Par Abdelhamid GMATI Le décès du médecin colonel Fathi Bayoudh, victime de l'attentat terroriste d'Istanbul, le 28 juin dernier, a beaucoup ému les Tunisiens et fait l'objet de plusieurs commentaires. Le colonel défunt s'était rendu, depuis deux mois, en Turquie pour chercher son fils qui avait rejoint l'organisation terroriste Daech avec sa compagne de 18 ans. On retiendra deux données dans cette déplorable affaire : le jeune homme et sa compagne, devenus terroristes, avaient des parents militaires. Et ils ont été recrutés par un imam d'une cité cossue de la capitale. Cet imam avait été arrêté une première fois en 2014 et congédié de son poste avant d'être libéré sur une décision du juge d'instruction. Il avait, par la suite, créé une association qui lui servait au recrutement des jeunes avant d'être arrêté et libéré une deuxième fois. On le savait depuis longtemps : l'endoctrinement et le recrutement des jeunes pour en faire des « jihadistes » se fait essentiellement dans les mosquées. Une campagne avait été entreprise depuis quelque deux années pour récupérer les mosquées « hors contrôle ». Et le ministre des Affaires religieuses a affirmé au début de ce mois que « l'Etat a, récemment, récupéré la dernière mosquée classée hors contrôle ». Selon le ministre, « la situation est normale dans tous les lieux de culte, ajoutant que son département s'emploie à résoudre les problèmes fonciers de certaines mosquées anarchiques ». Si on comprend bien, le problème, pour le ministre, est d'ordre foncier. Il suffit donc de régler cette question administrative. En fait, la remise en question des très nombreuses mosquées ne concerne pas les infractions administratives de ces lieux mais bien des discours et des prêches qui y sont prodigués. Il a été constaté et prouvé que nombre d'imams autoproclamés distillent un discours extrémiste, appelant à la violence, au jihad. Et il semble que ce phénomène de lavage de cerveau et de recrutement n'a pas été résolu. La preuve ? Il n'y a qu'à constater le nombre de cellules « dormantes » qui sont démantelées chaque jour par les forces de sécurité et le nombre de « takfiristes », terroristes en puissance, qui sont arrêtés. Et ce, dans tous les milieux et dans toutes les régions. N'oublions pas les 6.000 Tunisiens se trouvant en Syrie et en Irak, qui, à la suite de la réduction de l'espace vital de Daech dans ces deux pays, vont retourner en Tunisie. Certes, ils ne se présenteront pas à visage découvert mais ils vont utiliser des subterfuges tels que faux papiers, passages clandestins, complicité de parents et de proches. Ces terroristes qui ont, directement ou indirectement, participé à des massacres, sont des tueurs aguerris et commettront, très certainement, des attentats. Ces jours-ci, nos militaires et nos forces de sécurité font face à de nombreuses tentatives d'intrusion de véhicules provenant de Libye. Il s'agit, dit-on, de contrebandiers, mais qui garantit qu'il n'y a pas de terroristes parmi eux ? De plus, il ne faut pas oublier tous les complices qui organisent et facilitent les passages en Syrie, fournissant papiers administratifs et argent. Le terrorisme se nourrit d'une certaine atmosphère que l'on veut imposer dans le pays. Pendant les deux premiers jours de l'Aïd, on a constaté que des instructions ont été données, en catimini, aux bars et restaurants de ne plus servir de boissons alcoolisées les jours de fêtes religieuses. Auparavant, ceci n'était valable que pour le seul jour de l'Aïd. Cette année, l'interdiction a été étendue au 2e jour. Du zèle de policiers islamistes ? Car rien dans la loi n'autorise cela. La mesure a même été appliquée pour les hôtels. Excellente façon d'attirer les touristes. Et il n'y a pas que cela. Un panneau appelant au respect des bonnes mœurs, installé sur la plage de Tazarka (gouvernorat de Nabeul), provoque l'étonnement de nombreux baigneurs qui y ont vu une volonté de s'immiscer dans la vie privée des gens et de donner une connotation morale, voire religieuse, à ce qui aurait dû rester confiné dans la sphère de la loi et de la citoyenneté républicaine. On aura aussi remarqué la présence d'enfants dans une mosquée lors de la prière de l'Aïd et derrière le mufti lorsqu'il annonçait l'Aïd. D'ailleurs, à cette occasion, le mufti a fait l'objet de moquerie dans les réseaux sociaux. Comme l'économiste Moez Joudi qui écrit sur sa page Facebook : «En l'an 2016, à l'heure des télescopes, des satellites, de la 4G et bientôt de la 5G, on vous présente le spectacle du mufti dans son vieux bureau appelant un à un ses supers « astronomes», perchés sur les collines, en train de guetter le nouveau croissant avec des jumelles, et les supers «astronomes» à l'œil nu! Un de ces illuminés vient de faire la déclaration solennelle suivante dans les infos de 20h00 : «Non, nous n'avons pas encore vu le croissant à partir de la plaine de Sidi Belhassen, mais je suis sûr qu'il sera visible dans l'océan Pacifique à minuit! ». Tout cela est propice au lavage de cerveau et au recrutement de jeunes futurs terroristes. Et il faudra bien se rendre compte que le loup est dans la bergerie. Quand s'en occupera-t-on sérieusement ?