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Les délégués pourront-ils faire main basse sur les municipales ?
Enquête
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 02 - 2017

Les délégués « politisés » récemment désignés par Youssef Chahed interviendront-ils pour faire pencher la balance, lors de la campagne, vers un parti plutôt qu'un autre ? Eux qui vont bientôt remplacer les présidents des délégations spéciales à la tête des mairies seront-ils capables de fausser le jeu électoral ? Anticipant sur l'organisation du scrutin de l'automne 2017, La Presse a mené l'enquête
Après des mois de tractations, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) adopte le 31 janvier 2017 la loi organique relative aux élections municipales et régionales. La disposition autorisant le vote des forces de sécurité et de l'armée — soit 130 000 personnes — au départ hautement controversée de la part des islamistes, est résolue dans le cadre du système des compromis minutieusement orchestré par les deux cheikhs, Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi, et institué entre les deux grands partis, Ennahdha et Nida Tounès. Décision qui augure la mise en marche des scrutins locaux, prévus pour octobre ou novembre 2017, à chaque fois reportés depuis plus de deux ans sur fond d'enjeux partisans. Et de redistribution de l'échiquier politique, notamment à la suite de la fragmentation de la formation fondée par BCE, éclatée en mille et un morceaux depuis son accès à la présidence de la République en décembre 2014.
Malgré toutes les lumières braquées sur les débats parlementaires autour du projet de loi électorale, très peu de personnes se sont rendu compte d'un autre objet de compromis, formulé cette fois-ci dans les coulisses du pouvoir. Ses fruits ont été révélés quatre jours auparavant : le mouvement dans le corps des délégués décidé par Youssef Chahed le 27 janvier 2017. Plus précisément, une désignation de nouveaux délégués, touchant 114 régions, accordée sur la base de la « règle de trois ». Ou des quotas politiques partagés entre les trois partis dominant le gouvernement d'union nationale, Nida, Ennahdha et Afek, dénonce l'opposition, et « non pas sur le niveau de compétence des candidats», ajoute-t-on.
Les soupçons des uns, les appréhensions des autres
La corrélation entre les deux compromis déclenche une série de craintes chez plusieurs observateurs de la scène politique locale.
« Il s'agit de pratiques, qui cherchent à avoir la mainmise sur tous les instruments du pouvoir, dont les élections. Cette démarche ne présage rien de bon, particulièrement si on veut établir un contrat de confiance ente les citoyens et la classe politique », critique Said Aidi, ancien ministre de la Santé sous le gouvernement Habib Essid et ex-dirigeant de Nida Tounès, qui se démarque depuis quelques temps par ses distances vis-à-vis du parti créé par BCE.
Les délégués partisans fausseront-ils le jeu électoral ? Eux qui vont bientôt déloger et remplacer les présidents des délégations spéciales à la tête des mairies, accusés d'afficher, à 80 % d'entre eux, des couleurs politiques trop prononcées, « néfastes pour l'impartialité et la transparence des prochaines élections », a décrété le Parlement. Interviendront-ils, par les moyens logistiques et humains qui sont à leur disposition, pour faire pencher la balance, lors de la campagne vers un parti (le leur) plutôt qu'un autre ? L'Isie saura-t-elle maîtriser et contrôler le large parc des circonscriptions, soit 350, prévues pour les municipales ? Mais les délégués pourront-ils véritablement, dans les faits, fausser le jeu électoral ? Parce que la campagne s'annonce cruciale au vu des opportunités qu'elle ouvre pour les vainqueurs aux prochaines législatives de l'année 2019, les soupçons des uns répondent aux appréhensions des autres.
« Il faudra compter avec l'inconscient venu du passé »
Certes, le lourd héritage de l'ancien régime fondé sur l'assujettissement des citoyens et la primauté des allégeances sont des facteurs susceptibles de réduire la confiance dans le processus à venir. Considéré comme un des chaînons du quadrillage partisan, qui « rend service », notamment aux familles indigentes et aux précaires en tous genres, contre un « pacte de l'obéissance », le délégué fonctionne toujours comme un rouage de transmission de bas en haut et de haut en bas. Avec le gouverneur, il représentait, par le passé, selon le Professeur Salsabil Klibi, juriste constitutionnaliste « les bras, les oreilles et les yeux du parti-Etat ».
Le juge administratif Ahmed Souab développe une réflexion dans ce sens : « Si on avait placé des énarques à ce poste, on aurait évité de se retrouver avec des hommes à l'image du délégué démissionnaire de Meknassy, degré zéro de culture, bac moins sept, un ancien président de cellule destourienne, dont on a vu le discours décadent dimanche dernier dans l'émission « Liman Yajroô ». Si en droit, les délégués sont plutôt des médiateurs, des facilitateurs, démunis de véritables attributions, c'est dans l'inconscient des Tunisiens que leur importance décuple à l'infini ».
L'Isie pourra-t-elle contrôler les 350 circonscriptions ?
L'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide) s'est spécialisée, depuis sa création en mars 2011, dans l'observation des processus électoraux. Son président, Moez Bouraoui, est catégorique : « Je ne vois pas comment, ni à quel niveau, un délégué peut intervenir dans l'échiquier électoral, qui est dominé d'un bout à l'autre — de la campagne au dépouillement des urnes et à l'annonce définitive des résultats — par une instance indépendante, en l'occurrence l'Isie ».
L'expert ajoute : « Ces peurs ne sont pas justifiées. S'il y avait le moindre risque, nous aurions été les premiers à le dénoncer ».
Rafik Halouani, coordinateur général du réseau Mourakiboun, spécialisé dans les élections, va plus loin : « Dans l'isoloir, chacun est libre de ses gestes. Le délégué « politisé » ne va quand même pas poursuivre le citoyen jusque-là ».
Si Salsabil Klibi partage la conviction de Moez Bouraoui quant à l'impossibilité de frauder aujourd'hui dans le cadre de la professionnalisation de l'observation électorale, elle ne semble pas tout à fait d'accord avec le reste de son analyse.
« L'Isie ne contrôle pas la précampagne que mèneront probablement ces délégués au profit de leurs partis en distribuant des dons, des services, des cartes de soins et des aides sociales aux populations. Comme du temps de Ben Ali, ils feront à mon avis du zèle pour démontrer à quel point leurs formations politiques sont derrière ces actes de solidarité. Chose qui peut influencer l'électorat. Je constate aujourd'hui, où l'esprit d'allégeance revient en force, une régression par rapport aux promesses de Habib Essid de dépolitiser l'administration chargée des élections municipales ». D'autant plus que prenant la place des maires, ils seront, entre autres, responsables de l'emplacement des listes et des affiches électorales dans l'espace public des 350 circonscriptions. Y aura-t-il assez de contrôleurs couvrant toute la République, pour tout vérifier ? Une Isie qui évolue dans une ambiance où la neutralité fait défaut pourra-t-elle être vraiment indépendante et libre ?
« Ils pourront aussi affecter un espace ou un agent municipal pour la réunion du parti dont ils sont proches. L'alerte peut être lancée en direction de l'Isie. Mais le temps que les agents de l'Instance arrivent, le mal aura été fait et la publicité déjà engagée », souligne le juge Ahmed Souab.
Chafik Sarsar, le président de l'Isie ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme : « Les circonscriptions sont des territoires assez sensibles. L'administration, plus particulièrement l'intervention des délégués, à travers l'abus des biens publics, peut changer la donne. Les municipales vont représenter un enjeu de taille. Il faudra mobiliser tout le monde pour contrôler la campagne ».
La compétence et le mérite comme seuls repères
Au-delà de la polémique provoquée par le dernier mouvement des délégués, mouvement sur lequel Youssef Chahed a annoncé ne pas avoir l'intention de faire marche arrière, surgissent beaucoup d'interrogations. Le concept de la « neutralité » se répète à six reprises du préambule à la page sept de la nouvelle Constitution, couvrant les secteurs des mosquées, de l'administration, de l'enseignement, de l'armée, de la sécurité nationale et de la justice. Ce principe a, en vérité, représenté pour les députés des divers camps, qui se sont livré bataille sur bataille le long de deux ans et demi d'affrontements sous la coupole de l'Assemblée constituante autour de la Loi fondamentale, comme un pacte de non-agression mutuelle pour l'avenir.
Plus particulièrement l'article 15 de la Constitution préconise : « L'administration publique est au service du citoyen et de l'intérêt général. Son organisation et son fonctionnement sont soumis aux principes de neutralité, d'égalité et de continuité du service public... ». L'application de cette valeur tarde à voir le jour, même si une neutralité totale reste utopique. Pour Salsabil Klibi, la réaction virulente de certains partis politiques de l'opposition quant à la désignation des délégués ne découle pas d'une position de principe, mais plutôt d'une frustration pour ne pas avoir reçu leur part du gâteau. Elle note : « On n'a pas encore saisi que l'administration de l'Etat appartient fondamentalement à l'Etat. D'où l'importance de la compétence et du mérite comme critères de recrutement ».
Les inquiétudes de Rafik Halouani, coordinateur général du réseau Mourakiboun, sont ailleurs. Les sondages démontrent jour après jour que les jeunes sont les premiers à s'avancer comme les désenchantés de la scène politique de cette longue période de transition. « Combien d'entre eux participeront aux élections municipales et régionales ? Que vaut un processus démocratique sans électeurs ? », s'interroge-t-il plus que sceptique.


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