La 2e «Nuit des étoiles» a été célébrée en plein cœur de Tunis. Une immersion artistique brève, mais intense, qui a bien porté son nom... Les férus d'art, toutes disciplines confondues, se sont donné rendez-vous à la place El Halfaouine, plus précisément au Palais de théâtre. Une foule considérable de spectateurs étaient à l'heure, enthousiastes à l'idée de s'imprégner de spectacles artistiques divers, mais pas seulement... Le concept de «La nuit des étoiles» fusionne arts et découverte de lieux, insolites, teintés d'histoire, mais qui demeurent méconnus du grand public. Après une première édition réussie, organisée en août 2016, au Centre culturel international d'Hammamet «Dar Sebastian» concoctée par Essia Jaïbi et Selim Ben Safia, ce même duo rapplique, 6 mois plus tard, du côté de la capitale et décide de s'emparer — toujours en coopération avec une belle brochette d'artistes — d'un autre temple de la culture, ce fief du théâtre tunisien. Habituellement peu accessible au public, ce lieu, à caractère historique, récemment imprégné par les graffiti de VA JO, vieux d'un siècle et demi, condense œuvres d'art et style architectural envoûtant. Un joyau du patrimoine culturel national figé dans le temps et résistant à ses aléas. A 19h20, les spectateurs, fort nombreux, entament enfin leur escapade trépidante... Lors d'un mot de bienvenue, le spectateur n'a pas tardé à savoir qu'il sera entraîné à suivre les traces d'une bande d'artistes. Ces derniers ont, en effet, «squatté» ce lieu, à leur manière, le temps d'une nuit... Une fois sur place, le public est donc complice et doit se contenter de suivre. Tout commence par un détour par le bureau du directeur du Théâtre national : Fadhel Jaïbi s'y trouve, mais ligoté dans sa chaise, et comme pris par des ravisseurs. Le spectateur, à la fois souriant et perplexe, découvre, contemple et poursuit sa traversée afin d'accéder à la salle Aly Ben Ayed, qui abrite un extrait du dernier spectacle chorégraphique d'Imed Jemaâ «Omda Show». Les spectateurs continuent à se faufiler, empruntant les caves du théâtre : l'emblématique Fatma Ben Saïdane fait une apparition, fumant un narguilé, dans le rôle d'une femme de ménage, qui, le temps d'une nuit, cesse de vaquer à ses occupations. On accède, ensuite, à un immense espace en plein air, doté d'une scène. Le funambule Mohamed Djobbi passe... Arrivant à destination, la levée du rideau de fer de «la salle du cirque» s'effectue, afin de céder l'espace au concert de Jihed Khmiri, Mohamed Seddik Trappa Kekli et Dali Chebil. L'escale musicale s'est poursuivie pendant une vingtaine de minutes, avant de remprunter les escaliers, en compagnie de Jalila Baccar, dans le rôle d'«une vieille mégère tunisoise», une voisine commère, psalmodiant et proférant des propos en dialecte tunisien. Au fur et à mesure, en suivant ses pas, les spectateurs pénètrent dans une immense salle où Selim ben Safia et Essia Jaïbi, assis sur deux chaises, avec une table au milieu, piquaient un somme... avant d'assister à leur réveil progressif. Le duo sort de sa torpeur en laissant présager le début d'un spectacle, non seulement dansant, mais théâtralisé à souhait. Essia revient sur sa performance et déclare : «Pour moi, c'est la première fois que je joue sur scène. J'en ai joué avant, au lycée, mais pas dans un cadre professionnel. Après la première Nuit des étoiles, Selim et moi avons eu envie de pousser le bouchon encore plus loin et de consolider davantage notre collaboration. C'est ainsi qu'on a finalement opté pour une performance, qui rassemble la danse, la chorégraphie, mais qui tient aussi du théâtre, il y a une situation et l'anti-situation. Le spectateur, en arrivant, s'attend à ce que les acteurs-danseurs fassent quelque chose... ici, quand il rentre, il nous trouve endormis. Et on joue sur ce contre-spectacle, où on veut danser, mais on ne fait que dormir, tournant ainsi en dérision la danse contemporaine». Selim est issu du milieu de la danse, ce qui n'est pas le cas d'Essia, qui poursuit : «On peut très bien s'exprimer avec le corps, faire un duo, monter un bon spectacle, sans forcément avoir la prétention de dire qu'on est danseur». Un spectacle qui n'a pas laissé de marbre... avant la poursuite de la montée des marches du palais, en compagnie de Mouin Moumni, acteur de théâtre, paru tel un jeune homme piégé dans un espace clos. Ou peut-on le considérer comme un fantôme qui erre, cherchant des réponses, ou désireux de communiquer, voulant qu'on l'écoute... jusqu'à arriver à bon port. Le dernier point culminant de cette échappée se trouve, tout d'abord, dans une salle, située sur le toit du théâtre national. Une salle prise d'assaut par les acteurs du théâtre tunisien, telle une tour d'ivoire, avec une vue imprenable sur le grand-Tunis. La clôture s'est faite sur les chapeaux de roues, en musique, avec Emna Jaziri au chant, Khaled Mkaouar à la guitare, Ragheb Ouergli à la basse, et Rehab Hazgui, qui manie le rack analogique, au rythme des sonorités électro. La chorégraphie de Mariem Bouajaja n'a pas manqué de surprendre. «La Nuit des étoiles» a eu lieu durant deux nuits successives afin de permettre à un plus grand nombre de vivre l'expérience pleinement et les intempéries de la 2e journée n'ont pas dissuadé les spectateurs d'affluer. Les contraintes des espaces visités dans l'enceinte du palais se sont fait sentir : le nombre de spectateurs était élevé et, par moments, la plupart s'entassaient les uns sur les autres pour parvenir à découvrir les performances. Une gêne momentanée, qui n'a pas gâché l'expérience dans son intégralité. «Malgré quelques contraintes, on essaie quand même de donner une bonne expérience aux gens et nous n'en sommes qu'au début !», conclut Essia. Une prochaine édition est d'ores et déjà envisagée : il reste encore à trouver un nouvel endroit atypique à exploiter.