Par Abdel Aziz HALI Ils se sont tous trompés. Les principaux médias américains, l'establishment politique, le star system et, surtout, la plupart des instituts de sondage ont été hors sujet. Ils avaient presque tous prédit une écrasante victoire de l'ex-secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, mais le phénomène Trump a fini par déjouer tous les pronostics et remporter haut la main un scrutin, dont la campagne électorale était marquée par un discours violent et clivant. Comme quoi, il ne fallait pas vendre les défenses de l'éléphant avant de l'avoir tué. Même dans son propre camp, les Républicains n'ont jamais été aussi méfiants et défiants vis-à-vis d'un candidat du GOP (Grand Old Party, le surnom en anglais du Parti républicain-Ndlr). Bon, on peut comprendre la monumentale erreur des instituts de sondage tant que ces Nostradamus de la politique moderne ficellent leurs études en fonction des aléas de la probabilité et des tendances de l'opinion publique. Mais qui dit sondages d'opinion, dit représentativité des échantillons choisis. Or ces derniers se sont avérés biaisés tout bonnement, car les sympathisants du milliardaire new-yorkais n'intéressaient pas les sondeurs. C'est le cas aussi pour les grands titres de la presse écrite américaine qui dans un état de déni existentiel ont fini par passer totalement à côté de la plaque. En effet, la partialité des médias au pays de l'Oncle Sam et leur connivence avec la candidate démocrate étaient tellement manifestes qu'on se permettait de poser les questions suivantes: quelle crédibilité peut-on désormais accorder à des journaux comme le New York Times, le Washington Post ou le site d'information politique « Poltico » ? Doit-on parler d'information ou plutôt de désinformation ? Certes la quasi-majorité des analystes reprochaient au 45e président élu de voler bas, à ras de terre, au point de réveiller les vieux démons d'une Amérique raciste, xénophobe et ségrégationniste, celle du Ku Klux Klan et Cie. Pendant ce temps-là, Hillary Clinton volait haut, même très haut au point de lui prédire un succès facile et d'oublier le proverbe qui dit : «A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Quels enseignements peut-on tirer de cette onde de choc? Que doit-on retenir de cette surprenante élection de Trump? Ce qu'il faut retenir, primo, c'est que le poste de commandant en chef ne se gagne pas en étant un as de la politique internationale, mais plutôt en fignolant un bon programme socioéconomique qui répond aux attentes de la plèbe et non pas à celles de Wall Street ou des forces de pression. Secundo, il ne suffit pas d'avoir le plus grand nombre de suffrages pour siéger dans le bureau Ovale. D'ailleurs dans ces élections, du point de vue comptable, l'ex-First Lady devançait Trump en nombre de voix, comme c'était le cas avec Al-Gore, en 2000, face à Bush junior, mais le système électoral américain avec ses grands électeurs a basculé du côté de Trump. Tertio, cette élection vient d'enterrer définitivement la logique du vote utile car pour l'Amérique profonde, l'Amérique puritaine et délabrée, les beaux discours d'Obama, son « Yes we can » et son « Hope » ne font plus écho. En revanche, qu'on le veuille ou pas, le magnat de l'immobilier a su convaincre des électeurs, certes, en majorité blancs, mais qui se sentent exclus du système pour ne pas dire des misérables des temps modernes. Ceux qui ont voté, pour Trump ne pouvaient que voir en sa personne la réincarnation du rêve américain et un exemple vivant du « self-made-man » (autodidacte). Un candidat qui a bouleversé tous les codes de la politique en s'adressant à ses électeurs avec un langage familier et galvanisé par un populisme décomplexé. Un candidat qui ne fait pas dans la dentelle et qui raconte tout haut ce que les médias traditionnels refusaient d'entendre. Un candidat, qui contre vents et marées, a accepté le challenge de faire face à toutes les critiques et aux pressions médiatiques pour être la voix des sans-voix. Donc un tel profil ne peut que séduire une classe moyenne en colère. Quattro, la réouverture, à 11 jours du scrutin, d'une enquête complémentaire dans l'affaire des courriels d'Hillary Clinton n'était pas un évènement anodin. Certes, 48 heures avant le « Jour J » des élections, le directeur du FBI, James Comey, a fini par refermer définitivement ce dossier, mais le mal était probablement fait. Certains disent que l'élection de Trump est une défaite de la démocratie. Au contraire, il s'agit plutôt de la victoire de l'alternance au pouvoir, l'essence même de la démocratie. Entre la diabolisation de Donald et la béatification de Hillary, la course à la Maison-Blanche de 2016 nous a offert un tableau tellement surréaliste au point de s'interroger sur la fiabilité du paysage médiatico-politique dans un pays où on décerne le Prix Pulitzer.