La saison prochaine, le Club Africain ne disputera aucune compétition continentale. Comment une équipe taillée pour l'Afrique a-t-elle pu tomber aussi bas ? Du président au supporter lambda, ils étaient tous partis avec de belles ambitions. On parlait de la Ligue des Champions, d'une équipe à battre placée sur un piédestal et d'un onze dorénavant invincible. A l'inverse, même le plus pessimiste de tous les fans n'aurait pas prédit une fin si tragique. Pas de juste milieu. La vérité du terrain est la plus cruelle. Le CA achève l'exercice, loin, très loin de ses concurrents traditionnels, à des années-lumière du champion étoilé. Un nom ronflant, un passé glorieux. Et pourtant, le club de Bab Jedid doit forcément se résigner à la triste réalité, celle qui brise les rêves. La visibilité continentale, la vitrine africaine, ce ne sera pas pour l'année prochaine. Pas de déplacements chez les mastodontes africains. Non, désormais, le week-end, cela se passera uniquement en mère patrie. C'est bel et bien la preuve qu'être étiqueté «grand club» ne confère pas l'immunité. D'ailleurs, quand on voit ce qui a été accompli par l'ES Métlaoui dans le sillage de l'épopée de Zarzis la saison passée, on ne peut s'empêcher d'affirmer que hiérarchie ne rime plus avec vitrine de trophées. Surprenant n'est-ce pas ? Les champions sont déchus. Les hiérarchies n'existent plus. Le Stade Tunisien a chuté et le CA a trébuché. Un nouvel ordre s'est installé. Il ne suffit plus de débarquer avec de beaux noms et de beaux discours pour assurer son avenir. Il faut désormais autre chose, et la saison qui vient de s'achever n'en est que la vigoureuse confirmation. Analyse en trois points. Retour vers le futur L'an passé, les Clubistes ont réussi un parcours splendide. Malgré un retard à l'allumage et quelques chocs mal négociés, l'équipe réussit tout de même à se maintenir en haut de l'affiche et à forcer son destin vers la fin. L'intersaison aura par la suite été fatale pour un club qui a enchaîné les déconvenues et les sorties de route. Puis, vint le mercato, cette fenêtre des transferts qui prend tantôt des allures de grande braderie et de temps à autre, une tournure théâtrale, spectaculaire ou le bling-bling sur fond de strass et paillettes sonne déjà comme le début de la fin d'un onze dénaturé, bousculé et bouleversé. Le changement dans la continuité ? On ne connaît pas cela au CA. A chaque intersaison, on fait table rase et on repart de zéro. Sauf qu'au final, on reste à zéro! Bref, en l'absence d'un président délégué, le CA avance avec un bandeau sur les yeux ! Car en l'absence de vision et de connaissance en la matière, certains nouveaux arrivants sont loin d'être à la hauteur de leurs prédécesseurs. A titre d'exemple, on enrôle Nouioui et on lâche le tandem Djabou-Zouheir Dhaouadi, sans oublier la flopée de joueurs cédés à titre de prêt ou remerciés. L'effectif devient déséquilibré et des goulots d'étranglement apparaissent forcément. Tels des «produits» à faible valeur ajoutée qui limitent la performance de l'ensemble, c'est toute la chaîne qui se trouve ralentie. Désormais, il n'y a plus aucune cohésion dans l'équipe, aucune unité dans la souffrance : la chute est inéluctable, violente et personne ne réagit ! Cependant, la fuite en avant se poursuit avec la mise en avant de la théorie du complot, la thèse des deux poids deux mesures et autre rafistolage au sein même de l'exécutif (que de responsables débarqués en pleine saison !). On aurait espéré un son de cloche radicalement différent du côté de la direction. Mais ce ne fut pas le cas. Aujourd'hui, au terme d'une saison truffée d'erreurs sociétaires, le CA est rentré dans les rangs. Comme si chaque saison d'après-sacre était suivie d'une décennie de déchéance. Tiens, cela ne vous projette pas dans le passé ? Dans une livraison précédente, nous avons repris la thèse d'un sage clubiste qui connaît son sujet sur le bout des doigts. Force est de constater qu'il a vu juste : «L'histoire du CA nous a pourtant enseigné que le club n'a jamais su capitaliser et rentabiliser ses succès sportifs, chaque grand titre donnant lieu à une crise la saison suivante. C'est ce que l'on appelle les vieux démons culturels du CA. Au lieu de plancher sur ce mal typiquement clubiste, d'examiner les facteurs de blocage sous toutes les coutures pour rompre définitivement avec ce funeste héritage culturel, on continue de souffler sur le feu de la crise qui suit le sacre, de se laisser emporter par les courants contraires et de ramer à contre-sens. L'échec de l'équipe de foot n'est ni accidentel ni fortuit, nombre de causes d'ordre managérial, administratif, médical, disciplinaire, contractuel, technique, physique, sportif et même personnel expliquent ce grave et non moins terrible revers. En un mot, tous les ingrédients pour un fiasco sur toute la ligne. On dirait que tout s'est ligué à divers niveaux pour plomber le CA et le plonger dans les méandres de l'insuccès». Maintenant que la messe est dite, il faut apprendre de ses erreurs et reconstruire sans jamais tout démolir. Un chamboulement total trop brusque, peu réfléchi, en rien stratégique, risque de perturber le fragile équilibre actuel. Le cas échéant, il serait impossible, dans un tel cas de figure, de créer une équipe homogène. Serpent de mer Enfin, pour survoler le volet disciplinaire, il serait temps de faire preuve d'autorité. Car, en la matière, le CA a battu tous les records cette saison. Combien de cas d'indiscipline ? Toujours gérés à la tête du client et sans aucune vision ni modèle référentiel. Le conseil de discipline n'est qu'une chambre noire de règlement de compte. D'ailleurs, personne ne connaît sa composition ni son mandat encore moins son système de décision ! Toujours volet responsables du CA, l'on n'a de cesse de nous rabattre les oreilles avec cette fameuse et non moins ambiguë «Evaluation», un vrai serpent de mer dont tout le monde a parlé mais personne n'en a vu la couleur, ne serait-ce un petit bout de papier, un brin d'évaluation, un soupçon de bilan ou un zeste d'état des lieux. Rien que des écrans de fumée ! Idem sur le plan contractuel avec des joueurs payés au lance-pierre alors que beaucoup veulent quitter le navire pour éviter de se noyer. Pourtant, apprendre à jouer avec le couteau sous la gorge, c'est un métier. Sauf que quand on a affaire à un bataillon de mercenaires, il faut des dirigeants à poigne et une certaine politique de proximité pour mettre fin à l'incohérence interne du CA.