel sera le scénario macroéconomique le plus plausible à retenir ?
Une scénarisation de la situation macroéconomique durant l'année en cours ne pourrait s'établir que sur la base des hypothèses portant sur des facteurs externes et internes.
Sur le plan externe, il y a la durée de la guerre russo-ukrainienne, la situation dans les pays voisins et notamment la Libye, l'évolution du cours de pétrole et des produits de base et l'impact de la pandémie Covid-19 qui n'est pas encore derrière nous.
Quant aux facteurs internes, il y a principalement la stabilité politique, la dynamique des secteurs de production, la maîtrise de l'inflation, la production de la richesse et la création d'emplois.
Dans tous les cas, la situation des finances publiques va souffrir de plus en plus. Il ne sera pas évident de lever les fonds nécessaires à l'équilibrage du budget de l'Etat et surtout à honorer les engagements en termes de la dette extérieure. La Tunisie sera confrontée à des tests clés de sa capacité à assurer le service de sa dette pendant le reste de cette année et les années prochaines. Aujourd'hui, les 1.700 MD de masse salariale mensuelle pèsent très lourd et des retards de versement ont été constatés durant les mois de janvier et de mars.
Les dégradations dans les notes souveraines compromettent toute possibilité de sortie sur les marchés financiers internationaux et la convention avec le FMI ne semble pas s'établir facilement et rapidement. En gros, les options dont disposent les décideurs pour enrayer la crise de la dette s'amenuisent et la reprise économique après la pandémie a été lente contrairement aux pays partenaires et de comparaison.
La mission du FMI, y a-t-il de réels espoirs pour un éventuel nouveau programme de prêt qui pourrait être accordé à la Tunisie ?
Le 14 octobre 2021, l'agence Moody's a dégradé la note souveraine du pays de B3 à Caa1 en maintenant la perspective négative. L'agence Fitch a, quant à elle, dégradé la note de B- à CCC, le 18 mars 2022. Moody's argumente cette dégradation par un « affaiblissement de la gouvernance » et des risques de retard prolongés des réformes et du financement qui en dépendent. Pendant que Fitch résume la situation par des « signes grandissants d'un défaut de paiement », en conséquence l'accès de la Tunisie aux marchés financiers internationaux est pratiquement fermé. Le gouvernement, compte tenu de ces contraintes accablantes, a demandé de négocier depuis la fin de l'année 2021 un nouveau programme avec le FMI et a préparé dans ce sens une note de politique visant la restructuration de l'économie et le rétablissement progressif des équilibres macroéconomiques et du rythme de la croissance.
C'est justement lors de sa dernière visite en Tunisie que l'équipe du FMI a eu une déclaration sur la Tunisie le 30 mars 2022 stipulant que «la Tunisie fait face à des défis structurels majeurs qui se manifestent à travers des déséquilibres macroéconomiques profonds, une croissance très faible malgré son fort potentiel, un taux de chômage trop élevé, un investissement trop faible, et des inégalités sociales. A ces défis structurels s'ajoutent aujourd'hui l'impact de la crise sanitaire et celui de la guerre en Ukraine »
Concrètement, pour aboutir à un accord avec le FMI, le gouvernement tunisien doit apporter des réponses claires et offrir un plan d'action montrant comment réduire le déficit budgétaire à travers une fiscalité équitable, ramener la masse salariale à 14% du PIB au lieu de 18% actuellement, mettre en œuvre un nouveau système de ciblage des subventions alimentaires et énergétiques pour économiser quelque 40% des dépenses de subvention, c'est-à-dire 2.900 MD,réformer profondément les entreprises publiques et les transformer en source d'efficacité de l'action publique au lieu d'être un lourd fardeau nécessitant des allocations de budget et des garanties d'accès aux crédits ainsi que renforcer la concurrence et améliorer le climat des affaires afin de libérer le potentiel de croissance du pays et la création d'emplois.
Les positions officielles du FMI vis-à-vis à la Tunisie laissent entendre qu'il apportera son soutien à la Tunisie pour faire face aux conséquences désastreuses de la pandémie Covid-19 et à un environnement international particulièrement difficile. En revanche, les conditions du FMI ne font que s'accentuer avec l'aggravation de la crise et l'affaiblissement de l'Etat à la suite des instabilités politiques et du manque de visibilité.
Dans tous les cas, un programme avec le FMI est inévitable bien que le volume de financement ne doive couvrir que partiellement les besoins en financements externes qui sont estimés à 12.652 MD selon la loi de finances 2022 et pourraient atteindre 15.000 MD, compte tenu de la hausse du cours du pétrole et des produits de base. Mais l'évolution des événements politiques dans le pays et l'absence d'un dialogue réunissant tous les acteurs pour réussir une appropriation d'un plan de réforme n'offrent pas des signaux rassurants au FMI et semblent retarder l'accord du programme sans pour autant retarder les engagements du pays.
Quel impact aura la guerre russo-ukrainienne sur l'économie nationale ?
Depuis le 24 février avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, les dépenses d'intervention de l'Etat, notamment en ce qui concerne la subvention énergétique et des produits céréaliers de base, se sont alourdies. La loi de finances 2022 a prévu 3.771 MD de subventions des produits de base, mais pour une tonne de blé à 220 euros. Quant aux subventions des produits énergétiques, elles se sont élevées à 5.137 MD pour un cours de baril de 75$. De toute évidence, une révision s'impose. En effet, rien que pour ces deux postes, le prix des céréales a augmenté de 37% par rapport au début de 2022 et le baril à 105 $ qui se voit renchéri de 40%. L'impact estimé pour le premier trimestre serait de l'ordre de 1.500 MD ce qui correspond à un surcroît de 2.6% des dépenses totales de l'Etat. Le problème, c'est que la guerre en Ukraine ne semble pas voir sa fin dans les semaines ou les mois qui viennent. Les forces autorégulatrices sur les marchés internationaux n'apparaissent pas capables de rétablir la situation d'avant-guerre, compte tenu de l'ampleur des échanges russes et ukrainiens dans les domaines de l'énergie et des céréales et des sanctions infligées sur le régime russe par les Etats-Unis et l'Europe.
Il faut, toutefois, savoir qu'une longue durée de la guerre déclenche des ajustements structurels dans les chaînes de valeurs et dans la répartition territoriale de la production mondiale. Aujourd'hui, la pandémie Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne ont déclenché un raccourcissement dans les chaînes de valeur mondiales. La Tunisie, vu sa position géographique, ses volumes des échanges et ses rapports de complémentarité avec l'Europe, pourra se positionner dans de nouveaux maillons de la production à forte valeur ajoutée. La Tunisie était toujours bien disciplinée à l'égard de ses partenaires et n'a jamais failli à ses engagements. Elle dispose ainsi d'un capital confiance assez élevé, ce qui lui donne un avantage comparatif assez notable pour une meilleure attractivité des IDE.
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