Par Hmida BEN ROMDHANE Demain, mercredi 20 avril, le président Obama sera à Riyad à un moment où les relations américano-saoudiennes se détériorent lentement, mais sûrement. L'Amérique considère le Royaume wahhabite comme une charge de plus en plus dure à supporter, et celui-ci considère celle-là comme un allié de moins en moins digne de confiance. Les nuages qui s'accumulent à l'horizon des relations américano-saoudiennes sont si denses et les problèmes si nombreux que le président américain aura du mal à établir une échelle de priorités des questions à discuter en premier lieu. La durée de la visite est courte et la liste des problèmes est longue. Sans être dans le secret des dieux, on peut dire que deux sujets d'une importance vitale ne manqueront pas d'occuper une part importante des discussions que mèneront les responsables saoudiens avec la délégation présidentielle américaine : l'accord américano-iranien et les intenses pressions dont fait l'objet l'exécutif américain pour «tenir l'Arabie Saoudite responsable devant la justice américaine des attaques terroristes du 11 septembre 2001. » Concernant le rétablissement des relations avec l'Iran, le président américain ne trouvera pas de difficultés particulières pour expliquer sa décision d'ouverture envers la République islamique après un tiers de siècle de rupture. Que les Saoudiens soient convaincus des explications ou pas, ce sera pour Obama du pareil au même, sachant que les protestations et les lamentations du royaume face au rapprochement avec l'Iran n'ont pas changé et ne changeront pas d'un iota la politique de Washington. Il n'en est pas de même du second sujet qui s'avère très embarrassant à la fois pour l'exécutif américain et pour l'Etat saoudien. Depuis le déclenchement de la campagne qui vise à tenir l'Arabie Saoudite responsable des attaques du 11-Septembre, celle-ci ne cesse de multiplier les menaces et, de son côté, l'exécutif américain ne cesse d'exercer des pressions sur les sénateurs et les représentants qui se trouvent derrière la campagne pour laisser tomber leur exigence. Mais s'il est normal que le Royaume wahhabite soit si inquiet d'une telle campagne au point de menacer de retirer tous ses avoirs aux Etats-Unis qui s'élèvent à la somme astronomique de 750 milliards de dollars, pourquoi Obama et ses collaborateurs sont-ils si embarrassés ? Les responsables de l'exécutif américain peuvent ressentir une certaine inquiétude face aux possibles conséquences économiques et financières qu'entraînerait la décision saoudienne de retirer une si grande masse d'argent. Mais ce n'est pas cela qui les inquiète le plus, sachant que l'économie américaine est si puissante qu'elle absorberait facilement le choc si jamais il se produisait. Ce qui pousse Obama à s'opposer à cette campagne au point de paraître comme « le défenseur des Saoudiens contre les familles américaines des victimes du 11-Septembre », c'est sa peur des représailles qui ne manqueraient pas d'être décidées à l'étranger contre les citoyens et les soldats américains. L'immunité dont bénéficient ceux-ci dans le monde a pour base une loi américaine de 1976 qui garantit aux Etats étrangers une certaine protection contre des poursuites devant la justice fédérale. Et c'est précisément cette loi que les initiateurs de la campagne anti-saoudienne veulent amender afin de rendre juridiquement possible une poursuite de l'Arabie Saoudite devant les tribunaux américains par les familles des victimes, avec des conséquences qui pourraient être désastreuses pour le royaume, en termes politiques et financiers. L'argument de la Maison-Blanche est qu'un amendement de la loi de 1976 engendrerait automatiquement des représailles à l'étranger. Il pourrait provoquer l'annulation par plusieurs pays de l'immunité dont bénéficient les Américains, militaires et civils, en mission un peu partout dans le monde. A cet argument, les membres du Congrès qui mènent la campagne anti-saoudienne répondent par un contre-argument. Pour eux, le projet d'amendement proposé est très limitatif : il consiste à annuler le bénéfice de l'immunité pour les pays qui sponsorisent ou aident à commettre des attentats terroristes dans le territoire des Etats-Unis. Le contre-argument est sérieux et met en difficulté la Maison-Blanche. Le président aux Etats-Unis est responsable de la sécurité du territoire et de celle des citoyens. Et à ce titre, on ne voit vraiment pas comment il pourrait justifier le refus d'un projet d'amendement qui ne concernerait que les Etats qui se rendraient coupables d'actes terroristes contre des citoyens américains sur le sol de leur patrie. Le problème de l'Arabie Saoudite est qu'elle est soupçonnée depuis 2002 par diverses personnalités et institutions américaines d'avoir une main dans les attentats terroristes de 2001. Ces soupçons ne proviennent pas seulement du fait que 15 des 19 auteurs des attentats sont saoudiens, ni que tous les auteurs sont des adeptes fanatiques du wahhabisme takfiriste que le royaume promeut depuis des décennies à coups de milliards de dollars dans les quatre coins du monde. Ceux qui veulent traîner le royaume en justice s'accrochent avec vigueur aux conclusions de l'enquête menée par le Congrès en 2002. Selon ces conclusions, « des responsables saoudiens vivant aux Etats-Unis au moment des attaques du 11-Septembre sont impliqués dans le complot ». Cerise sur le gâteau si l'on peut dire, les conclusions compromettantes pour l'Arabie Saoudite sont contenues dans 28 pages qui, sur les centaines de pages qui forment l'enquête, sont les seules, quatorze ans après, à ne pas être rendues publiques. Et c'est le pouvoir exécutif qui refuse jusqu'à ce jour de les rendre publiques « pour des raisons de sécurité nationale ». L'Arabie Saoudite pense pouvoir disposer d'assez de moyens de pression (750.000 millions de dollars d'investissements aux Etats-Unis) pour perpétuer son immunité devant la justice américaine. Mais des économistes américains, dont Edwin Truman du Peterson Institute for International Economics pensent que les « menaces saoudiennes de retirer tout l'argent du royaume sont du bluff, car les Saoudiens ne peuvent pas nous faire du mal sans se faire du mal à eux-mêmes avant. » Un bras de fer américano-saoudien dans lequel l'administration Obama se trouve dans une position très inconfortable.