Le problème essentiel des syndics en Tunisie, notamment concernant les vieux immeubles de Tunis, reste le refus de paiement des charges par les locataires. Résultat : parties communes négligées, absence d'entretien et d'hygiène, façades dégradées, ascenseurs en panne... Etre propriétaire ou locataire d'un appartement dans un immeuble à Tunis est une épreuve difficile. Les habitants de ces immeubles se plaignent des négligences et du laisser-aller du propriétaire ou du gérant en charge de l'entretien de l'immeuble. Les syndics n'existent pas dans la capitale. Les propriétaires, copropriétaires ou gérants font appel pour l'entretien hebdomadaire des parties communes à une femme de ménage. Les réparations ou remplacements des lampes usagées ne se font pas. De même, le badigeonnage de la façade de l'immeuble. Faire appel à un syndic est coûteux et les habitants ne sont pas disposés à payer leur dû. Dans un immeuble de quatre étages situé dans le quartier la Petite Sicile à Tunis, il n'existe ni syndic, ni concierge pour assurer l'entretien et le gardiennage. «Les locataires refusent de payer les services d'une femme de ménage pour nettoyer les parties communes. La rampe branlante des escaliers, qui sont dans un état déplorable, représente un véritable danger pour les habitants. La Sonede a coupé depuis quelques mois l'eau pour des factures impayées. Pour ce qui est de l'éclairage, j'ai dû, moi-même par mes propres moyens, mettre des lampes dans chaque étage», indique Mohamed, électricien et locataire dans cet immeuble. Syndic ou concierge ? Dans une cité à Ben Arous, des immeubles récemment érigés n'ont pas de syndic. «On nous a promis un syndic lorsque les 12 appartements restants de la résidence seront vendus», indique un habitant du quartier. La cotisation mensuelle est de 50 dinars. Je ne sais pas si les futurs propriétaires ou locataires payeront cette somme», ajoute-t-il. Pour l'heure, un syndic qui a plutôt le profil d'un gardien assure l'entretien et le gardiennage des lieux en contrepartie d'un salaire mensuel de 250 dinars. Dans une autre cité huppée de Tunis, les Jardins de Carthage, la situation n'est pas meilleure. Mohamed, locataire d'un S+2, se plaint du manque de propreté de l'ascenseur et de la sécurité des lieux. «Pourtant, je paie 100 dinars par mois de cotisation», rechigne-t-il, ajoutant que «les syndics ont beaucoup plus le profil de concierges tant leur activité est réduite et ne se limite qu'au nettoyage des escaliers et à la surveillance des allers-venues». Le code des droits réels régit le métier de syndic. Ne peut s'improviser syndic n'importe qui. Le syndic d'immeuble est une sorte de mandataire des copropriétaires constitués en syndicat, et ce, en vertu de l'article 89 nouveau du code des droits réels (loi du 27 octobre 1997) où il est stipulé que : «Le syndic est le président du syndicat qui a pour mission d'agir au nom du syndicat dans l'intérêt des copropriétaires . Il est élu à la majorité des voix des copropriétaires conformément à la procédure fixée au même code. Il est lui-même assisté d'un comité composé de 3 à 9 propriétaires choisis parmi ces derniers». Le syndicat des propriétaires est chargé notamment de la conservation de l'immeuble ou de l'ensemble immobilier, de la gestion et de l'entretien des parties communes, conformément aux dispositions du même code, ainsi que du règlement de copropriété. Or, la réalité est tout autre. Les propriétaires ne sont pas satisfaits du rendement des syndics qui estiment que les copropriétaires sont de mauvais payeurs. Des copropriétaires, mauvais payeurs Selon certains syndics, les copropriétaires sont tenus pour responsables de la dégradation de leur immeuble. «Ils ne veulent pas payer leur cotisation et rouspètent tout le temps sur l'entretien et la propreté des lieux». Il est clair que les deux parties se rejettent mutuellement la responsabilité. En effet, la principale faiblesse en copropriété est le refus des copropriétaires de payer leurs cotisations mensuelles, ou bien de le faire avec beaucoup de retard. Résultat : la femme de ménage et le concierge ne sont pas toujours payés à temps, la façade de l'immeuble perd de son attrait faute de réfection et de peinture, et les escaliers sont souvent dans un état crasseux. Ainsi, les disputes entre les copropriétaires sont monnaie courante. «Les problèmes se posent toujours au moment de payer. Lorsqu'un copropriétaire refuse, les autres le suivent et refusent à leur tour de payer. C'est un cercle vicieux dont il est difficile de s'en sortir», déplore Salah, ancien membre du syndic de son immeuble. «Je me suis engagé dans cette responsabilité il y a 10 ans en tant que copropriétaire et citoyen. Au début, cela se passait bien, puis cela s'est dégradé lorsque les propriétaires louent leurs appartements. Ils ne paient plus leur cotisation et les locataires manquent de savoir-vivre et de respect. Malheureusement, il y a une absence répandue de la notion d'intérêt général. J'ai donc pris la décision de renoncer à cette responsabilité». Les plus récalcitrants sont les propriétaires qui n'ont pas encore payé leur crédit et n'ont pas les moyens de s'engager dans d'autres dépenses supplémentaires. En plus du fait que certains mauvais payeurs manquent de civisme et de savoir-vivre. «Certains copropriétaires ou locataires n'entretiennent même pas leur intérieur et se sentent encore moins concernés par les parties communes. Des campagnes de sensibilisation devraient être menées dans ce sens et les médias, notamment audiovisuels, devraient se pencher davantage sur la question dans le but d'un meilleur vivre ensemble», conclut Salah.