Par Abdelhamid GMATI Le projet de loi amendant et complétant la loi organique n°16 de 2014 relative aux élections et aux référendums a été adopté, mardi dernier, à une majorité de 139 voix, contre 22 abstentions. Grande satisfaction générale, le ministre des Affaires locales et de l'Environnement, Riadh Mouakher, estimant « qu'il s'agit d'un grand acquis de la démocratie ». Et pour cause. Ce projet de loi a été bloqué pendant 7 mois, certains articles jugés « délicats » faisant l'objet de désaccords entre les partis politiques. Il s'agit surtout de l'article 6 concernant le droit de vote des sécuritaires et des militaires. Le principal opposant à ce droit de vote était le mouvement Ennahdha, qui estimait « dangereux » que « les porteurs d'armes » soient mêlés à la politique. En arrière-fond, la crainte de coup d'Etat militaire comme cela s'est passé ailleurs. En fait, on se rappelle les dires de Rached Ghannouchi qui prévenait que les sécuritaires et l'armée ne sont pas « sécurisés »; comprendre qu'ils ne sont pas acquis à l'idéologie islamiste. D'où la nécessité d'éviter ces électeurs potentiellement hostiles. Et voilà que cet article est adopté par 144 députés avec 11 contre et 3 abstentions. Il y a là un rétropédalage d'Ennahdha explicable par plusieurs raisons dont la colère des concernés qu'on prive de leur droit de citoyen et aussi le changement de la politique américaine avec un nouveau président déclarant la guerre aux terroristes islamistes et à l'islam politique. Autre rétropédalage du mouvement islamique : prônant pendant des jours le retour des terroristes des foyers de tension, en se référant entre autres au texte de la Constitution, les nahdhaouis abandonnent cette position et s'alignent sur celle du gouvernement qui estime que la loi antiterroriste sera appliquée. Et le chef du mouvement plaide la repentance pour les jihadistes ayant admis leurs forfaits. Et là il brandit le spectre de la « décennie noire » que l'Algérie a traversée durant les années 90. Pour lui, « le peuple tunisien n'est pas préparé à l'heure actuelle à une réconciliation avec les terroristes « induits en erreur et désireux de réintégrer la société » à l'instar de l'expérience algérienne. Et il affirme qu'il faut s'accorder du temps pour se résoudre à l'idée de la repentance, faute de quoi une guerre civile aurait lieu. Rien que cela. Et il y a d'autres rétropédalages : « L'administration se doit d'être neutre, de faire preuve d'indépendance et d'éviter toute forme d'instrumentalisation partisane ou idéologique », a déclaré le chef du gouvernement, Youssef Chahed, samedi 29 octobre lors de l'ouverture de la Conférence des directeurs généraux du ministère de la Fonction publique et de la Gouvernance. Vendredi dernier, le chef du gouvernement annonce un mouvement dans le corps des délégués touchant 114 délégations. Cela provoque un tollé du côté d'une partie de la classe politique, qui y voit une répartition « partisane ». On relève que les délégués nommés appartiennent ou sont proches des partis membres de la coalition gouvernementale avec le plus grand nombre revenant à Nida Tounès et Ennahdha. L'approche des municipales explique-t-elle ce rétropédalage ? Le 14 janvier dernier, le chef du gouvernement affirmait que la liberté de la presse «est un garde-fou pour la démocratie et le gouvernement s'emploie à consolider et soutenir ce secteur». Et il insistait sur « l'importance de la promulgation de la loi organique sur l'accès à l'information au Journal officiel en mars 2016 ». Mais voilà qu'une circulaire de Youssef Chahed interdit aux ministres « de communiquer, sauf autorisation de ses services de communication ». Les syndicats du secteur dénoncent cette circulaire comme « une tentative de remise en question du droit à l'information et de la liberté de la presse ». La Haica a exigé «des explications du gouvernement», estimant que «les décisions de ce genre nous font peur puisqu'elles touchent aux acquis de la révolution, notamment la liberté d'expression, la liberté des médias ainsi que le droit à l'accès à l'information». Ce rétropédalage vise-t-il à restreindre l'accès à l'information ou est-ce une remise en ordre d'une communication gouvernementale jugée chaotique ? Depuis 6 ans, on s'est habitué à ces responsables qui disent des choses puis se contredisent. C'est qu'entre la conviction première et la réalité des choses, il y a contradiction. Mais, ces rétropédalages ne sont souvent que des « replis tactiques », l'objectif premier n'étant pas abandonné.