Par Pr Jamel TRABELSI (Université Louis Pasteur de Strasbourg) On ne le répétera jamais assez que l'investissement constitue le moteur de la croissance économique. Habituellement, les investissements classiques transitent par les banques traditionnelles suivant des procédures lourdes et contraignantes. L'émergence de l'investissement privé a totalement bouleversé le paysage des affaires et a généré une nouvelle dynamique d'investissement moins contraignante, plus efficace. Ce mode d'investissement a la particularité de créer une dynamique de proximité entre les bailleurs de fonds et les porteurs de projets. Le financement des grands projets dans les pays occidentaux, particulièrement aux USA, transite par des fonds privés et non pas par des canaux traditionnels (les banques). Les sociétés d'investissement à capital risque (Sicar) ont, en effet, accompagné plusieurs projets vers la réussite et la gloire. Le titre Google et d'autres en constituent une parfaite illustration de la réussite et de l'efficacité de l'investissement privé aux USA. La formule magique de ce processus consiste à combiner une idée, des fonds et des réseaux pour concevoir une valeur potentiellement cotée en Bourse. Cette formule magique est la source de l'extraordinaire développement qu'ont connu les USA au cours des années quatre vingt-dix avec un taux de croissance durable de 3%, plus que le double de la zone euro. Effet de levier de la croissance économique L'économie tunisienne est actuellement en chantier, plusieurs projets s'inscrivant dans la philosophie du programme présidentiel 2009-2010 sont en cours et nécessitent la mobilisation de toutes les forces vives. Une concrétisation efficace de ces projets passe incontournablement par l'impulsion de l'investissement en le portant, suivant les prévisions, à 26,5% contre 25,9% en 2009. Dans cette perspective, le secteur privé doit fortement s'impliquer dans des projets en phase avec les priorités du programme présidentiel, à savoir le développement de l'innovation technologique et la consolidation du développement régional. La révision en profondeur du Code d'incitation à l'investissement constitue un signe fort pour les investisseurs privés afin qu'ils s'impliquent fortement dans les projets d'investissements à forte valeur ajoutée. Il est clair que la finalité majeure, à travers cette nouvelle feuille de route des procédures d'investissement consiste à hisser le niveau de qualification et de performances de nos firmes aux normes internationales. C'est un enjeu de taille et tous les ingrédients constitutionnels et environnementaux sont réunis pour déclencher cette nouvelle dynamique nécessaire à la concrétisation des mesures contenues dans le programme présidentiel. Le système tunisien de financement des investissements privés a considérablement évolué à travers des multiples révisions (1988, 1995, 2009) visant l'adaptation des prérogatives des investisseurs privés aux attentes des promoteurs. En effet, en vertu de la loi de finances 2009, les Sicar n'auront plus à demander des garanties hors projets aux promoteurs et doivent, de surcroît, utiliser 75% des fonds dans le développement régional En Tunisie, dans ce cadre, le rôle des Sicar ne se limite plus au contexte purement financier, elles interviennent auprès des porteurs de projets pour leur apporter une assistance technique et juridique. Cette proximité entre les deux acteurs constitue le point fort des institutions financières et la raison pour laquelle plusieurs banques tunisiennes traditionnelles ont créé des Sicar. L'élargissement de ce processus dépasse le cadre de ces banques. La volonté politique de donner plus d'efficacité à l'investissement privé en portant le nombre de projets annuels, émanant de ce processus à soixante –dix mille est un challenge de taille qui a nécessité la mise en place d'une réelle stratégie d'appui à la création d'entreprises. Elle consiste à démocratiser l'investissement privé et l'élargir à toutes les régions. La création des centres d'affaires constitue une plateforme extraordinaire pour dynamiser l'investissement privé dans les régions. Ils opèrent étroitement avec la Banque de financement et des petites et moyennes entreprises (Bfpme) qui est devenue un guichet unique bancaire pour les nouveaux promoteurs. Ces deux institutions complémentaires constituent, à l'échelle régionale, une référence incontournable pour les porteurs de projets. Malgré le développement de ces innovations financières, l'investissement privé demeure en deçà des attentes. Ce faible niveau d'investissement pourrait être attribué plus au nombre limité des projets prometteurs et innovants qu'à l'implication des investisseurs privés. La qualité de notre capital humain et la nouvelle orientation des nos jeunes diplômés vers le milieu des affaires constituent des éléments prometteurs quant à l'avenir de l'investissement privé en Tunisie. En dehors des Sicar avec ses différentes variétés (privé, régionale et bancaire), il existe d'autres processus d'investissement privé comme les Business Angels qui offre plus de sécurité à la réalisation des projets. En effet, les Business Angel sont des personnes physiques qui investissent une part de leur patrimoine dans un projet à fort potentiel de développement. Elles mettent aussi à disposition de l'entrepreneur leurs compétences et surtout leurs réseaux qui constituent le facteur déterminant de la réussite des projets d'investissement. Leur développement en Tunisie permettra sûrement de consolider l'investissement privé qui devient de plus en plus incontournable dans le processus de la croissance économique tunisienne. La richesse de notre capital humain, essentiellement au niveau des jeunes diplômés et le développement des processus d'investissement privé constituent des facteurs déterminants pour la concrétisation des ces projets. Le développement des Sicar, des Business Angels,… doit s'effectuer suivant une stratégie cohérente avec les orientations présidentielles en matière de politiques sociale et environnementale. Néanmoins, le développement de l'investissement privé va de pair avec le développement de la Bourse. Il serait, par conséquent, crucial de moderniser la Bourse tunisienne puisque la finalité majeure des investisseurs privés est d'introduire en bourse les projets prometteurs. C'est un sujet épineux qui mérite une profonde réflexion mais il est incontournable dans la perspective de développement de l'investissement privé et la promotion de l'initiative personnelle surtout chez les jeunes diplômés. La création d'une solide synergie entre l'investissement privé et la place boursière constituera un facteur incitatif chez les investisseurs internationaux.