Le droit de retrait de la confiance accordée aux élus était soumis à une consultation auprès du Tribunal administratif qui a émis un avis favorable, mais n'est pas encore mis en application L'un des soucis majeurs des universitaires est inhérent à la gestion. Il est à rappeler, à ce propos, que tous les trois ans vers la fin du mois d'avril, on procède à des élections pour choisir l'ensemble des structures de gestion. C'est-à-dire les présidents des sections, les commissions scientifiques, les directeurs, les doyens, les recteurs et les conseils des universités. Depuis quelques années, leur syndicat revendique l'élaboration d'une nouvelle loi qui organise aussi bien les élections que le rendement qui doit être, selon eux, supervisé par les différentes structures pédagogiques. Mais, cette loi essentielle était négligée, lors de la session précédente de 2014, sous prétexte que les délais étaient dépassés et que cette question requerait la ratification de lois. Le résultat était catastrophique, que ce soit au niveau des représentants des enseignants que sur le plan des représentants des autres catégories. Préserver le principe de pluralité La conséquence directe de cette négligence délibérée, selon les affirmations du secrétaire général de la Fgesrs, Hassine Boujarra, c'était la crise qui s'est déclenchée immédiatement après, au début de la rentrée universitaire suivante, avec des grèves successives des étudiants et des enseignants, à cause de directeurs contestés dont les décisions n'étaient pas appliquées et qui ont fini par céder devant cette vague de protestation et se retirer après un ou deux mois. On trouvait, par exemple, un professeur appartenant au corps A s'autoproclamer directeur, prétextant qu'il était le seul relevant de cette catégorie dans son établissement. Ce qui annihilait toute compétition électorale et bafouait le principe même des élections démocratiques. Pour sauvegarder le principe de pluralité, et vu que les professeurs du corps A et ceux du corps B disposent respectivement de cinq places dans les conseils scientifiques, le syndicat a proposé qu'au cas où il n'existerait que des enseignants de l'une ou de l'autre de ces deux catégories, le candidat ne peut se présenter aux élections que lorsqu'il se trouve dans l'établissement dix professeurs du corps auquel il appartient. La Fgesrs s'est mise d'accord avec le nouveau ministre de remettre cette question sur la table des négociations afin de parvenir, au début du mois de janvier prochain, à élaborer une loi qui puisse organiser ces élections et qui réponde aux aspirations des universitaires que Boujarra résume en deux points : la démocratisation des élections et de la gestion. Ce qui impose, d'après lui, la création d'un conseil d'administration où toutes les parties seraient représentées, à côté bien sûr du conseil scientifique où ne doivent se trouver que ceux qui ont la qualité scientifique, à savoir les enseignants et les étudiants. «Ceci en réponse à des accords signés par l'ex-ministre, Moncef Ben Salem, qui a voulu porter atteinte aux élections pédagogiques et aux libertés académiques, en y introduisant les fonctionnaires et les ouvriers», nous confie le secrétaire général de la Fgesrs. Il souligne que la démocratisation de la gestion devrait être assurée par le biais du contrôle du premier responsable dans la faculté ou l'université, vu qu'après les congrès des conseils scientifiques et des conseils des universités, certains de ces élus font cavalier seul et ne rendent plus de compte à personne, ni ne convoquent le conseil scientifique, comme c'est le cas actuellement à l'Insat de Tunis où la crise dure depuis deux ou trois mois à cause de cette crise de gestion, ce qui a amené plus des 2/3 des enseignants à signer une pétition pour réclamer le départ du directeur. L'observatoire des libertés académiques Conformément à cette logique, le corps électoral a le droit de contrôler le travail des élus et de leur retirer sa confiance s'il l'estime nécessaire. Ces droits favorisent la gestion collective, la seule garante de la limitation des dépassements et de la corruption, en vue d'instaurer des pratiques démocratiques entre les mandats. Le droit de retrait de la confiance accordée aux élus était soumis à une consultation auprès du Tribunal administratif qui a émis un avis favorable, mais n'est pas encore mis en application. «L'importance de ce droit est telle qu'il permet de révoquer les collaborateurs de l'ancien régime qui ont pu, par mégarde, accéder aux structures pédagogiques, autrement dit de conscientiser le corps électoral et de rationaliser les élections, en offrant l'opportunité à celui-ci de rectifier le tir et de corriger l'erreur. La protection de ces libertés est un impératif d'autant plus qu'elles sont constamment menacées, et l'expérience de la Troïka est encore vivace pour nous rappeler la vérité historique selon laquelle tout est susceptible de régresser, c'est-à-dire qu'il n'y a jamais d'acquis définitif», insiste Hassine Boujarra. C'est dans ce cadre que la Fgesrs a pris la décision de réactiver une structure qui n'a pas fonctionné comme il se devait, à savoir l'Observatoire des libertés académiques, une structure qui existait avant la révolution et qui constatait les atteintes que subissaient les universitaires au sein de l'université. Après le 14 janvier, cet observatoire s'est concentré sur les agressions commises à l'encontre de l'université par les salafistes qui voulaient lui imposer leur projet obscurantiste. Ces agressions ont été filmées et les syndicalistes universitaires ont intenté des actions en justice sur la base de ces faits avérés qui ont, également, servi à la mobilisation de la société civile. Aujourd'hui, la conjoncture est différente, et ces atteintes continuent encore, et elles sont surtout commises par l'autorité de tutelle qui prend des décisions de manière unilatérale, sans y faire participer ni les structures pédagogiques, ni les structures syndicales, toujours d'après notre interlocuteur. Ces décisions se rapportent, notamment, au recrutement, aux promotions et aux mutations des universitaires. Enfin, il nous précise que le rôle de l'observatoire ne consiste plus seulement à repérer les atteintes à ces libertés, mais aussi à participer, à travers des séminaires, à la mise en place d'une nouvelle conception de ces libertés qui doivent rester l'élément essentiel dans l'espace universitaire.