On a beau s'en offusquer, s'indigner ou exprimer sa grande peine, le triomphe de Donald Trump aux USA sonne comme un coup de tonnerre dans un ciel déjà gris Partout, les guerres, les massacres, les hordes de fuyards et de réfugiés, les fanatismes, les attentats. Le monde arabe saigne, l'Asie tremble, l'Afrique est exsangue, l'Amérique panse ses blessures, l'Europe souffre. Après l'éclatant Brexit britannique, on s'attend à ce que Marine Le Pen l'emporte haut la main sur tous les autres candidats au premier tour de l'élection présidentielle française. Les extrêmes s'interpellent. Les extrémismes foisonnent. Les émeutes identitaires sont légion. Le constat est cuisant. Aucun continent n'est épargné. Inutile de verser dans le sentimentalisme niais ou à la guimauve. Le regard exhaustif commande le réalisme d'amertume. Certes, il y a, en toile de fond, la grave crise économique qui a fait irruption en 2008. Puis il y a eu l'intermède dudit printemps arabe en 2011. Mais on a tôt fait de déchanter, à quelque exception près. L'espoir alors permis a très vite tourné au cauchemar. Et puis, en 2012, en Syrie précisément, certains se sont avisés de jouer avec le feu. Les Américains d'abord, talonnés par leurs inconditionnels alliés britanniques. Puis les Français, les Allemands, les Turcs, les Israéliens, les Saoudiens, les Qataris. Des combattants ont été recrutés, entraînés et armés dans plus de quatre-vingt pays pour grossir les rangs des terroristes en Syrie, via la Turquie complaisante et complice. Le même phénomène observé jadis à Peshawar au Pakistan, lors de la lutte anti-soviétique en Afghanistan, s'est vérifié en Syrie. On a traité avec les terroristes de compère à compagnon, et du coup, introduit le loup dans la bergerie. Hier Al-Qaida, aujourd'hui Daech. Du pareil au même, à dire vrai. Lorsque le président socialiste français, François Hollande, joue aux va-t-en-guerre en Syrie, cela résume le topo. Le bellicisme est devenu la maladie sénile du capitalisme. Une maladie contagieuse de surcroît. Et puis, à bien y voir, l'administration Obama ne s'est guère distinguée par son pacifisme. Elle est pleinement engagée avec quelques importantes factions des groupes terroristes armés en Syrie, qualifiées dans le langage politiquement correct d'«opposition modérée». Comme du temps de Lyndon Johnson, Richard Nixon, Ronald Reagan, Bill Clinton ou George W. Bush, c'est la baïonnette à l'ordre du jour. Hillary Clinton, la malheureuse rivale de Donald Trump dans la course à la Maison-Blanche, s'est particulièrement distinguée par sa propension à guerroyer. D'abord en votant pour la guerre en Irak, en 2002. Ensuite en tant que chef de la diplomatie américaine dans l'administration Obama. Donald Trump résume on ne peut mieux l'idéologie dominante dans l'establishment américain, voire même occidental. Raison pour laquelle il est très populaire dans les milieux d'affaires américains et même européens. Tous les indices en attestent. Et puis il y a les laissés-pour-compte du système, notamment ces blancs d'Amérique appauvris, apeurés et frileux. Ils ont fait la différence, avec la classe moyenne broyée, les afro-américains moins mobilisés qu'en 2008 ou 2012 et Hillary Clinton la mal-aimée des femmes. L'Amérique s'est réveillée, hier, avec la gueule de bois, certes. Mais l'analyse dépassionnée rend compte des failles d'un système fondé sur des équilibres précaires et catastrophiques. Comme les plaques tectoniques provoquent les séismes. Et ce n'est que partie remise. En attendant l'effet papillon. Dominique de Villepin, ancien Premier ministre français et ministre des Affaires étrangères sous Chirac, a déclaré hier : «La France et les Etats-Unis sont des jumeaux terribles... Marine Le Pen peut gagner en 2017 parce que les peuples sont de retour, et les passions politiques dans nos démocraties sont désormais débridées. La peur et la colère sont les premiers acteurs de la démocratie. Et la raison au service des élites ne convainc plus personne». Des paroles qui sonnent comme un sérieux avertissement. Et qui inscrivent le phénomène Trump dans l'évidence de la réalité qui dérape et des passions qui se déchaînent. On le sait depuis Goya, le sommeil de la raison engendre des monstres.