Au dernier jour de la réception des dossiers des victimes de la torture et de la dictature, le siège de l'IVD à Montplaisir a été pris d'assaut par les retardataires venus livrer à Sihem Ben Sedrine et à ses lieutenants les documents qui prouvent qu'ils ont subi des violations diverses sous Bourguiba, Ben Ali et la Troïka Course contre la montre pour être à l'heure auprès de l'Instance vérité et dignité à Montplaisir et y déposer son dossier de victime de la répression durant les époques Lamine Bey (1er juillet 1955 - 25 juillet 1957), Bourguiba, Ben Ali, Foued Mbazaâ, la Troïka I (jusqu'au 31 décembre 2013), avant que Sihem Ben Sedrine, la présidente de l'Instance, ne décide l'application de la loi et arrête de réceptionner les dossiers le mercredi 15 juin à minuit pile. Et l'Instance de vivre, en ce jour du mercredi 15 juin 2016, une journée particulièrement marquée par une affluence remarquable de ceux qui ont accouru de toutes les régions du pays (pourtant des bureaux ont été ouverts dans plusieurs régions de l'intérieur et des bus itinérants ont sillonné les coins les plus reculés pour réceptionner les dossiers ou les plaintes directement auprès de ceux qui n'ont pas les moyens de se déplacer au siège de l'IVD à Montplaisir) pour être à l'heure et soumettre les documents sur la base desquels ils seront dédommagés pour préjudices subis durant la période allant du 1er juillet 1955 au 31 décembre 2013 au cas où les enquêteurs de l'IVD parviendraient à prouver que leurs accusations sont avérées. Et ceux qui ont pris d'assaut les locaux de l'Instance n'étaient pas uniquement les gauchistes ou les islamistes qui ont trouvé toutes les difficultés du monde pour constituer leurs dossiers. Beaucoup de victimes n'ont pas réussi à arracher aux tribunaux une copie des jugements dont ils ont été les victimes durant les procès des années 70, 80 et 90 du siècle précédent, les archivistes des tribunaux prétextant que les archives ont été brûlées lors des premiers jours de la révolution dans les incendies qui ont ravagé plusieurs tribunaux. En effet, on a enregistré qu'aux côtés de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) et du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) s'estimant les victimes de la persécution à l'époque du président Ben Ali, plusieurs visages novembristes ont déposé leurs dossiers auprès de l'Instance demandant à bénéficier du mécanisme d'arbitrage et de réconciliation comme l'a déjà fait Slim Chiboub, gendre du président Ben Ali, qui a conclu un accord avec l'Instance et s'est engagé à rendre à l'Etat son argent au cas où il s'avérerait qu'il a détourné de l'argent public. On apprend, en effet, que Mehdi M'lika, ancien ministre de l'Environnement, a déposé mercredi 15 juin un dossier auprès de l'Instance. D'autres informations non confirmées auprès de l'Instance parlent de Belhassen Trabelsi et Sakher El Materi qui auraient suivi l'exemple de Slim Chiboub et auraient recouru, eux aussi, à l'Instance. Quant à Imed Trabelsi, son avocat a laissé entendre à plusieurs reprises que son client est disposé à recourir à l'Instance mais jusqu'ici rien n'indique qu'il a sauté le pas pour soumettre son dossier à l'IVD. Reste le président Ben Ali lui-même : la dernière sortie médiatique de son avocat, Me Mounir Ben Salha, montre que l'ancien président n'a jamais envisagé de recouri à l'IVD, «tout simplement parce qu'il considère que l'Instance est une structure politique et qu'elle n'offre pas les conditions de neutralité qu'exigent de telles institutions». Sidi Bouzid réclame son droit au développement Et ce ne sont pas uniquement les personnes physiques ou morales qui ont le droit d'ester en justice auprès de l'IVD. Les régions se considérant privées de leur droit au développement ont également le droit de solliciter les services de l'Instance afin que justice leur soit rendue. Prenant exemple sur Kasserine, la région de Sidi Bouzid a soumis, mercredi dernier, son dossier à l'Instance, à travers la section régionale de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme. Bouderbala N'ciri, président de la section, souligne : «Sidi Bouzid, berceau de la révolution, a été victime d'une marginalisation orchestrée qui se poursuit jusqu'à nos jours. Il est temps que la région soit réhabilitée et dédommagée». Côté chiffres des dossiers, on assiste quotidiennement à une véritable guerre entre les différents responsables de l'Instance, chacun fournissant un chiffre tout en soulignant qu'il n'est pas définitif. Hier, on a appris, selon les dernières données rendues publiques par l'Instance, que le nombre des dossiers a atteint au total 58.000 parmi lesquels 685 déposés par le chargé général du Contentieux de l'Etat désirant bénéficier du mécanisme «Arbitrage et réconciliation» dans des affaires de corruption financière et blanchiment d'argent. Il est à signaler que l'Instance donne, aujourd'hui, à son siège une conférence de presse. Elle y dévoilera son rapport annuel pour le compte de 2015 et fera le bilan de sa campagne de sensibilisation incitant les victimes des violations à porter plainte. Les personnalités, régions et organisations ayant porté plainte : – L'Union générale tunisienne du travail – L'Association des magistrats tunisiens – Le Syndicat national des journalistes tunisiens – Le Parti des travailleurs – Le parti Ennahdha – Le Mouvement El Baâth – Feu Zouhaier Yahiaoui, premier martyr cyberactiviste de la Tunisie – Feu Néjiba Hamrouni, ex-présidente du Snjt – Me Mokhtar Trifi, ex-président de la Ltdh – Me Abderraouf Ayadi, président du mouvement Wafa – Mohamed Ben Salem, dirigeant à Ennahdha et ex-ministre de l'Agriculture – La communauté juive en Tunisie – Trois dossiers considérant Gabès comme une région victime.