Par Amor Ferchichi* Le foncier constitue un enjeu économique et politique majeur, il est au cœur des politiques de développement et d'aménagement urbain. Dans un contexte marqué par une forte croissance démographique, les choix des politiques foncières ont un impact sur le développement des territoires et sur la capacité des pays à répondre aux défis de sécurité alimentaire, de gestion durable des ressources naturelles et de lutter contre la pauvreté et les inégalités. Donc le développement passe par une gestion rationnelle et organisée du territoire. C'est pour cela que la possession immobilière est perçue comme une assurance de premier ordre, facteur d'estime sociale et un investissement sans risque, c'est une source de richesse et un respect ancestral envers la terre qui abrite les hommes. Le régime foncier tunisien est marqué par la coexistence des immeubles non immatriculés régis par les pratiques ancestrales foncières qui sont inspirées du droit musulman et des coutumes locales selon lesquels les droits sont consacrés et authentifiés par des actes notariés. Le second, c'est les immeubles immatriculés, qui a été instauré à partir du 1er/07/1885 et qui est caractérisé par la publicité foncière et la force probante des inscriptions aux livres fonciers. Ce dernier système présente des avantages juridiques, économiques et sociaux. Par ailleurs, les immeubles non immatriculés sont caractérisés par l'absence de publicité des droits prétendus, la méconnaissance par les tiers de l'immeuble concerné, l'insécurité des transactions et la multitude des litiges. Il en résulte que le manque total de publicité concernant les immeubles non immatriculés rend le secteur opposable à la circulation de l'investissement. La propriété foncière est soumise depuis quelques années à une forte pression due à l'explosion démographique qui aboutit à l'accroissement de la demande et la rareté du facteur terre. L'espace foncier est structuré par des statuts dont certains ne procurent pas la stabilité et les garanties nécessaires pour entreprendre sur le long terme, à cause d'obstacles majeurs tels que les terres collectives et les terres habous. Immatriculation foncière La solution pour dépasser les difficultés consiste donc dans l'établissement du régime de l'immatriculation foncière, surtout lorsqu'on sait que le livre foncier constitue l'état civil complet de chaque immeuble immatriculé permettant de connaître facilement son histoire et sa situation juridique exacte. Le service de la conservation foncière est chargé de la partie juridique de l'immatriculation, reçoit les réquisitions d'immatriculation, procède aux formalités de publicité, met à la disposition du public l'information désirée, inscrit les actes sur le livre foncier, porte les mentions sur le livre foncier et conserve les documents relatifs aux immeubles immatriculés. Chaque régime de publicité foncière est lié à un système économique donné. La propriété foncière est en général un capital qui ne peut être productif que s'il est mis en valeur. Cette mise en valeur exige la possession de moyens financiers considérables dont on ne peut disposer que par le recours au crédit. C'est que les principes du développement se basent sur la disponibilité de liquidité à puiser, principalement, dans l'épargne nationale. Le recours à l'épargne nationale exige, en premier lieu, la constitution des hypothèques pour garantir le remboursement de la créance. La propriété foncière immatriculée permet au propriétaire d'accéder au crédit. C'est pour cela qu'il est indispensable de trouver une vision stratégique pour la réforme du régime foncier tendant à instaurer le principe d'équité et de justice sociale afin de permettre la valorisation optimale de cet important patrimoine national. L'équité permettrait non seulement d'améliorer les conditions de vie de populations vivant sur ces terres, mais de contribuer à la réalisation des objectifs liés à la croissance. En effet, il s'avère nécessaire d'accélérer la procédure d'apurement de la situation juridique des terres collectives à travers la révision rapide des textes en vigueur de manière à adopter les législations foncières aux évolutions économiques et sociales. Les investisseurs sont toujours à la recherche de la protection juridique pour faire réussir leurs investissements et c'est pour cette raison qu'ils privilégient le foncier libre de tout litige. La dualité et la divergence des régimes fonciers n'encourageront pas l'investissement, c'est pour cela qu'il faut trouver une solution radicale à la problématique de la diversité des régimes fonciers et à la difficulté d'unifier les textes juridiques appliqués aux différentes catégories de foncier en Tunisie, et la mise en place d'un dispositif juridique capable de répondre aux différentes contraintes de l'exercice de la pratique foncière, l'ouverture sur les innovations technologies qui s'opèrent au niveau national et international, l'encouragement des citoyens à immatriculer leurs propriétés foncières, la facilitation d'accès des citoyens à un logement et l'extension verticale des grandes villes en vue de rationaliser l'utilisation de l'assiette foncière, outre le soutien aux programmes de logement dans le monde rural. *Inspecteur central à la Conservation de la propriété foncière (Direction régionale de l'Ariana)