Un nouveau vent devrait souffler du côté du palais du Bardo. Les députés sont appelés à s'intégrer dans l'approche suivie par Youssef Chahed, celle d'agir avec le maximum de célérité pour voter les lois dont le gouvernement a besoin Avec l'avènement de Youssef Chahed à la tête du gouvernement et sa volonté d'agir vite, parce que le temps n'est plus aux tergiversations, il semble qu'un nouveau vent va souffler dans les jours à venir au palais du Bardo: l'objectif est que les députés puissent suivre le rythme que le nouveau chef du gouvernement veut imprimer à l'action de son équipe et, par ricochet, à l'action législative. En d'autres termes, il n'est plus question qu'un projet de loi soumis par le gouvernement à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) passe des mois dans les tiroirs du bureau de l'Assemblée et se promène durant plusieurs semaines entre les différentes commissions parlementaires. Aussi, il n'est plus question que ces mêmes commissions rivalisent en matière d'invitation des experts de tous bords, des associations de la société civile et des ONG internationales établies en Tunisie pour écouter leurs avis et le plus souvent — ayons le courage de le dire — obéir aveuglément à leurs instructions, sous le fallacieux prétexte d'associer la société civile à l'action législative comme si tout un chacun qui ouvre «une boutique spécialisée dans une activité quelconque» devenait automatiquement un législateur écouté, plus encore craint et redouté parce qu'il bénéficie d'une machine médiatique bien huilée et rompue aux campagnes de pression et d'interventionnisme. D'autre part, il est temps que les députés se prenant pour les stars du palais du Bardo comprennent que la priorité en matière de législation est aux projets de loi soumis par le président de la République et le gouvernement. Les propositions de lois revenant aux députés ne doivent, en aucune manière, supplanter celles présidentielles ou gouvernementales et occuper le temps des députés et leur énergie au point que plusieurs lois dites organiques se trouvent délaissées des semaines ou des mois, attendant, à titre d'exemple, que le projet de Mehdi Ben Gharbia sur la légalité successorale soit examinée en commissions, discutée en plénière et adoptée ou rejetée (on ne sait d'ailleurs pas le sort qui sera réservé à cette proposition de loi maintenant que Ben Gharbia est devenu ministre chargé des Relations avec la société civile). Il est urgent de retourner aux fondamentaux Et il est légitime de se poser la question suivante : et si d'autres députés décidaient à l'occasion de la rentrée parlementaire prévue pour début novembre prochain (on parle d'une session exceptionnelle pour septembre à l'initiatives de plus de 100 députés, mais la décision finale n'est pas encore annoncée) de faire des propositions de lois comme celle de légiférer officiellement les 20% des revenus du phosphate au profit de la population du bassin minier ? A ce moment, bonjour les discussions interminables et les priorités de Youssef Chahed et de son gouvernement peuvent attendre. Et c'est bien dans l'esprit de retourner aux fondamentaux sur lesquels reposent généralement les rapports gouvernement-Parlement que s'inscrit la rencontre qu'a eue, en début de semaine, Youssef Chahed avec Mohamed Ennaceur, président du Parlement. L'idée maîtresse de la rencontre est la suivante : instaurer une synchronisation permanente entre l'action gouvernementale et l'action législative, de manière à ce que les projets de loi soumis par le gouvernement soient examinés et votés par les députés dans des délais raisonnables ou rapides comme l'exige la situation où se trouve actuellement le gouvernement Chahed. Et quand on sait que la conférence internationale des bailleurs de fonds au profit de la Tunisie est prévue pour fin novembre prochain, on se demande comment va opérer le gouvernement afin que le nouveau code de l'investissement soit adopté (avant que les députés ne partent en vacances, seuls trois articles du même code ont été adoptés) avant que les investisseurs étrangers attendus lors de la même conférence débarquent en Tunsie au cas où — il faut le préciser — ils seraient motivés par les incitations que contient le code. Idem pour le plan de développement économique et social 2016 - 2020 qui sera aussi proposé aux bailleurs de fonds internationaux. Et comme l'opération attraction des investissements étrangers se distingue par sa dimension complémentarité et interdépendance, il est aussi primordial que la loi de finances complémentaire pour l'exercice 2016 et le projet de budget de l'Etat pour l'exercice 2017 soient finalisés dans les délais prescrits, afin que les investisseurs, qu'ils soient tunisiens ou étrangers, sachent à l'avance où ils vont placer leur argent. L'idée d'impliquer les députés directement et intégralement dans l'action gouvernementale, à travers leur effort législatif, ne signifie point qu'ils sont appelés à s'aligner automatiquement ou aveuglément sur les thèses gouvernementales et à abandonner leur devoir de contrôle et de suivi à la loupe de l'action gouvernementale. Bien au contraire, la célérité dont ils devraient faire montre en votant les lois qui leur sont proposées n'entame en rien leurs attributions d'apporter les correctifs qu'ils jugent nécessaires à ces mêmes lois. Et c'est bien en saisissant que le palais du Bardo n'est pas une arène de division, de polémiques infinies ou de campagnes électorales avant terme que nos députés, qu'ils appartiennent aux partis au pouvoir ou aux diverses gauches, assumeront leur rôle initial de locomotive du développement et du progrès partagés au maximum.