Par Abdelhamid GMATI Le nouveau gouvernement serait présenté dans les jours qui viennent. Après plusieurs jours de pourparlers, de négociations, de tractations, la composition de ce futur gouvernement serait au stade des dernières ententes. Des «fuites» venant de plusieurs sources directement ou indirectement impliquées font état d'une répartition équitable des postes ministériels entre Nida Tounès et Ennahdha avec des représentants des partis de la coalition et quelques «indépendants» ou membres de partis ayant signé le fameux «Pacte de Carthage». Youssef Chahed, le nouveau chef de gouvernement, avait assuré que son gouvernement serait politique et comporterait des jeunes, des personnes compétentes et des femmes. Soit. On ne doute pas que les différents partis politiques tunisiens, notamment ceux de la coalition au pouvoir, ont des adhérents, jeunes et compétents. Mais dans la phase délicate actuelle que traverse le pays, on a surtout besoin de personnes plaçant l'intérêt national au-dessus de toute autre considération. Or un membre d'un parti se doit d'être discipliné et de suivre les directives de sa direction. Cela était le cas des ministres du gouvernement sortant. Nombre d'entre eux étaient compétents mais ils se devaient à leurs partis. Et les intérêts de ces partis ne concordent pas toujours. D'où les difficultés rencontrées par Habib Essid et le manque de solidarité que l'on reprochait à son gouvernement. Youssef Chahed fera-t-il mieux ? Pourra-t-il ménager la chèvre et le chou ? Ses problèmes personnels ont déjà commencé : des partis politiques comme le Front populaire, des organisations et des personnalités remettent en question sa désignation et la manière dont elle a eu lieu. Le réseau Doustourna s'apprête à saisir le Tribunal administratif pour un recours contre la désignation de Youssef Chahed comme chef de gouvernement par le président de la République. «En l'absence d'une Cour constitutionnelle et vu la non-compétence de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois, le réseau va saisir le Tribunal administratif, puisque la question porte sur la violation des dispositions de la Constitution», affirme son coordinateur. Le courant Al Mahaba appelle le ministère public à ouvrir une enquête sur les liens de parenté entre Béji Caïd Essebsi et Youssef Chahed. Le constitutionnaliste Sadok Belaïd estime que la désignation constitue «une violation des dispositions constitutionnelles». Le journaliste Zied El Hani a intenté un recours contre la décision du président de la République, estimant que celui-ci a «outrepassé ses prérogatives définies par la loi» et le décret de désignation «s'oppose aux dispositions de la Constitution». Rien que cela. Que pourra faire le futur gouvernement de «coalition» pour résoudre les innombrables problèmes qui se posent au pays ? En préambule, il devra faire face aux «cadeaux» que lui lègue le gouvernement sortant, expédiant les affaires courantes. Comme cette énorme augmentation (300%) du prix des boissons alcoolisées décidée, en catimini, par le ministre des Finances, Slim Chaker. Augmentation décriée par les hôteliers, qui peinent à redresser la situation «sinistrée» du tourisme et qui estiment que cette augmentation va nuire fortement aux hôtels dont la clientèle risque de bouder la destination Tunisie. De plus, cette augmentation va ouvrir la porte à une autre sorte de contrebande. Puis il devra faire preuve de solidarité. Prenons l'exemple de la lutte contre le terrorisme, priorité des priorités. Chaque jour, les forces de l'ordre démantèlent des cellules de terroristes et empêchent des jihadistes de se rendre en Libye ou en Syrie. Pourra-t-on mettre définitivement fin à cet endoctrinement et à ce recrutement de jeunes qui se font dans des mosquées détournées de leur mission première ? Certaines forces s'y sont opposées dans les derniers gouvernements et continueront à le faire avec le prochain. D'ailleurs, cet endoctrinement se fait aussi dans les écoles. Lundi dernier, Rached Ghannouchi honorait, à Borj Touil, dans le gouvernorat de l'Ariana, les lauréats de l'année scolaire écoulée dans les concours d'apprentissage du Coran ainsi que les militants de la région et les anciens d'Ennahdha. Il y a prononcé un discours dans lequel il a appelé à la science et à l'apprentissage «dans le but de construire l'avenir de la Tunisie et son progrès», remerciant les parents pour leurs efforts à prodiguer à leurs enfants une éducation équilibrée «basée sur la combinaison de la science et de la religion. Sur une photo souvenir des enfants avec le Cheikh, on remarque que des tout petits agitent le drapeau d'Ennahdha. Cela s'appelle «apprentissage de la religion». Sans parler de ces écoles coraniques où l'on impose le voile à des petites filles. Vu la façon avec laquelle ce futur gouvernement est composé, on peut avancer, sans grand risque d'erreur, qu'il ne fera pas de miracles et que les problèmes des Tunisiens ne seront pas résolus de sitôt.