«Abdelmajid Chetali avait créé un groupe qui vit bien ensemble, qui joue ensemble et qui communique sur le terrain et en dehors. Au final, les joueurs étaient imprégnés de cette complicité naissante. Il s'en est créée une alchimie de groupe, une osmose, une cohésion. Nous, c'était ça! » «Je vais prendre le sujet à l'envers en débutant par l'avant-compétition pour finir par l'objectif initial, ses tenants, intervenants et bien entendu le noyau dur de compétiteurs à dégager! Préparer une campagne de Coupe du monde, des éliminatoires en espérant passer à la phase finale, est un travail de longue haleine. Du sélectionneur aux joueurs, en passant par le travail réalisé dans les clubs, tout doit être lié. Le plateau technique, quant à lui, doit non seulement trouver des solutions pour gérer des joueurs enfermés en période de stage, mais aussi assurer une intendance permanente, dégager un cahier des charges clair et concis. Si la concentration est importante, il ne faut pas pour autant favoriser une forme d'isolement au sein du groupe. En clair, il faut éviter une sorte de «bunkérisation» sans pour autant tomber dans la «pipolisation» des joueurs. J'insiste là-dessus car cette idéologie de l'enfermement qui remonte à longtemps permet certes de mieux contrôler les internationaux (mieux gérer en enfermant), avec, en plus, une recherche d'austérité. Mais au final, elle vous déconnecte de la réalité, des attentes et de la ferveur qui vous transcende à terme. Outre un calendrier de préparation pointue à suivre à la lettre, il faut désormais, comme le font les grandes nations du football, opter pour une approche radicalement différente des méthodes anciennes. Débuter les premiers à tous les niveaux (matchs amicaux, travail foncier et stages ponctuels en alternance) est devenu un contre-exemple. Si, dans les derniers mètres, les joueurs sont lessivés, ils aborderont la dernière ligne droite la tête pleine de doutes. Même volet bulle du groupe, il faut parfois distraire les joueurs... mais pas trop. Vous savez, en précampagne, il faut prendre en compte tous les paramètres, endogènes et exogènes. A titre d'exemple, il faut limiter le recours aux intervenants extérieurs. Car l'on note que le message d'un coach s'use avec le temps. C'est pourquoi les sélectionneurs ont, de plus en plus, recours aux intervenants extérieurs. Stimuler et galvaniser, c'est porteur. Mais outre l'état d'esprit, il faut aussi mettre l'accent sur l'amour du maillot. Il faut trouver le bon équilibre.» Pour avoir occupé le poste de directeur sportif en sélection aux côtés de Bertrand Marchand, Ghommidh a su maîtriser son sujet, sans oublier les cinq années passées au même poste de responsabilité du côté du CA. Il sait de quoi il parle : il n'y a pas à proprement parler de plan répertoire que l'on peut calquer pour former un groupe qui peut aller loin. Il n'existe pas de solution idéale mais un concours de toutes les parties peut transformer l'objectif en réalité. Je prends l'exemple de 1978. Abdelmajid Chetali, en place depuis 1975, avait créé un groupe dans le vrai sens du terme. Une ossature qui vit bien ensemble, qui joue ensemble et qui communique sur le terrain et en dehors. Au final, les joueurs étaient imprégnés de cette complicité naissante. Il s'en est créée une alchimie de groupe, une osmose, une cohésion. Nous, c'était ça! C'est dire les bienfaits de la stabilité au sein du groupe d'élite. Depuis quelques années, à chaque stage, on voit de nouveaux joueurs. Au-delà d'avoir un noyau dur, l'équipe nationale doit travailler avec un groupe qui se connaît. Scruter l'histoire et constater qu'à part Chetali, aucun sélectionneur tunisien n'a réussi à vraiment hisser la Tunisie dans le cercle des meilleures nations du football mondial. Certes, on a atteint trois phases finales de coupe du monde (98, 2002, 2006), mais on a fait de la simple figuration. Je me rappelle tout de même que Roger Lemerre a mis en place un professionnalisme, une discipline adéquate pour permettre d'atteindre un niveau convenable. Mais, ensuite, c'est la conjugaison de plusieurs facteurs qui vous permet de revoir vos ambitions à la hausse. Outre le talent et le caractère, nos footballeurs d'élite doivent être animés de la même passion et de la même ambition. Je me rappelle qu'en 2009, lors des éliminatoires de la CAN 2010, on s'est déplacé au Botswana pour jouer un match décisif pour la qualification à la CAN 2010. Et les joueurs avaient refusé de jouer à cause d'un problème de primes! Sans commentaires. Et après, on prétend vouloir hisser haut et fort l'étendard national. Vivre des «psychodrames» avant et après la compétition, c'est ce qui peut arriver de pire à une équipe nationale. Il faut donc prévoir et prévenir, sinon, l'implosion vous guette». «Brassage et savant dosage» Préparer une sélection à entamer une campagne mondialiste ne dépend pas seulement de l'aspect technique et organisationnel. Les quelques oppositions tactiques prévues pour l'effectif, le bon choix des joueurs, la bonne association et les bonnes alternatives. Cela est forcément important, mais c'est tout un plateau technique et médical compétent qui doit travailler en harmonie. Exemple: à la cohésion du groupe sur le terrain, le staff privilégie tout d'abord des tests physiques et médicaux. Quand certains frôlent les quarante matchs par saison, la cure de jouvence en période de stage n'est pas superflue avant d'entrer dans le dur de la préparation physique. Avec un calendrier dense, l'agenda doit minutieusement être programmé pour une montée en puissance jusqu'aux phases avancées. Il s'agit de recréer les conditions de la compétition (altitude à titre d'exemple) pour ne pas être l'otage d'aléas en tout genre ! Bref, on débute en faisant dans le classique. Puis, on passe aux particularités. Chetali était l'apôtre du professionnalisme, de la rigueur, de la discipline et de la continuité. Cela vous amène forcément à être compétitif. Je conclus en apportant une appréciation sur le groupe actuel. Il est talentueux avec ce brassage et ce savant dosage entre jeunes expatriés ou autochtones (Naïm Selliti, Larry Azouni, Anis Badri, Mohamed Wael Arbi, Ben Amor, Naguez, Bguir) et éléments confirmés (Khelifa, Akaïchi, Msakni, Lahmar, Ferjani Sassi, Syam Ben Youssef, Ali Mâaloul et Bilel Mohsni).