Les idées ne manquent pas, mais le problème est dans le mode de gestion des projets. Les privés peuvent apporter une réelle valeur ajoutée, surtout qu'ils sont prêts à prendre certains risques que le public ne prend pas L'industrie tunisienne a présenté, depuis toujours, de grandes opportunités de croissance, vu un tissu industriel très développé depuis les années 70 dans différentes branches et aussi une main-d'oeuvre qualifiée et concurrentielle sur l'ensemble de la région. Une offre qui est toujours là bien qu'elle ait subi le coup des perturbations politiques et sociales, ces dernières années et reflète des atouts compétitifs que la Tunisie devrait affermir davantage afin de lui redonner l'image d'une destination économique privilégiée dans le bassin méditerranéen. Mais mettre en avant ces atouts est un travail de rigueur sur lequel doit miser le gouvernement tunisien. La Conférence internationale sur l'investissement, organisée les 29 et 30 novembre, a constitué à cet égard une réelle opportunité à saisir pour la concrétisation de cet objectif. Un challenge pour faire de la Tunisie "une success story économique", selon Zied Laâdhari, ministre de l'Industrie et du Commerce. Ainsi, le rôle des structures gouvernementales dans la facilitation de l'investissement est une composante essentielle de l'environnement des affaires. Une question sur laquelle se sont penchés les participants à la deuxième conférence plénière sous le thème "la Tunisie, une plateforme industrielle et logistique aux portes de l'Europe et de l'Afrique". Agir vite Pour Hichem Elloumi, président de la société tunisienne Coficab, la Tunisie était le premier pays exportateur en industrie vers l'Union européenne. Un positionnement qui a été fragilisé ces cinq dernières années. "L'investissement s'est maintenu, mais pas au niveau souhaité pour créer de la croissance. Le taux de chômage est resté élevé. Mais une chose est sûre, la Tunisie a les capacités, les compétences et la compétitivité nécessaires par rapport à ses concurrents. Il faut travailler pour avancer davantage ». Pour cela, il faut agir et vite, selon Salem Nabgha, PDG du groupe Vectorys, indiquant que tout investisseur doit être convaincu pour investir dans un pays donné. "Il existe des projets imminents dans divers domaines. Il faut donner un vrai coup de pouce et donner la possibilité aux privés", indique-t-il. De son côté, Gianni Zanelli, président d'Olimpias (Groupe Benetton), a souligné que la Tunisie est une zone de production de proximité dans le bassin méditerranéen et elle a comme atout la flexibilité et la réactivité. Présent depuis les années 90 en Tunisie, ce groupe dispose de trois zones de production en Tunisie et un réseau de sous-traitants. M. Zanelli estime, toutefois, que l'absence de fournisseurs de fils et d'accessoires dans le pays est un point contraignant, puisque le groupe devrait les importer de Turquie, d'Espagne, etc. De même pour les délais de dédouanement qui doivent être révisés. Philippe Delleur, vice-président du groupe français Alstom, indique que le choix d'ouvrir un centre d'ingénierie en Tunisie a été motivé par la présence d'ingénieurs très qualifiés. "Mais le renforcement des infrastructures est capital pour consolider la croissance et affermir la compétitivité du site tunisien. Au niveau du financement, il faut être capable de gérer les projets, de les générer et de les structurer. Les idées ne manquent pas mais le problème est dans le mode de gestion des projets. Les privés peuvent apporter une réelle valeur ajoutée, surtout qu'ils sont prêts à prendre certains risques que le public ne prend pas", souligne-t-il. Etat facilitateur Face à cet ensemble de critiques, M. Laâdhari s'est montré réconfortant, insistant sur la volonté du gouvernement de faire de l'investissement une priorité pour la création d'emplois et de la croissance. "Nous voulons créer des emplois durables et exporter notre intelligence au reste du monde. La Tunisie dispose de plusieurs atouts. Il y a des secteurs qui ont réalisé des progrès extraordinaires comme le secteur aéronautique et les industries mécaniques et électriques (IME). La Tunisie reste aussi un secteur compétitif en termes de ressources humaines, de coût et de qualité", lance-t-il. A ce niveau, M. Elloumi précise qu'il faudrait axer sur les stratégies de filières en Tunisie. Il a indiqué que le secteur agroalimentaire est un secteur qui a un grand potentiel à se développer dans les régions intérieures en comparaison avec d'autres secteurs. "Nous avons la capacité d'attirer des projets structurants dans plusieurs domaines. Nous avons besoin également de l'accès du marché. Le soutien international doit avancer plus pour faciliter cet accès", appelle-t-il. Le ministre a ajouté que le rôle du gouvernement est d'offrir les outils à l'entreprise pour lui permettre de développer son activité. Il signale que le gouvernement œuvre à être un facilitateur et un accompagnateur, tout en proposant des solutions aux difficultés de toute nature rencontrées par les investisseurs . "Notre priorité pour les années à venir est la réussite économique. Nous pouvons nous réjouir d'une success story politique, mais pour réaliser la success story économique, il faut l'implication du secteur privé et des investisseurs", explique-t-il. Mais la question sociale semble être une des difficultés soulevées par les investisseurs. Pour M. Laâdhari, cette question devrait être regardée par rapport à son contexte, qui est celui de la transition démocratique. Il insiste sur le fait que le dialogue social reste la clé d'une transition réussie, indiquant qu'un contrat social a été signé et que les efforts sont déployés pour la mise en place d'une instance de dialogue social. "Le gouvernement est là pour accompagner la transition sociale. Vous pouvez compter sur nous", rassure-t-il. Recevabilité En ce qui concerne la réforme des procédures administratives, le ministre a affirmé que l'héritage bureaucratique est très lourd, mais il y a des améliorations qui seront reflétées par une nouvelle gouvernance de l'investissement. A l'exemple de l'octroi des autorisations qui devraient être moins lourd et accessible aux investisseurs. Il y a aussi un nouveau cadre juridique pour les zones franches, eu égard au positionnement géostratégique de la Tunisie, lui permettant d'être un hub entre l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. Mais si la Conférence internationale sur l'investissement "Tunisia 2020" a permis d'attirer un nombre conséquent d'investisseurs potentiels, Salem Nabgha, PDG du groupe Vectorys, estime que le succès politique ne peut se mesurer que par le succès économique. Une chose est sûre : cette conférence a permis aux investisseurs de redécouvrir la Tunisie. En termes d'engagements, plus de 15 milliards de dollars d'investissement ont été déclarés au premier jour. Le vrai challenge maintenant est la concrétisation effective de ces engagements. La réussite de la transition démocratique tunisienne a été saluée par le monde entier. Il est temps actuellement de miser sur les réformes économiques nécessaires pour décongestionner le climat des affaires et donner une plus grande marge au secteur privé pour jouer son rôle crucial dans la création de la croissance et de la valeur ajoutée. D'ailleurs, M. Laâdhari l'a reconnu."Nous serons redevables du résultat". Espérons donc que Tunisia 2020 sera le catalyseur de l'investissement dans notre pays et que les paroles se transformeront réellement en actes. Repositionner l'économie tunisienne Avec un taux de chômage de 15,5% au troisième trimestre 2016, la Tunisie a plus que besoin d'une dynamique économique vitale pour la croissance et la création d'emplois. Le taux de croissance qui ne dépasse pas les 1,3% actuellement est un signal d'une stagnation économique qui requiert du gouvernement tunisien une accélération des réformes économiques et aussi une nette amélioration de la paix sociale. Mais cette conjoncture économique difficile ne devrait pas aussi cacher les atouts dont dispose le site tunisien. Selon Zied Laâdhari, la qualité des ressources humaines n'est plus à démontrer. Les universités tunisiennes dégagent chaque année 60 mille diplômés de l'enseignement supérieur dans les disciplines scientifiques et technologiques. En termes d'infrastructures, le pays dispose d'infrastructures très importantes. A noter 5 mille hectares de zones industrielles, auxquels 1500 hectares seraient ajoutés d'ici 2020. L'objectif est de créer entre 150 et 300 hectares par an pour accélérer la cadence. D'ailleurs, M. Laâdhari a affirmé que le concept de zone industrielle est en train d'être revu pour être un pôle d'attractivité et une zone intégrée et un espace de vie offrant toutes les commodités pour les investisseurs et tous les acteurs économiques. M.O.