«Mon geste épique face au Mexique a été pour moi quelque peu terni par ma bévue lors de la seconde rencontre face à la Pologne suite au but de Lato». Au même titre que les grands axiaux de sa génération, il fut l'un des meilleurs défenseurs de la place. Symbole d'une équipe de Tunisie renversante lors du Mondial argentin de 1978, Ali Kaâbi se démarque par son audace, balle au pied, son penchant pour les déboulés vers l'avant et une autorité défensive qui en ont fait un arrière central intraitable dans son périmètre. Artificier et canonnier quand l'équipe a besoin de lui, l'ex-Cotiste a réalisé un Mondial de qualité dont il parle encore aujourd'hui avec un brin de nostalgie: «Le souvenir est encore vivace et les traces sont indélébiles. Quand je me remémores l'épopée de 78, un événement qui a marqué toute ma génération, j'ai tendance à plonger de nouveau dans une impressionnante vague de nostalgie. Je me remémore la dernière lumière d'un choc face au mastodonte allemand de l'Ouest. Nullement impressionnés, nous avons tout tenté, décomplexés et ambitieux face à l'un des ténors du Mondial. Nous étions obnubilés par la victoire, et en fin de compte, c'est la RFA qui a arraché le nul. Face au Mexique, nous n'avons pas tergiversé ni frissonné. C'est comme si nous étions mandatés par toute une nation pour faire le job. Pour ma part, et au-delà de mon but face au Mexique lors de cette onzième édition de la reine des compétitions mondiales, je rappelle que j'ai énormément progressé au contact de valeureux joueurs. J'ai pourtant fait partie de la sélection dès l'année 1976. Mais le mondial fut un couronnement, un achèvement et un tournant dans l'histoire et le cursus footballistique de nous autres internationaux. Il y a certes eu un moment fort à titre personnel. Mais si mon but face au Mexique restera dans mes annales privées, je ne pouvais imaginer une telle ferveur à mon retour en mère patrie. Nous étions bénis, accueillis en héros et en sauveurs d'une certaine dignité sportive, tout comme un certain Gammoudi ou autre Oussama Mellouli, ces derniers ayant hissé haut et fort l'étendard national». Pincement au cœur Et à l'ex-Mondialiste d'enchaîner sur le fameux match face à l'ogre polonais: «Un petit pincement au cœur toutefois à chaque fois que je fais allusion au fameux but de l'immense Grzegorz Lato lors du Mondial argentin. Face à ce genre de compétiteur, une inadvertance, une distraction ou une inattention ponctuelle est payée cash. Nous savions que c'était un élément clé dans le dispositif de jeu adverse. J'ai été chargé de le museler ou du moins de le suivre comme son ombre en intervenant quand il approche de la zone de vérité. Malheureusement, il m'a eu à l'usure. Il sait se faire oublier tel un renard à l'affût. Je suis resté inconsolable depuis et même jusqu'à aujourd'hui. Pour nous autres membres de la sélection, l'appétit venait forcément en mangeant. La confiance engrangée, les ambitions renouvelées, la palier atteint, ça s'acquiert en se mesurant aux meilleurs. Outre le talent, le football est une question de détermination, de grandeur d'âme de groupe et de cohésion globale. Nous avions tout pour aller le plus loin possible. La victoire était en nous. Mais c'est aussi cela le sport-roi. Il suffit d'un coup du sort, d'un passage à vide ponctuel ou d'un peu de malchance pour passer de l'euphorie au retour sur terre. Regardez le Club Olympique des Transports. Il jouait pour le doublé en 1988 avant de se voir reléguer par la suite. J'en garde un amer souvenir. Cette institution cotiste a révélé tant de joueurs. En 1987-1988, le COT comptait en son sein les Zitouni, Yahmadi, Mohiedine Habita, Msakni, Khedher et Henchiri. Un noyau de champions dont rêvaient les plus grands clubs tunisiens et même au-delà. Un club qui a enfanté Abdesslam Chaâtani, Amor Dhib mérite mieux. C'est dommage pour un club formateur et un vivier de talents comme il en existe peu en Tunisie. J'espère qu'il renaîtra un jour de ses cendres et qu'il retrouvera sa vraie place sur la scène car tel est son destin». La pige saoudienne D'un gabarit plutôt intéressant pour l'époque (les années fastes), Ali Kaâbi, l'arrière généreux qui prête souvent main forte aux attaquants, doit forcément sa notoriété à ce but inoubliable face au Mexique à Rosario en Argentine: «Nous étions menés 0-1 à la mi-temps. Je monte sur le front de l'attaque, et, sur un centre de Hamadi Agrebi je marque d'une frappe depuis l'entrée de la surface le but égalisateur. C'était magique pour moi et j'ai réalisé avec du retard que ce succès historique (3-1) est entré dans les annales comme la première victoire d'une nation africaine et d'une nation arabe dans l'histoire du Mondial. Quitte à me répéter, j'insiste sur le fait que ce geste épique a été pour moi quelque peu terni par ma bévue lors de la seconde rencontre contre la Pologne. L'élimination précoce de la Tunisie m'est restée en travers de la gorge. Enfin, je garde aussi un bon souvenir de ma «pige» en Arabie Saoudite. Cela m'a permis d'améliorer ma situation, de tourner une page. Je me rappelle que, pour nous autres joueurs, ramasser un petit pécule n'était pas évident dans le monde du football amateur. Il fallait forcément s'accrocher à toute opportunité qui se présente. Mais bon, c'est le destin. A ma connaissance, j'ai eu une offre des Allemands de Monchengladbach lors de la période où Ameur Hizem veillait sur nos destinées. Cela aurait pu constituer un tournant dans ma carrière, mais ça ne s'est pas concrétisé. Finalement, et j'insiste la-dessus, du monde du football, je garde un souvenir impérissable des recommandations et de l'enseignement de Rachid Turki. Les bases du football d'attaque même pour un défenseur, c'est lui. Savoir se déplacer, couper les trajectoires, rester à l'affût, surprendre. Rachid Turki est pour moi le précurseur d'un principe qui propose un jeu offensif basé sur le mouvement et la permutation».