Malgré l'exposition d'une panoplie d'articles et de produits inspirés du patrimoine traditionnel tunisien, l'évènement n'a pas connu une affluence de visiteurs. La foire de l'artisanat qui vient de se tenir au centre des foires des Jardins d'El Menzah suscite la perplexité. Cette foire, qui regroupe un nombre notable d'artisans provenant de différentes régions et œuvrant dans plusieurs domaines, semble désertée en dépit des enseignes attrayantes qui ponctuent chaque rond-point et chaque intersection du Grand-Tunis. L'espace renferme en lui-même un échantillon représentatif de plusieurs sous-secteurs de l'artisanat tunisien. Des artisans spécialisés dans l'art du tissage traditionnel, dans les costumes traditionnels et accessoires revisités, dans la poterie, dans les pâtisseries typiques de certaines régions ainsi que dans la production et la pérennisation des produits du terroir comme la bsissa, exposent leurs créations dans l'espoir de voir leur commerce bouger d'un cran le temps d'une exposition-vente étudiée. Un souhait qui se heurte à une affluence quasi nulle. Mme Sonia Zahrouni a proposé des tenues traditionnelles féminines typiques de la région de Hammamet, qu'elle a agrémentées de couffins convertis en jolis sacs à main ainsi que des accessoires de goût. Il est difficile pour toute femme de s'arrêter au stand sans fixer non sans émerveillement la magnifique kmejja (robe traditionnelle) et sa « souria » (chemisier). La broderie de ce chef-d'œuvre de l'habillement lui confère toute sa valeur, laquelle est estimée à 1.400 dinars. Des framel (jaquettes brodées) de couleurs tendance sont proposées à 280 dinars la pièce. «Les femmes tunisiennes, jeunes soient-elles ou moins jeunes, sont de plus en plus portées sur le costume traditionnel. Même les couffins transformés en sacs à main de tous les jours et autres de soirée, connaissent une demande croissante. Paradoxalement, poursuit-elle, nous continuons à endurer une commercialisation en perte de vitesse encore plus pesante à Hammamet qu'à Tunis». Déçus à l'unanimité Un peu plus loin se trouve le stand de M. Jilani Bouzikri, un artisan potier provenant de Nabeul. Artisan de carrière, il a l'habitude de participer aux foires et salons de l'artisanat. Sauf que cette fois-ci, sa déception est immense. «Ce n'est pas un jugement personnel mais c'est une déception partagée par tous les exposants. C'est un cimetière et non une foire. Et dire que j'ai gaspillé autant d'argent et de temps, sans parler de la fatigue et de la navette depuis Nabeul pour finir par somnoler ici une semaine durant », souligne-t-il, le visage contracté. Il est pourtant venu dans l'espoir de donner un coup de pouce commercial à sa production. Excellant dans l'art de la poterie, il propose des services de table inspirés du patrimoine et autres modernisés afin d'acclimater ces ustensiles à tous les goûts et à toutes les cuisines. Pour les produits typiquement tunisiens, il y ajoute une touche personnelle, soit une couleur marron-chocolat, qu'il rehausse par une brillance hors pair et des motifs en relief bien finis. Pour d'autres produits, il a choisi d'user de la pointe d'une aiguille pour dessiner des motifs inspirés de l'artisanat berbère. Les services de table sont à 50 dinars. La modernisation est sa devise Mme Najeh Sassi prend place dans un stand chargé de tissages artisanaux. Une tablette électronique à la main, elle suit de près les commentaires et l'avancement des commandes passées via sa page facebook. Pour elle, être au diapason des nouvelles méthodes de communication et de commercialisation est tout aussi indispensable que la modernisation du produit artisanal. «C'est, du moins, mon concept à partir duquel je développe mon entreprise et j'avance à pas sûrs vers le développement de mon activité», indique-t-elle, confiante. Pour ce, elle a opté pour la simplification du margoum qui apparaît moins chargé et dont les couleurs épousent les dernières tendances. Usant de la toile de lin, de la toile de coton, de la laine, du hayek, de la toile de velours et de la fouta, elle confectionne des rideaux plus hygiéniques et économiseurs d'énergie, des couvre-lits, des couettes, des jetés de lit et autres linges de maison. «Les matières premières naturelles réfléchissent les rayons du soleil, ce qui n'est pas le cas des matières synthétiques», fait-elle remarquer. Et d'ajouter que bon nombre de ses clients recommandent des ensembles spécial chambre à coucher, composés de rideaux et d'une parure de lit complète. «Nous avons besoin d'être soutenus par l'Etat» Mme Sassi tout comme Mme Zahrouni s'activent pour dynamiser la commercialisation de leurs produits respectifs. C'est aussi le cas de M. Gaddour M'barek, un artisan spécialisé dans l'art de la mosaïque et dans la fabrication de bibelots inspirés du patrimoine. Cet artisan propose des bibelots imprégnés d'une peinture spéciale. «C'est une création qui, avec le temps, mute pour donner une touche antique. Les bibelots ressembleraient alors à des objets ancestraux», explique-t-il. Pour vendre ses produits, il a choisi de conquérir le marché algérien. «Ce n'est que le commencement», indique-t-il, sans pour autant afficher un grand optimisme. «Nous sommes dans l'obligation de ne compter que sur nos propres initiatives. Les parties concernées, censées épauler les artisans et faciliter la commercialisation des produits artisanaux tant à l'échelle internationale qu'à celle internationale, se contentent de nous assommer avec des promesses non tenues. Pourtant, nous avons besoin d'être soutenus par l'Etat pour pérenniser notre activité et mettre en valeur notre artisanat», souligne-t-il. Cet artisan fait partie de toute une équipe qui aspire au développement d'une entreprise comptant 35 employés. «Certes, notre travail est purement artisanal. Toutefois, nous avons besoin d'acquérir une machine pour découper le verre, une étape essentielle dans l'art de la mosaïque. Nous avons demandé l'intervention des responsables chargés de l'artisanat afin d'interférer en notre faveur pour pouvoir importer ladite machine. En vain», souligne-t-il, déçu. En quittant le centre des foires, aucun visiteur ne se tenait devant le guichet. La moue perceptible sur le visage de l'agent d'accueil en disait long sur la lenteur d'une journée monotone.