De notre envoyée spéciale à Cannes, Samira DAMI La projection-presse des courts métrages en compétition officielle s'est déroulée, hier, à la salle Buñuel. Dix films en tout sur les 5.008 reçus par le comité de sélection sont, ainsi, en lice pour la Palme d'Or. Parmi le lot des heureux élus figure un opus représentant le cinéma tunisien : «La laine sur le dos» (Alouch) réalisé par Lotfi Achour, d'après un scénario de Natache De Pontchara. Ce court métrage de 15 minutes s'ouvre, avec un plan panoramique, sur la magnifique immensité du désert. Sur la route qui serpente roule un camion vétuste, conduit par un vieil homme (Moncef Sayem) accompagné de son petit-fils (Mohamed Baha Karrouchi). Le camion transporte des moutons que le grand-père compte vendre au Souk. L'espace est ouvert et libérant et la vie semble belle. Mais, il y a toujours un mais dans le cinéma comme dans la vie d'ailleurs, deux gendarmes (Jawhar Basti et Monêem Akkari), portant des uniformes trop propres vu l'endroit, leur font signe de s'arrêter. Quoique tous les papiers du conducteur soient en règle, commence un manège dont on devine la fin. Soit un deal pas très catholique, plutôt indigne. En fait, il s'avère que la vie n'est pas du tout belle. Dans ce 3e court métrage après «Ordure» (2006) et «Père» (2013), qui met en scène un fait divers ayant défrayé la chronique, à Tunis, dans les années 2000, Lotfi Achour poursuit dans la même voie en transposant à l'écran un fait authentique qui a bel et bien eu lieu sous nos cieux. Cela dans le pur souci et la ferme intention de dénoncer la corruption qui gangrène le pays. Et son discours à ce propos est clair et pleinement justifié. Sauf que le film amorcé puissamment en utilisant l'image et le langage cinématographique quitte, inopportunément, les sentiers originaux et expressifs du cinéma pour glisser progressivement vers un style démonstratif et verser dans le bavardage à travers des dialogues redondants sur la condition des gendarmes, leur maigre salaire, les services qu'ils rendent aux citoyens et à la nation et patati et patata. Et c'est d'autant plus dérangeant et emphatique que Jawhar Basti, dont le rôle est d'embobiner le grand-père, pour arriver à ses fins, tombe dans le sur-jeu. Mais, encore heureux que vers la fin le cinéma reprend, quelque peu, ses droits : l'horizon ouvert qui marque le début du film se ferme et l'espace se rétrécit pour enserrer le vieil homme et l'enfant dans l'étau du camion. Le grand-père reprendra la route, après avoir perdu quelques plumes, au rythme d'une chanson de Mezoued dont les paroles semblent se lamenter sur le sort des Tunisiens excédés par de tels comportements et situations dramatiques. Et on le voit bien sur le visage mortifié de Moncef Sayem ayant sorti un jeu convaincant et juste. Le film se clôt sur les gendarmes qui se mettront à nouveau au milieu de la route afin de chasser et de déplumer d'autres pigeons... «La laine sur le dos» soulève un sujet important, voire capital, qui reflète la réalité du pays, mais le traitement anecdotique et démonstratif réduit la force du propos et empêche le cinéma d'imprégner l'ensemble du film. D'autant que le court métrage est un exercice de style qui se prête facilement à la créativité cinématographique. Du reste des autres courts métrages en compétition, issus notamment d'Europe, d'Amérique centrale et du Sud ainsi que d'Asie, certains émergent du lot dont notamment «Time code» de l'Espagnol Juanjo Gimenez, où deux surveillants d'un parking privé, un homme et une femme, expriment leur passion pour la danse en transformant les étages du parking en scène de danse, «Le silence» de Farnoosh Samadi et Ali Asgari, une production italienne sur la difficulté de communication qui se pose pour les réfugiés en Italie.