«Il est indispensable d'adopter un plan d'ajustement structurel qui, si on l'avait fait en 2014 ou en 2015, notre situation serait nettement meilleure» Quelle est votre évaluation des derniers événements relatifs au dinar tunisien? Première réaction : dommage que cette dévaluation se passe sous pression, alors qu'on pouvait le faire nous-mêmes, selon notre propre situation et nos propres moyens. Mais malheureusement, nous avons laissé la situation pourrir, jusqu'à ce que les choses se déroulent ainsi... Certes, il ne s'agit certainement pas d'une recommandation du FMI comme certains le pensent. Mais à l'origine, c'était notre demande de crédit adressée au FMI au mois de mai 2016, comme dernier recours pour combler le déficit. Dans sa lettre, le gouvernement a pris une série d'engagements pour obtenir un crédit de 2,9 milliards de dollars étalés sur neuf tirages, dont le premier est débloqué à la signature et les huit autres tranches échelonnées sur huit tranches à raison d'un tirage chaque six mois. Les dernières négociations à l'occasion de la visite de la mission du FMI concernent la deuxième tranche... Le problème ayant entraîné la présente crise c'est que le gouvernement a pris deux engagements contradictoires. Le premier était vis-à-vis de l'Ugtt qui consiste à augmenter les salaires pour « acheter la paix sociale pendant trois ans ». Et le deuxième était formulé dans la lettre de demande de crédit adressée au FMI. Il consiste à ne pas augmenter les salaires jusqu'à 2020. Bien au contraire, il était question de les réduire de sorte à ramener la charge salariale à moins de 12% du PIB. Bien entendu, la sagesse implique de donner la priorité à l'engagement international. Mais sous la menace de grève générale, le gouvernement a fini par céder en augmentant les salaires et n'a pas tenu ses engagements vis-à-vis du FMI. C'est ce qui explique le non-déblocage de la deuxième tranche du crédit et l'annulation des visites prévues initialement par les experts du FMI. Il est à noter, ici, que dans ce cas toutes les institutions onusiennes et autres s'alignent sur la position du FMI. La dernière mission des experts du FMI a eu lieu sur demande des autorités tunisiennes et renferme un côté politique. Au lieu de refuser le déblocage de la deuxième tranche du crédit, on a opté pour une solution médiane : donner une promesse de déblocage contre un engagement du gouvernement tunisien. Cet engagement ne consiste pas à réaliser les réformes, mais à les accélérer. Ces réformes concernent plusieurs aspects : la fonction publique, les caisses sociales, les banques et la souplesse dans la fixation de la valeur du dinar. Cela, outre l'allégement de la charge sur le système de compensation (notamment sur le carburant) et la réduction du refinancement des banques par la BCT. La déclaration de la ministre des Finances sur la dépréciation du dinar s'inscrit donc dans le cadre des réformes ? Il faut dire que la déclaration de la ministre des Finances n'aurait pas dû être faite, dans la mesure où elle va réduire l'impact positif de la dévaluation du dinar et favoriser une vague de spéculations sur les monnaies étrangères. C'est comme si on a mis le feu aux poudres. Et malheureusement ce ne sera pas une vague passagère. C'est une tendance qui va durer, d'abord parce que le dinar est surévalué; ensuite, parce que les fondamentaux de l'économie sont mauvais et, enfin, car la BCT n'a plus de munitions pour intervenir... Même le dernier crédit de 850 millions d'euros que la Tunisie a levé a été totalement consommé et celui d'un milliard de dollars octroyé par le Qatar a été utilisé pour rembourser un crédit antérieur... Quelle est donc la solution ? Il faut sauver l'économie tunisienne ! Le dinar étant un miroir pour l'économie, on doit sauver l'économie pour sauver le dinar. Il ne s'agit pas de simples décisions à prendre, c'est tout un programme. Il s'agit au fait d'adopter un nouveau plan d'ajustement structurel qui, si on l'avait fait en 2014 ou en 2015, notre situation serait nettement meilleure.