Alors que la volonté politique a été valorisée en tant que facteur déterminant pour renforcer la lutte contre la corruption, l'on a appelé à renforcer les textes et procédures judiciaires et pénales, outre l'augmentation du budget de l'Inlucc et la définition des rôles de manière à donner plus d'efficacité aux travaux de tous les intervenants. La promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et le terrorisme constituant le projet « Snac 2 Tunisie » du Conseil de l'Europe a été le point focal de tout un travail de diagnostic en conformité avec les actuels standards internationaux en la matière et ceux du Conseil de l'Europe selon les méthodologies développées par son groupe d'Etats contre la corruption (Greco). Les résultats et les recommandations de ce travail ont été présentés hier par le ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, Abid Briki, le président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption, Inlucc, Chawki Tabib, et le chef du service de la lutte contre la criminalité à la direction générale des droits de l'Homme et l'Etat de droit relevant du Conseil de l'Europe, Ivan Koedjikov. Environ 70 recommandations ont été formulées par les experts du Conseil de l'Europe et d'autres experts tunisiens et étrangers. En effet, c'est avec l'accompagnement du Conseil de l'Europe, et dans le cadre du programme « Vers une gouvernance démocratique renforcée dans le Sud de la Méditerranée » que la Tunisie vient de mener un travail de diagnostic global des composantes intégrant les efforts nationaux de lutte contre la corruption. Ce diagnostic est le fruit d'un travail lancé depuis 2015 avec un premier projet de rapport de diagnostic délivré le mois de septembre dernier. Le rapport final sera publié très prochainement avec tous les détails sur la phase diagnostic ainsi que les recommandations développées. Avancées et divergences Abid Briki, ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, a valorisé les avancées réalisées dans les efforts nationaux de lutte contre la corruption, tout en affirmant l'existence d'une réelle volonté politique dans ce sens. Il a souligné que dans le contexte actuel, il faut agir avec deux mécanismes dont la reddition des comptes et l'anéantissement des facteurs favorables à la corruption. Briki a affirmé que le cadre juridique a connu un renforcement législatif important et a relevé l'importance des mécanismes de contrôle. Il a indiqué que lorsqu'il y a eu convergence autour du diagnostic, l'exécutif a pu réaliser des avancées intéressante dans le projet de lutte contre la corruption à plusieurs niveaux. « Le gouvernement n'a jamais hésité dans ses efforts de lutte contre la corruption et peut- être qu'il y a eu une certaine lenteur due à plusieurs facteurs dont le contexte général du pays où tout est prioritaire! Nous sommes décidé à accélérer tout le processus, notamment sur le plan exécutif puisque pour d'autres composantes, législative et autres, on a d'autres acteurs qui y interviennent dont le parlement », a-t-il expliqué. Concernant l'unification des organismes de contrôle, Briki a indiqué que le gouvernement n'a pas l'intention de procéder à cette unification et que ces instances ont besoin de clarification pour ce qui est de leurs tâches et prérogatives avant tout. Le soutien financier à allouer à l'Inlucc a fait le sujet d'une divergence entre le président de l'instance, Chawki Tabib, et le ministre, Abid Briki. Le premier, qui a valorisé les décisions et efforts des deux gouvernements Essid et Chahed, a cependant critiqué la méprise affichée par certains conseillers de ministres par rapport au travail de l'instance. Tabib a souligné qu'on a laissé dire que l'instance provoque une méprise des investisseurs de l'environnement d'affaires en Tunisie. Aussi, il a critiqué le budget minime alloué à l'Inlucc qui n'a eu que 1,7 million de dinars en 2016 et 2 millions de dinars en 2017. D'après lui, ces budgets restent en deça des attentes et objectifs alors que le budget de l'instance est un retour sur investissement. Le défaut de moyens, a souligné Tabib, touche aussi le pôle judiciaire et financier... Un grand chantier pluridisciplinaire Le diagnostic du projet Snac 2, comme il a été présenté, vise à renforcer les systèmes anticorruption de la Tunisie a couvert une multitude de thématiques dont les organes en charge des politiques anticorruption, le système judiciaire, l'administration publique, les marché publics, la police, l'administration douanière, les parlementaires, le financement des partis politiques et des campagnes électorales, le droit pénal, la confiscation et les immunités à l'égard des enquêtes, ainsi que la coopération interinstitutionnelle et internationale. Ainsi, il prévoit des recommandations portant, entre autres, sur la prévention de la corruption des magistrats, des parlementaires, des forces de sécurité intérieure, au sein de l'administration douanière, de l'administration publique et dans les marchés publics. D'autres recommandations portent sur l'application de la loi et de la procédure pénale, ainsi que l'introduction des dispositions légales autorisant la confiscation et autres privations des instruments et produits du crime. Le chef du service de la lutte contre la criminalité à la direction générale des droits de l'Homme et l'Etat de droit relevant du Conseil de l'Europe, Ivan Koedjikov, a affirmé qu'on a formulé soixante, neuf recommandations issues d'un travail qui a duré plus de deux ans. Et d'ajouter : « Par contre, ce même travail a été fait au Conseil de l'Europe pendant à peu près dix ans. La Tunisie a bien fait et vite et les recommandations couvrent tous les domaines de la lutte contre la corruption. C'est une véritable feuille de route pour la Tunisie et c'est aux autorités tunisiennes, évidemment, d'établir les priorités ». Selon lui, un grand nombre de ces recommandations vise à minimiser ou clore les risques et les opportunités qui existent suite à la manne d'homogénéité dans la législation. « C'est un chantier qui va durer dans le temps mais il faut aussi agir sur les motivations pour la fonction publique. C'est-à-dire, s'il y a un fonctionnaire qui est tenté, puisqu'il existe des opportunité pour la pratique de la corruption et s'il y a l'impunité derrière, alors il est très probable que la corruption perdure. Malheureusement, la corruption fait partie de la nature humaine et de ce point de vue les Tunisiens ne sont pas différents des Européens. Il s'agit plutôt donc d'avoir la bonne législation et les bonnes institutions qui feront qu'il y aura moins de risques et de tentations, et qu'il n'y a pas l'impunité derrière », a expliqué le chef du service de la lutte contre la criminalité à la direction générale des droits de l'Homme et l'Etat de droit du Conseil de l'Europe.