Chaque année à la même période, entre juillet et août, les familles profitent des vacances pour redonner vie au mariage traditionnel qui s'étend sur trois jours et trois nuits. Nombreux sont les Tunisiens et les touristes qui viennent pendant ces quelques jours se ressourcer, en profitant de la beauté des paysages de Kerkennah. Mais ils profitent en même temps des fêtes locales. Comme à la place Awled Yaneg, qui a vécu à la fin du mois de juillet des festivités offrant une vision variée des aspects du mariage traditionnel kerkennien. Il s'agit d'un spectacle haut en couleur avec chants traditionnels et chorégraphies. Un groupe formé de quatre chanteurs musiciens portait une robe blanche qui les couvrait entièrement et qui était surmontée d'une veste rouge. Cet aspect vestimentaire est exigé dans les cérémonies de mariage. Des jeux carnavalesques ont été prévus parallèlement aux spectacles des troupes folkloriques. En témoigne la salve d'applaudissements sur laquelle la soirée s'est achevée. Le mariage est certes devenu onéreux dans certains milieux où l'on tient à suivre la tradition à la lettre, mais certaines familles n'hésitent pas à dépenser quand même de grosses sommes d'argent pour célébrer « la joie de la vie ». La piste où sont situés les deux mariés est devenue une grande attraction. Etant basé sur l'animation, «le festival» répond aux attentes d'une catégorie de touristes avides de découverte. L'habit traditionnel à l'honneur La coutume des îles de Kerkennah, comme de beaucoup d'autres régions du pays, veut que les noces durent trois jours et trois nuits. Warda, une mariée de la région, confie ses souvenirs : «On m'a maquillée, on a sorti des vêtements propres et bien pliés qui attendaient depuis des mois. Puis, on a disposé des bijoux en argent pour orner ma tête ainsi qu'une parure en argent. J'étais couverte de bijoux de la tête aux pieds, jusqu'à mes chevilles, entourées d'anneaux en argent. J'avais une robe ample très colorée et un foulard sur ma tête qui couvrait mes cheveux. Ce n'était pas un vrai mariage, mais cela faisait plaisir à mes hôtes. On a orné mes mains de henné avec une boule qu'il fallait garder dans la main. Je me suis prêtée au jeu avec grand plaisir. J'avais 25 ans, j'ai joué ce rôle sérieusement et nous avons passé une agréable journée. Bien sûr... J'ai eu droit au (youyou) traditionnel». La koffa... La koffa est une barque où prennent place les mariés, les invités et même les étrangers pour une promenade en mer. C'est le symbole de l'union créatrice... Sans la mer, sans la famille et sans les amis, elle n'aurait aucun sens, sans les passants inconnus et bienvenus, elle n'aurait pas le même goût du partage de la joie et de l'espoir que porte en elle cette cérémonie animée et émouvante. Inutile de se parer des plus belles tenues élégantes, car la koffa, c'est avant tout un bien commun chanté et dansé en toute liberté pour honorer l'amour, le partage et l'équité dans le couple. Les futurs mariés sont ainsi accompagnés comme une offrande à la mer gardienne de leur union sacrée. La communauté, élégante dans sa simplicité et son authenticité, en harmonie avec l'esprit et les traditions de Kerkennah, avance au rythme du tambour. La zokra, domptée par le souffle extraordinaire de son musicien aux joues gonflées comme celles d'un nouveau-né, ajoute à la cérémonie un air de fête. Les danseurs montrent le chemin vers la mer gardienne de l'archipel, drapés de leur foulard rouge et vert, symbole de Kerkennah, du partage équilibré entre l'homme et la femme. La mer, généreuse et bienveillante, veille sur la joie du couple et du partage équilibré dans la famille tout au long de leur vie. Ce partage de l'union de deux êtres se transforme en un hommage à la mer qui ne nécessite aucun apparat, seulement la sincérité du cœur, l'accueil de la beauté de l'instant, de la communion, de ce qui fait notre humanité dans sa plus simple expression. Les bateaux amarrés embarquent cette espérance portée par les sourires, les danses et les discussions. Un enchantement recouvre alors la mer au bleu profond. Les passagers commencent alors à plonger. Enfants, adultes, parents, amis, inconnus... chacun peut alors sauter dans ce bain d'humanité, nourri d'espoir et de bonheur pour le couple à l'honneur. Une fois la future épouse et son compagnon à la mer, les plongeurs viennent les saluer. Embrassés par les flots, le couple et leurs témoins, nombreux, remontent dans les bateaux. Une chorégraphie marine se met alors en place. La grande attraction Le vent et les vagues accompagnent les danses des bateaux et celles des passagers rafraîchis et joyeux. La troupe folklorique reprend son hymne à la mer pour bénir cette union sacrée. Les bateaux se croisent en cercles infinis. La dextérité de leurs capitaines me surprend. Certains bateaux remplis de passagers sont sur le point de chavirer. Puis, le retour s'organise. Les mariages évoquent beaucoup d'émotion et d'éclat des spécificités de la vie des habitants de l'archipel. On y accède également à des valeurs, comme l'amour et le sacrifice pour la mère patrie, mais aussi l'espoir, porté par des enfants tenant entre leurs mains l'arme de la connaissance. Avec leurs tableaux et leurs habits symboliques, les participants à ce spectacle ont offert au public un moment d'extase. Une cérémonie sous tente, où la musique et la poésie populaires ont fait bon ménage. Quand la beauté du vers se croise à la musique, c'est un autre univers qui se crée, un monde fabuleux qui creuse à l'intérieur de l'être et l'emmène dans un voyage mystérieux qui change son regard sur la vie, sur la réalité. Un hommage a été ainsi rendu à des maîtres et à de grands noms, dont «Sta Ali» et «Ali Warda» et beaucoup d'autres, présents à travers des poèmes qui ont marqué l'histoire des arts à Kerkennah et qui ont contribué à l'enrichissement du patrimoine national. Kerkennah offre des paysages et une ambiance reposants. Les couchers et levers de soleil y sont magnifiques. Ici tout est calme et les habitants sont très accueillants. Le dépaysement y est garanti.