Par Kamel Ghattas L'Office de recrutement des jeunes espoirs en sports de combat a réuni les fédérations concernées pour écouter leurs doléances et prendre les dispositions qui s'imposent à l'effet de procéder à la relance de ces disciplines, jadis fort florissantes, mais qui connaissent une inquiétante perte de moyens. Les jeunes valeurs capables de reprendre le flambeau des grands champions d'antan, tentées par des carrières plus lucratives, optent de plus en plus fréquemment pour des disciplines plus payantes au sens propre comme au sens figuré. Entre un sport qui vous offre la possibilité de rouler sur l'or en apposant une simple signature, même si vous ne jouez qu'un ou deux matchs par saison, et qui vous donne la faveur de loger dans des cinq étoiles et de passer pour un héros national avec des milliers de fans et des dirigeants qui vous encouragent, en mettant la main à la pâte et une discipline qui vous fait regretter d'être né, avec ses misères et des privations, il n'y a pas photo ! Les avis étant convergeants, il a été décidé de procéder à la mise en place d'une commission spéciale pour recruter des jeunes en les prenant au berceau. Ils seront soigneusement encadrés. On leur apprendra, par exemple, car le programme est aussi riche que bien fourni, à agresser un arbitre tout en faisant passer leur geste pour des caresses d'affection, un coup de pied pour une vrille de danse classique, un direct ou un uppercut pour une manifestation de joie communicative à même de mettre le feu dans les tribunes et allumer la passion dévastatrice chez le fidèle public, etc. etc. La Commission de relance pourra compter sur les documents filmés qui passent d'ailleurs en boucle un peu partout, mettant en évidence la rage créatrice de nos jeunes talents, et que les enfants s'attachent à refaire tout comme les gestes classiques qui font partie intégrante des « classico » de la saison, devant leurs parents horrifiés par la précocité de leurs rejetons, dans la rue ou à l'école pour imiter leurs idoles. Si la situation demeure telle qu'elle est, toutes ces innovations pédagogiques figureront dans le livre blanc de l'éducation. Les cours théoriques seront dispensés par les jeunes dirigeants du cru qui ne manquent pas et qui ont démontré qu'il suffisait d'être une «grande gueule» pour braver tous les dangers qu'agitent impuissants des règlements qui ne servent plus à rien. Pour la partie pratique, on fera appel à tous les vieux chevaux de retour et aux incorrigibles qui ont su manifester leur attachement aux commissions de discipline, lesquelles ont fini d'ailleurs, par leur réserver des sièges strictement à leurs noms, en hommage à leurs visites fréquentes et leur profonde fidélité à la charte des gladiateurs. Une fois les modalités du casting mises en place, la Commission de recrutement a entamé son travail, donnant de grands espoirs à toutes ces disciplines déshéritées qui avaient bel et bien besoin de ce coup de main pour survivre. Il leur fallait des combattants habiles sans peur et avec beaucoup de reproches pour donner l'exemple et intimider leurs futurs adversaires. Les candidats étaient nombreux, mais il y avait des perles rares. Tel celui qui a présenté en toute assurance un CV qui compte une bonne dizaine de tibias brisés ou sérieusement amochés. Il fut recruté sans hésitation. Son vécu était impressionnant. Un autre a présenté des arguments aussi convaincants avec une suspension toutes les trois semaines, quelques esclandres dans les vestiaires et une pile de cartes de fidélité délivrées par des établissements de renom prouvant que c'est un couche-tard pur jus. Il sait faire le coup de poing sur un terrain et encourager le public à franchir les mains courantes. Le jury n'a pas manqué d'applaudir. L'Office a bien fait de prendre cette louable initiative ! Un autre encore a soutenu que même s'il n'est plus un élément opérationnel, il était venu pour arrondir sa fin de carrière. Il a eu jusque-là le mérite de savoir entretenir l'espoir auprès de ses employeurs en faisant miroiter durant des mois son retour. Il postule pour un poste de dirigeant. La Commission leva la séance se promettant de reprendre ses travaux une fois que la Commission de discipline chargée d'examiner les cas les plus récents aura rendu son verdict. K.G.