Fort séisme dans l'ouest de la Turquie : Istanbul secouée    Temps partiellement nuageux avec températures élevées dans le sud-ouest    Gaza : la Ligue arabe veut des sanctions contre l'entité sioniste et la fin du blocus    Karaté – Ahmed Thabti nouveau président de la fédération    Alcool au volant : la Tunisie prépare un tournant législatif majeur    Hatem Mziou défend son mandat face aux critiques et aux réformes inachevées    Kaïs Saïed contre l'UGTT : la confrontation inévitable    Lutte contre la spéculation : 172 tonnes de produits saisis et 9 fermetures administratives à Tunis    Mort du chien violemment battu à Sousse    La Russie condamne et rejette le plan sioniste de réoccuper Ghaza    Ligue 1 ­- 1ère journée – CA-ASM (1-0) : Succès mérité    Ligue 1 ­- 1ère journée – ESZ : Nouvelle équipe, même système    Ligue 1 ­- 1ère journée – Matches avancés : L'exploit de l'ASG et de la JSK    Fiscalité : calendrier des déclarations pour le mois d'août 2025    La fin du patriarcat ? Pour une égalité vécue, pas seulement proclamée    Près de l'Algérie, la Tunisie lance un mégaprojet touristique à 2 milliards de dinars    Sinfonica : un pont musical entre la Tunisie et la France sous les étoiles de Hammamet    Elyes Ghariani : Alaska, l'arène secrète de Trump et Poutine    Avenue Habib Bourguiba : vaste opération de saisie contre l'occupation illégale de l'espace public    Najwa Karam enflamme Carthage pour son grand retour    Depuis le Canada, Karim Charrad et Walid Gharbi promènent en Tunisie leur spectacle Violon autour du monde (Vidéo et album photos)    Moez Echargui, champion à Porto, lance un appel : je n'ai pas de sponsor !    Report de la grève dans les aéroports    Tunis appelle l'ONU à agir contre le plan israélien de réoccupation de Gaza    Piège numérique : quand les faux cadeaux volent les Tunisiens    L'ex-djihadiste tunisien Nizar Trabelsi rapatrié en Belgique après 12 ans de détention aux USA    Trump et Poutine se donnent rendez-vous en Alaska, ce que l'on sait du sommet    Météo - Tunisie : ciel peu nuageux et chaleur modérée    Décès de Me Yadh Ammar, une illustre figure du barreau, de l'université et de la société civile    Les contraintes incontournables du « Plan/Modèle » de Développement (2026-2030)    Présidence de la République : des événements se succèdent de manière inhabituelle ces jours-ci dans le but d'attiser les tensions    Kais Saïed : « Aucun fauteur ne bénéficiera de l'impunité »    Cheb Mami enflamme la 59e édition du Festival International de Hammamet    Deux poèmes de Hédi Bouraoui    Ahmed Jaouadi : Un accueil présidentiel qui propulse vers l'excellence    L'inscription en ligne est ouverte pour les élèves, collégiens et lycéens tunisiens au titre de l'année scolaire 2025-2026    Météo en Tunisie : températures entre 30 et 34 au niveau des côtes et des hauteurs    Lente reprise, inflation tenace : les prévisions du Fonds monétaire arabe pour la Tunisie en 2025 et 2026    Nomination d'un troisième mandataire judiciaire à la tête de Sanimed    Tunisie Telecom rend hommage au champion du monde Ahmed Jaouadi    Le ministre de la Jeunesse et des Sports reçoit Ahmed Jaouadi    Ahmed Jaouadi décoré du premier grade de l'Ordre national du mérite dans le domaine du sport    Faux Infos et Manipulations : Le Ministère de l'Intérieur Riposte Fortement !    Tensions franco-algériennes : Macron annule l'accord sur les visas diplomatiques    Sous les Voûtes Sacrées de Faouzi Mahfoudh    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



SFAX EST UN RÊVE, UNE VISION QU'IL FAUT CONCRETISER
BECHIR ESSID PROGAMMISTE :
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 07 - 2016

On parle beaucoup de Bechir Essid le Tunisien dans le vaste et pourtant petit monde de la muséographie internationale. Son nom est associé aux projets les plus prestigieux, en France, mais aussi dans les pays du Golfe ou du Maghreb. Il est, nous dit-on, programmiste. Avons-nous mal compris ? On voulait peut-être dire programmeur ?
Non, c'est bien programmiste, l'un des métiers les moins connus, et dont l'un des meilleurs porte drapeaux en France et dans le monde, est ...tunisien.
Intrigué par cette vocation peu commune et cette fonction peu connue, nous avons voulu le rencontrer pour vous
-Le correcteur de mon ordinateur ignore ce métier et le souligne de rouge sans cependant se résoudre à proposer une orthographe. Qu'est ce donc qu'un programmiste ? Et comment l'êtes vous devenu ?
-Il est vrai que rien, à priori, ne me disposait à exercer ce métier. Je suis né dans une famille modeste, dans un quartier populaire de Gafsa, au fin fond du sud tunisien. Jusqu'à l'âge de seize, dix sept ans, je n'avais jamais mis les pieds dans un musée, et j'ignorais totalement cet univers. Mais il régnait, à Gafsa, à l'époque, une extraordinaire effervescence culturelle : la bibliothèque nationale était petite certes, mais fréquentée. La maison des jeunes active et vivante. La troupe théâtrale très connue à ce jour. Le ciné-club drainait les jeunes. Il y régnait également une grande effervescence politique, Gafsa étant le berceau de l'Ittihad. Tout cela constituait un terreau propice à la réflexion pour un enfant, et ne pouvait que pousser un jeune à la réflexion. Nous n'avions ni satellite ni internet, mais dans une famille où l'éducation était très importante, cela nous donnait la certitude qu'il y avait autre chose, et le désir de le connaitre
Vous êtes donc parti découvrir cet « autre chose »
-Avec un diplôme d'architecte tout de même. Je suis parti en France compléter mon cursus en urbanisme, paysage, aménagement touristique et loisir. Puis j'ai fait un DESS en « programmation ». J'avais en effet découvert qu'avant de dessiner un projet, il fallait lui donner vie. Cette vie du projet, c'est la gestation, le temps de la réflexion. Les études préalables ne sont pas faites par l'architecte. Il s'agit d'une démarche particulière, très spécifique, du ressort du maitre d'ouvrage.
En France, le premier projet qui a fait l'objet de cette démarche est le Centre Pompidou, en 1970.
- En quoi consiste cette démarche ? Et qu'offre-t-elle de plus ?
- On est passé d'une planification verticale qui vient d'en haut, et qui se projette de façon systématique, à une contextualisation. On doit définir la mission des projets et le contexte dans lequel ils se trouvent. Pour cela il y a un certain nombre de questions qui vont fonder le projet :
Quels sont ses objectifs, comment définir de manière extrêmement précise sa mission, quel public concernera-t-il, quels en seront les consommateurs et les usagers, et surtout, bien sur, quelle en seront l'offre et le contenu. Cela d'ailleurs ne concerne pas uniquement les projets culturels, mais est également valable pour tout type de projet, que ce soit un hôpital, ou n'importe quel projet tertiaire. La programmation permet de sérier les ingrédients du projet : quoi offrir et comment l'organiser. Le cœur du travail consiste à assurer à travers cette démarche une rigueur inventive, en se pliant à une logique d'analyse, de contextualisation, de compréhension du fondement du projet, avec, bien sur une prise en compte du financement.
Le dernier point important est l'adéquation entre les objectifs de la mission et sa concrétisation finale. Tout l'enjeu consiste à assurer que tout ce qui va être mis à la disposition du public soit en cohérence avec tout le travail en amont
--Un programmiste sachant programmer peut donc travailler sur n'importe quel type de projet. Il se trouve que vous vous êtes spécialisé dans les projets culturels, et que c'est là que se développe votre notoriété
-C'est arrivé par hasard, mais par des occasions qu'on ne peut pas rater. A la fin de mes études, on m'a accepté dans un cabinet de programmation où j'ai eu la chance de côtoyer le maître incontesté du domaine, celui qui avait travaillé sur le centre Pompidou, la Villette, le musée d'Orsay, ou le musée Picasso. J'ai pensé, au début, que ce serait un apprentissage académique, mais très vite j'ai découvert que c'était beaucoup plus vaste, beaucoup plus riche que cela. J'ai été happé par le domaine. Moi qui pensais rentrer en Tunisie, je ne suis pas rentré, et ai entrepris de visiter les musées, les lieux culturels pour découvrir le produit final, mais aussi pour remonter aux sources.
Cela fait 24 ans que j'exerce ce métier, et après plusieurs très belles expériences, j'ai créé mon agence Cap Culture, spécialisée dans les projets culturels
-Qui fait appel à vous ?
-Tout maître d'ouvrage public ou privé qui se pose la question du « quoi » et « comment » avant de se poser la question du dessin ou de l'équipement. Notre métier est un métier d'accompagnement, d'expertise tout au long du processus pour aider le maître d'ouvrage à définir son projet, le cadrer, le sérier, rédiger un cahier de charges, vérifier sa faisabilité spatiale, technique et financière. Pour cette phase de travail pluridisciplinaire, nous faisons appel à des experts de très haut niveau. Dès la création de l'agence, j'ai eu la chance de démarrer avec un très bon réseau, et de commencer à être reconnu en France. Aussi ai-je très vite été appelé pour de grands projets : le département des Arts de l'Islam au Louvre, une mission qui a duré 4ans. Le Louvre d'Abou Dhabi, avec Jean Nouvel. Toujours avec lui, le musée National de Qatar. Le site Attoureif en Arabie Saoudite. Le musée de Saïda au Liban. Une trentaine de médiathèques en France, correspondant à un nouveau concept que l'on appelle « le troisième lieu », celui qui vient entre le travail et la maison, lieu hybride de culture et de loisir qui se propose de remplacer le café et de l'intégrer. De nombreux projets culturels au Maroc, le Grand Théâtre de Casablanca, la Médiathèque qui sera la plus grande d'Afrique, le musée du Kaftan, le musée d'Art Moderne et Contemporain de Rabat. Nous travaillons beaucoup au Maroc où on nous a demandé d'assurer la formation du ministère de l'équipement de l'ensemble du territoire. En France, on vient de nous mandater pour deux projets importants : le musée du Moyen Âge de Cluny, et le site de la Conciergerie, site fragile, très visité, chargé d'Histoire, de dimension royale et révolutionnaire puisque c'est là que se trouve le cachot de Marie Antoinette
--Avec pareilles références, comment peut-on expliquer que vous n'ayez jamais travaillé en Tunisie ?
-Il y a eu certainement des raisons politiques. J'ai fait quelques tentatives. Nous avons, par exemple, soumissionné pour le musée du Bardo mais tout était verrouillé. Nous nous sommes également présentés pour la Cité de la Culture, mais la réalisation du Musée a été retardée
Mon introduction en Tunisie, s'est faite par des initiatives privées : les projets de Borg Boukhris et d'Utique de la Fondation Lazaar. Il est triste de dire qu'en Tunisie, contrairement au Maroc, on ne valorise pas les gens du pays.
Puis Samir Sellami a eu vent de mon existence et m'a appelé pour le projet de Sfax. Cela a été ma deuxième tentative en Tunisie. Il y a eu une réunion de présentation de notre méthode : nous avons voulu, en premier lieu, voir ce que les autres ont fait, à Mons, capitale culturelle Européenne, à Amsterdam, visiter les musées, rencontrer les conservateurs, faire une analyse critique. Le programme Sfax 2016 est un document de référence sur lequel nous avons appliqué notre méthode. Cela a donné une programmation claire, rigoureuse mais inventive, ayant intégré les différents avis dans un ensemble cohérent.
-- Parlez nous de votre vision de Sfax Capitale Culturelle, vision dont on ne sait pas encore si elle sera concrétisée.
- Parlons d'abord des problèmes : les retards, les lourdeurs de l'administration, les moyens. Mais avec une méthode de travail presque militaire, on a réussi à fonder un projet qui ne soit pas un festival de longue durée, mais quelque chose de structurant. En alliant l'infrastructure à l'évènementiel, on entame une vraie réflexion de ce que peut devenir une politique culturelle
Au niveau de l'infrastructure, le projet concerne la valorisation de la médina, le Fondouk al Hadadine, la Madersa Husseinia, avec l'idée d'y créer un lieu d'apprentissage dans la construction artisanale, c'est-à-dire le stuc, le bois, le métal....Ce qui impliquerait la valorisation de certaines rues, marabouts, et entrerait dans une logique de reconquête de la médina. En fait, le projet structurel consiste à réconcilier les sfaxiens avec leur médina, et à ouvrir Sfax sur la mer avec le projet de réaménagement de Chatt el Kraknas.
A l'articulation de ces deux pôles vient le projet d'ancrage et de réaménagement de la cathédrale de Sfax en pôle culturel. Ce projet a été confié à une jeune et brillante architecte, Maya Ben Ammar, ouverte à l'international, qui a travaillé avec les plus grands, dont Zaha Hadid. Ce sera un projet novateur à travers le contenu, la programmation, l'hybridation du champ culturel. On y prévoit des visites, des expositions, des espaces de détente qui valoriseront le monument sans le toucher, des parcours d'univers de connaissance, des explorations du monument lui-même. Ce sera un lieu de brassage de jeunes.
Sfax compte 50000 étudiants et n'a pas un lieu culturel, pas une vraie médiathèque. Elle mérite un tel projet en tant que second pôle urbain en Tunisie.
Du point de vue évènementiel, le comité d'organisation a rencontré les artistes, les collectifs, écouté tout le monde, analysé les programmes et projets existants. Bien sur, il ne faut pas que l'évènementiel écrase le structurel mais au contraire le rehausse. Il faut que ce projet soit à l'exacte jonction du structurel et de l'évènementiel
C'est un projet de grande réflexion et de grande clarté, pensé, réfléchi. Je pense que nous le méritons
-L'enjeu est important
-L'enjeu est extrêmement important. De telles actions constituent nos meilleures armes contre le terrorisme. Il faut que les jeunes revivent ce que j'ai vécu. Ma mère m'emmenait tous les mois au théâtre, même si elle n'y comprenait rien. Elle m'envoyait à la bibliothèque. Ce n'est pas une question de moyens, mais nous avions cette volonté d'aller vers le haut. Il faut la retrouver par les livres, les clubs, les lieux d'apprentissage du vivre ensemble, les lieux de convivialité. Un jeune qui passera par ces lieux sera un jeune qui aura une relation, un sens civique. Sfax est une vision, un rêve, mais aussi un projet clair qu'il faut concrétiser


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.