D'où vient ce besoin de rameuter du monde, et du monde oublieux de l'art qui impose fortement ses marques ? A l'instar des JCC, les JTC font salles combles. Il faut se lever tôt pour voir une pièce. Les invités étrangers, les participants tunisiens et les journalistes, censés couvrir, doivent réserver leurs places avant 10 heures du matin, autrement, on les refoule à la porte. Il semblerait que la direction des JTC consacre un nombre déterminé de «billets-réservation» pour ceux qui ont des badges. Dépassé le quota, le reste des billets est vendu aux «clients». Qui donc remplit les salles ? Les badgés-lève-tôt ou les clients «ordinaires» ? C'est à vérifier. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on a dû distribuer plus de badges qu'il n'en faut. Le public tunisien aime-t-il le théâtre à ce point ? Car, en dehors des festivals, les anges passent du côté des théâtres. Les professionnels du domaine doivent investir dans la promotion pour remplir leurs salles. C'est à croire que le Tunisien se plaît dans le festif et les bains de foule et qu'un badge est l'équivalent d'un passeport qu'il n'utilisera peut-être jamais. A propos de foule. Qu'y a-t-il derrière l'invitation de Yahia Fakhrani, l'acteur égyptien de cinéma et de télévision? On nous dit que cet homme est avant tout un homme de théâtre. Mais en Egypte la plupart des acteurs de cinéma font du théâtre. La question n'est pas là. Nous ne doutons pas du talent de l'artiste, mais du choix des directeurs de nos festivals. Ces derniers semblent plus préoccupés par l'apparat, le racolage du public et ce qu'ils appellent «la réussite médiatique» que par le contenu de leur manifestation. Jusqu'à il y a une dizaine de jours, on parle encore, à la radio, de la robe de Dorra Zarrouk (alias Dorra tout court en Egypte) qui était présente aux dernières JCC et du fameux buzz causé par la présence d' Adel Imam. Est-ce cela l'objectif des JCC ? Où sont passés les films ? Qu'a-t-on fait des autres invités tels que Michel Khleifi, Mohamed Malas et Mohamed Bekri ? Ils étaient livrés à eux-mêmes, loin des caméras, parce que les nouveaux professionnels des médias ne les connaissent pas. Hélas, ces derniers ne tendent désormais leurs micros que pour les visages connus de la télévision, même s'il s'agit de la foire du meuble. Lorsque le bruit a couru que Yahia Fakhrani sera présent à la clôture des JTC, tout le monde en parle. Comme si Shakespeare avait ressuscité. Que se passe-t-il ? On dirait que l'envie pressante de «réussir» est en train de ruiner la simple intelligence. Nous sommes en festivals d'après la révolution. Les guerres gênent aux entournures de l'habit. Et nos décideurs, en col cassé, veulent nous faire croire que la vie est belle, que nous sommes heureux et que c'est avec ça que nous allons combattre le terrorisme. Détendez-vous, queues-de- pie ! Nous avons compris. La vérité est ailleurs.